Thierry Breton nouveau chantre du thermique ?
Dans un concert politique européen à peu près unanime pour saluer l'échéance de 2035 et la bascule vers le tout électrique, le discours du commissaire européen détonne. Il demande aux constructeurs de ne pas abandonner totalement le thermique et compte sur la clause de revoyure en 2026 pour, peut-être, freiner le mouvement. Vraie volonté de changement ou gesticulation ?
La belle unanimité serait-elle fissurée ? L'Europe qui parle d'une seule voix en faveur de la transformation vers le tout électrique en 2035 semble connaître quelques dissonances ces derniers jours. A la suite des déclarations de Thierry Breton, haut commissaire européen chargé du marché intérieur depuis Bruxelles, rejoint par Clément Beaune, ministre des transports français depuis Paris, les doutes officiels commencent à s'exprimer.
Au cours d'une discussion avec la presse européenne la semaine dernière, le Français de Bruxelles s'est confié, expliquant qu'il comptait sur la clause de revoyure en 2026. Quèsaco ? C'est un dispositif prévu par l'accord 2035, qui permet de faire un point d'étape dans quatre ans, histoire de juger de l'avancement des technologies vers le tout électrique et, le cas échéant, de reporter l'échéance. "Je réunirai tous les trois mois un groupe composé des grands constructeurs et de tous les autres opérateurs pour identifier les difficultés pour mettre en œuvre cette méga transformation».
Les arguments avancés par Thierry Breton pour effectuer un tel freinage d'urgence sont connus : 600 000 emplois détruits, des voitures électriques hors de prix, des matières premières en pénurie et des infrastructures de recharge loin d'être au top. Mais alors qu'on pensait le commissaire européen isolé dans un concert européen acquit à la cause électrique, il a été rejoint ce week-end par Clément Beaune. Le ministre des transports français s'est déclaré solidaire avec Breton pour la clause de revoyure, mais aussi pour l'étude d'une alternative au tout électrique.
Thierry Breton qui avance également un autre argument : celui des régions du globe qui ne vont pas basculer dans le tout électrique. Dès le printemps, il tweetait dans ce sens. expliquant que « si l’UE met fin à la vente de moteurs thermiques après 2035 en Europe, cela ne s’applique pas au reste du monde ».
Le thermique réservé aux pays émergents
L'argument est-il recevable ? D'un point de vue purement économique, il ne l'est pas. Car si, effectivement, les pays d'Amérique du Sud, d'Afrique et d'une partie de l'Asie vont continuer à pouvoir acheter des autos thermiques, ce seront des modèles fabriqués, et vendus, à bas coût. Un modèle économique incompatible avec une fabrication en Europe et qui donc, ne résoudrait pas la désindustrialisation du continent et la casse sociale qui en découle. De plus, tous les constructeurs sont déjà engagés dans la grande transformation vers le tout électrique et ne risquent pas de renoncer au risque de perdre les milliards engagés.
Cette réticence au retour en arrière semble d'ailleurs être parfaitement comprise par le haut-commissaire qui a indiqué que "cette décision est définitive, et que tous doivent investir dans la nouvelle chaîne de valeur de l’électrique". Dans ce cas, pourquoi souffler le chaud et le froid ?
Peut-être pour afficher une solidarité relative avec certains industriels comme Carlos Tavares, et surtout une population européenne pas vraiment convaincue ? Ou alors, plus pragmatiquement, pour que les constructeurs acceptent et appliquent la norme antipollution Euro 7, dernière étape avant le tout électrique et qu'ils devront signer d'ici 2025 ou 2026.
Une réticence affichée pour mieux faire accepter la norme Euro 7
Les constructeurs n'en veulent pas, car ils estiment que l'application de cette norme représente pour eux des investissements supplémentaires en matière de dépollution pour un modèle qui durera moins de dix ans, et qu'ils ont déjà fort à faire ailleurs. Ils préfèrent passer directement au 100% électrique et la réticence envers 2035 affichée par le haut-commissaire qui souhaite offrir un (petit) avenir au thermique, pourrait bien être un moyen pour lui de les convaincre de signer la dernière valse du moteur à pétrole de l'histoire de l'automobile. D'ailleurs, le haut-commissaire chargé de faire passer la pilule de la norme Euro 7 auprès des constructeurs s'appelle Thierry Breton.
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