Stellantis, l'adieu au thermique
La voiture thermique, c’est fini. Injustice de l’histoire, le dernier clou dans son cercueil aura été enfoncé par Carlos Tavares, patron de Stellantis, le seul qui l’ait vraiment défendue, l’ultime résistant au tout-électrique.
Le 15 avril, face à l’assemblée générale des actionnaires de Stellantis, son directeur général, Carlos Tavares, confirmait qu’il mettait le cap droit sur la voiture électrique, et à pleine vapeur.
Objectif, 70 % des ventes européennes dès 2030, l’abandon à court terme de l’hybride rechargeable dont il s’était fait le héraut et l’intégration de 80 % de la chaîne de valeur électrique avec, entre autres investissements, la construction de deux giga-usines de batteries, l’une à Douvrin dans le Pas-de-Calais et l’autre à Kaiserslautern en Allemagne. L’histoire ne dit pas si on l’a vu avaler une couleuvre.
Il n’y a pas si longtemps, quand il barrait le navire PSA, l’homme plaidait pour la neutralité technologique, l’obligation de résultat et non de moyen, autrement dit, contre la conversion « obligatoire » de son industrie au moteur électrique.
Et en tant que dirigeant de l’ACEA - l’association des constructeurs automobile européens -, il mettait en garde contre le péril de tout miser sur une unique technologie, alertait du danger de lui découvrir plus tard, trop tard, des nuisances équivalentes ou pires à celles du moteur à pétrole.
Quand Volkswagen boit, PSA trinque…
L’injustice est double car ce virage à 90°, le directeur général de Stellantis est contraint de l’effectuer dans le sillage de Volkswagen, l’entreprise qui est largement responsable de la condamnation à mort du moteur thermique.
Volkswagen qui, en trichant délibérément sur les normes de pollution, déclencha le scandale qui, il y a à peine plus de cinq ans, lançait le procès du diesel, puis du thermique tout court.
Volkswagen qui, pour faire pénitence et trouver sa rédemption, entraîne désormais toute l’industrie automobile européenne sur la voie de l’électrique. Ne serait-ce que parce que contrairement à BMW et Mercedes qui s’y opposent, VW est mal placé pour contester la future norme de pollution Euro 7 de 2025, laquelle, pour ce qu’on en sait, condamnerait tout moteur thermique conventionnel. Comment contrer Euro 7 après avoir sciemment violé Euro 5 ?
« Voltswagen » (faux canular, vraie promo) qui, pour finir, a eu l’audace de chiper l’appellation ID au créateur de la DS et fabricant des DS, ce qui ne manque pas de sel, mais d’élégance. Un peu comme si une Peugeot se nommait g0lf ou si la Citroën Ami s’appelait Bêêtle avec double accent circonflexe en guide de chevrons.
Les tricheurs du thermique seront-ils les gagnants de l’électrique ?
L’injustice est triple car le grand puni, celui qui doit révolutionner d’urgence son modèle et son organisation, transformer ou fermer bureaux d’études et usines, remodeler son circuit de sous-traitance, repenser sa chaîne de valeur, c’est PSA, un des rares constructeurs à n’avoir pas fauté dans le thermique.
Le virage de la « watture », Renault l’a anticipé dix ans plus tôt, un point à l’actif de Carlos Ghosn.
Mais Renault – et Carlos Ghosn, deux points à son passif - est aussi l’autre grand tricheur du scandale du diesel. Pas par fraude, mais par mesquinerie avec le choix d’un système de dépollution diesel bas de gamme, le LNT, qui ne fonctionne qu’aux températures du laboratoire d’homologation et, en usage réel, se comporte en usine à pépins.
Alors que PSA fut, lui, l’inventeur du filtre à particules et le premier, avec BMW, à avoir adopté l’efficace procédé dénox SCR par injection d’Adblue.
Dans les tous les tests en roulage réel qui ont suivi le dieselgate, de ceux de la commission Royal en 2016 jusqu’aux plus récents de Transport & Environnement, on trouve des Peugeot et des Citroën parmi les rares voitures qui respectent les normes d’émission. Et parmi les pires pollueuses, des Renault, Nissan et Mercedes…à moteur Renault.
Carlos Tavares tient-il sa revanche ?
Pourtant, il y aura peut-être bien, sinon une morale, du moins une leçon à tirer de cette histoire.
Au hit-parade français des ventes de voitures électriques au premier trimestre de cette année, le duo Peugeot e-208 et e-2008 a devancé le tandem des Renault Zoé et Twingo et même la Tesla Model 3. Et évidemment les Volkswagen ID.3 et Nissan Leaf, aux neuvième et dixième places.
Et à l’échelle de l’Europe, aux dernières nouvelles, les deux Peugeot cumulaient en janvier et février un meilleur score que la révolutionnaire Voltswagen, celle qui devait casser la baraque, et presque aussi bien que l’américaine.
Si Stellantis, malgré son retard initial, n’est pas si mal placé dans la course, c’est grâce au succès de ses thermiques : la réussite de ses SUV a alimenté la trésorerie et la réputation sans tache de ses diesels a préservé l’image de la marque. Au final, la dynamique de l’ensemble permet le revirement industriel sans trop de casse.
A l’inverse, si Renault et Nissan, malgré l’avance technologique et commerciale prise avec les Zoé et Leaf, ne dominent plus le marché de l’électrique et - en attendant la mini Kwid de Chine -, s’y font même malmener, c’est parce qu’ils expient leurs péchés.
La trésorerie de Renault, et donc sa capacité d’investissement, souffre d’abord de l’érosion de sa part de marché en Europe et celle-ci ne date pas du ratage des SUV Kadjar, Koléos et… Espace. Cette lente dégringolade est d’abord due à l’exécrable réputation de fragilité de ses moteurs, savamment entretenue depuis 30 ans avec la zélée contribution d’un SAV dressé à refuser les prises en charge.
Dans ce contexte, le peu glorieux second rôle joué par le losange dans le feuilleton du dieselgate a fini de ruiner sa réputation.
Bref, Carlos Tavares tient peut-être sa revanche.
Il n’empêche, à sa place, on aurait pour s’entraîner aux fléchettes, les portraits de Martin Winterkorn et de Carlos Ghosn, les deux fossoyeurs du moteur à explosion.
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