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Voiture électrique : priorité aux gros rouleurs !

Au budget de l’État en 2025, les aides à l’achat des voitures électriques seront probablement rabotées. Avec moins d’argent disponible, comment convertir les Français à l’électrique ? Mais d’abord, lesquels et pour quoi faire ?

Voiture électrique : priorité aux gros rouleurs !

Il faudrait d’abord se poser la question de l’objectif de la conversion à la voiture électrique ; il semble avoir été perdu de vue.

Pourquoi consacrer des milliards à subventionner son achat ? Rien qu’en 2023, la facture a atteint 1,5 milliard pour l’État.

Au nom de quoi mettre en péril notre industrie automobile et ses centaines de milliers d’emplois ?

Le VE est-il une composante du système de redistribution sociale consistant à réduire les frais de carburant des foyers modestes et/ou de ceux qui n’ont pas accès aux transports en commun et travaillent loin de chez eux ? S’il s’agissait de cela, leur rembourser la TICPE sur la base de leur avis d’imposition et de leurs factures de carburant serait infiniment plus simple et efficace.

Non, l’électrification du parc automobile a un seul objectif, réduire ses émissions de CO2, car il représente, en comptant les VUL, les deux tiers du gros tiers que pèsent les transports dans les émissions totales de la France, autrement dit autour de 20 %.

20 %, ce n’est pas colossal, juste énorme : c’est autant que le CO2 émis par l’agriculture ou le logement résidentiel et tertiaire, autant que l’industrie et la construction réunies.

Et surtout, le trafic automobile est à la fois la seule activité à n’avoir pas diminué ses émissions (jusqu’en 2021) et la plus facile à décarboner. D’abord une voiture dure moins longtemps qu’un bâtiment, une usine ou une centrale thermique, ensuite, l’électrifier remet moins en cause nos petites habitudes et notre confort que nous passer de viande ou chauffer nos logements et bureaux à 14 °C. Et, pour en revenir à nos autos et camionnettes, il est beaucoup plus facile de les convertir que les poids lourds (qui émettent trois fois moins de CO2), sans parler des avions - qui en rejettent 25 fois moins.

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Subventionner l’usage

Bref, si l’objectif est bien de réduire le plus possible ces rejets en dépensant le moins d’argent possible, ce n’est plus l’achat qu’il faut subventionner, mais l’usage.

En clair ne plus aider l’automobiliste lambda et ses 10 000 à 12 000 km/an mais le « bagnolard » : le bagnard de la route, le gros rouleur qui abat ses 50 000 ou 80 000 kilomètres entre l’An et Noël avec une voiture d’entreprise et qui est de loin le plus gros « pollueur ».

Convertir ce conducteur serait mathématiquement beaucoup plus bénéfique que l’automobiliste moyen et ses 10 000 ou 12 000 km par an. Certes, il y a le frein de la fréquence et la durée des recharges mais celui de la disponibilité des bornes a été levé : sur autoroute, 100 % des stations-service sont désormais équipées et on en trouve aussi de plus en plus souvent sur les aires de repos.

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De la confiture aux cochons

La politique de l’État français a jusqu’alors consisté à pratiquer exactement le contraire en « bonussant » aveuglément les achats. Résultat les parcs des entreprises sont bien moins électrifiés que les garages des particuliers. En 2023, le gouvernement a même supprimé le petit bonus (3 000 €) accordé aux sociétés pour l’achat d’un VE.

Si je regarde autour de moi les convertis à la watture - tous des particuliers - un seul dépasse les 20 000 km par an. Parmi les autres, je compte un couple de bobos citadins pratiquant plus souvent le TGV que l’autoroute, des retraités prospères soucieux d’être « à la page » et sortant rarement de leur Dordogne, un écolo convaincu qui se sert plus volontiers de son VAE que de son VE. Aucun n’amortira rapidement les tonnes de CO2 supplémentaires émises à la fabrication de son auto, du pur gâchis.

En fait, depuis dix ans, on donne de la confiture aux cochons - pardon pour eux - ce que confirment les récits des vendeurs comme la lecture des petites annonces montrant beaucoup de VE d’occasion n’ayant pas ou peu dépassé le kilométrage annuel du français moyen.

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La watture, c’est comme la baguette

Faire basculer le bonus des particuliers vers les entreprises pour électrifier massivement les gros rouleurs aurait un autre intérêt - en plus de convaincre le technico-commercial stressé que « toutes les deux heures, la pause s’impose ». Celui de faire tourner le parc.

Car la voiture électrique, comme la baguette, doit se consommer rapidement. Ce n’est pas qu’elle vieillisse mal – les 1 500 à 2000 cycles que supporte une batterie, c’est possiblement 300 000 à 700 000 km, kilométrages qu’endurent facilement les moteurs – mais elle est vite obsolète à cause du progrès rapide des accus et des chargeurs.
Les concessionnaires Kia et Hyundai ne me contrediront pas : leurs parcs débordent de VE d’occasion, retour de LOA qu’ils peinent à écouler. Ces voitures de 3 à 5 ans présentent des autonomies honorables à bon prix, mais leurs chargeurs DC sont déjà datés, ne dépassant que rarement les 75 kW - soit moins qu’une 208 ou une C3 – ce qui impose environ trois quart d’heure de pause pour une recharge de 10 à 80 % sur borne rapide.

Voiture électrique : priorité aux gros rouleurs !

Justice sociale ou progrès écologique ?

Ce qui m’amène à une autre suggestion qui retirerait une grosse épine du pneu de la watture : réserver le bonus des particuliers aux seuls VE d’occasion, lesquels, à de rares exceptions, se revendent mal avec des délais doubles ou triple de ceux des thermiques.

Cette mévente du VE de seconde main, et les rabais qui vont avec, est un autre frein au développement de l’électrique, car il tire ses prix vers le haut. En effet, la valeur résiduelle n’étant pas du tout celle espérée, les constructeurs remontent les mensualités de leurs LOA, canal par lequel s’écoulent plus de 80 % des VE.

Bonusser des bagnoles neuves pour les entreprises et de l’occase pour le pékin, ça ne serait pas très facile à présenter à l’Assemblée, d’autant que pour faire pivoter les responsables de parc vers le VE, réintroduire l’ancien bonus de 3000 € ne suffirait sans doute pas. Mais le gain en termes d’émissions de CO2 serait incomparablement plus convaincant.

Quant à atteindre l’objectif de plus en plus illusoire de vendre 100 % de VE d’ici 2035, il gagnerait à être remplacé par un autre plus réaliste, sachant qu’une voiture neuve roule deux à trois fois plus qu’une vieille de dix ans : 50, 60 ou 70 % des kilomètres parcourus en électrique à la même date.

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