Voitures électriques : les principaux constructeurs commencent à tirer le frein à main
Quand Toyota, le premier constructeur mondial avance vers l‘électrique à tous petits pas et que Volkswagen, qui lui dispute le titre, ralentit la cadence, tous les autres se posent des questions. Et si le marché n’était pas prêt ? Et si les politiques changeaient d’avis ? Et si on revenait à la case départ ? Et si on trouvait d’autres solutions ? Et si, et si…
C’est le grand flou après le sprint. Il y a quelques mois encore, à Volfsburg, fief de Volkswagen, le vrai patron s’appelait Elon Musk. Car Herbert Diess, le PDG du groupe n’avait d'yeux que pour le milliardaire américain et la réussite de sa marque : Tesla. Selon Diess, obsédé par son gourou, il fallait foncer, et plutôt très vite, pour basculer totalement vers l'électrique. Depuis, il s’en est allé et son remplaçant, Oliver Blume est loin de nourrir le même amour pour le trublion des States, ses frasques et ses autos électriques.
Celui qui était le patron de Porsche avant de prendre la direction du groupe (tout en restant le PDG de la marque sportive) n’entend pas évidemment remettre en cause l’électrification engagée. Quand on a posé près de 70 milliards sur la table pour sortir du thermique, on hésite quelque peu à se désengager. Mais il entend bien calmer le jeu. En commençant, 100 jours après sa prise de fonction, par geler quelques projets, notamment celle du Landjet, futur haut de gamme d'Audi et celle de la nouvelle plateforme électrique SSP.
On se calme donc, et on consolide l'existant avant de passer à la suite. C'est ainsi que l'un des chantiers auquel Blume veut s’atteler, ce sont les logiciels, ceux-là mêmes qui ont plombé le lancement de l’ID3 et ont quelque peu terni l’image de qualité de VW. L’électrique oui, mais quand on sera prêt, semble expliquer Blume à ses actionnaires, en leur disant « que les fondations de la maison sont bonnes, mais qu’il faut vider la cave et réviser la toiture ». Une métaphore de maçon pour expliquer que l’emballement pour les watts, c’est terminé, ou plutôt, reporté. Pour lui, l’urgence, au-delà des logiciels, c’est de rattraper l’ennemi de toujours, Toyota, et de ne pas se laisser remonter par l’autre ennemi, plus récent : Stellantis.
Les trois premiers constructeurs mondiaux sont prudents
Dans cette lutte pour rester sur le podium mondial de l’automobile, et éventuellement décrocher la première place, Blume sait parfaitement qu’il n’est pas seul à afficher une prudence de sioux en ce qui concerne les voitures électriques. On connaît les réticences de Carlos Tavares, le patron de Stellantis, en la matière, et le retard, volontaire ou non, de Toyota dans ce domaine. Retard qui n’empêche pas le Japonais de rester au sommet, ce qui n'a nullement échappé au patron de VW.
Il ne lui a pas échappé non plus que la nouvelle Toyota Prius qui vient d'être présentée, et qui sera disponible au printemps prochain, ne dispose pas d'une version 100 % électrique. Comment ? Alors que tout le monde bascule dans un monde de watts, la voiture la plus emblématique de la marque, celle qui a inventé l'hybridation en 1997, snobe le zéro émission pour se contenter d'une version hybride rechargeable ? Mais quelle erreur, semblent dire les pseudos experts. Une erreur qui n'empêche pas le Japonais d'être premier mondial. Toyota a néanmoins cédé aux sirènes de la fée électricité, mais entre le lancement reporté et une autonomie pas terrible de son BZ4X, il joue dorénavant la prudence. Comme Volkswagen, qui a connu le même type de déconvenue avec son ID3.
En Allemagne, comme au Japon, serait-on en train de devenir raisonnable et de se dire que l'on s'est un peu trop précipité ? En tout cas, comme c'est le cas pour la voiture autonome, l'auto électrique semble avoir, non pas du plomb dans l'aile, mais un retard à l'allumage. Cette volonté de calmer le jeu de la part des grands de l'auto est d'ailleurs confortée par les réticences des politiques français et italiens qui semblent accepter la bascule, mais à contrecœur.
Résultat, depuis quelques mois, les constructeurs n"ont que deux expressions en tête : "clause de revoyure" et "moratoire". Deux expressions qu'ils souhaitent devenir réalité. La "clause de revoyure" n'est autre qu'un réexamen, en 2026, du texte voté au mois de juin dernier et certains souhaitent qu'ils débouchent sur un "moratoire". Ce dernier permet de geler l'application d'un texte et de le reporter. En politique, c'est souvent une manière soft d'abandonner une mesure, une décision pour ne léser personne En arriveront nous là dans quatre ans ? Personne n'en a la moindre idée, mais lorsqu’une grande part des politiques et des industriels sont d'accord, et que les consommateurs le sont également, il y a peu d'opposition pour ne pas aboutir à un accord.
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