2. Triumph Speed Triple RR - Sur route ou circuit, même plaisir
C'est du côté de Ronda, en Espagne, sur des routes larges aux courbes ouvertes et rapides, que nous avons pris en mains cette nouvelle Speed Triple RR. Ayant déjà eu le plaisir d'emmener sa sœur sur les routes de Pau et de ses environs, y compris sur le fabuleux circuit éponyme, il nous tardait de dégourdir les pneumatiques de la nouveauté. Surtout, nous attendions beaucoup de la nouvelle suspension, étant déjà plus ou moins familiers avec le nouveau moteur de la firme anglaise.
Celui-ci ne change pas complètement de comportement, mais la nouvelle position de conduite influe sur les impressions de vitesse et la sonorité apparaît renforcée. On profite donc pleinement de la puissance rapidement mise à disposition, tandis que le couple offre de très bonnes relances lorsque l'on se trouve en dessous de 5 000 tr/min et au-dessus de 6 000, lorsque s'ouvre la valve à l'échappement. Sur route, on joue volontiers de la boîte de vitesses, histoire de faire chanter l'échappement, tandis que l'on pousse volontiers les rapports histoire de décrocher le peps disponible une fois les deux tiers du compte-tours dépassés.
Essai sur route de la Speed Triple 1200 RR
Que ce soit au moyen du shifter, décidément très agréable sur tous les régimes (même s'il accrochait un chouïa), ou de la boîte résolument douce elle aussi, on apprécie également de bénéficier d'un frein moteur bienvenu, au demeurant le seul paramètre sur lequel on ne puise intervenir électroniquement. Tomber les rapports par grappe se fait d'ailleurs sans redouter de blocage de la roue arrière, dont le dribble est jugulé de manière efficace.
Du coup, on consomme un peu plus que de raison, mais la raison n'a pas lieu dans l'équation plaisir, performance… D'autant que passer à la vitesse supérieure, au sens propre comme au sens figuré, apporte plus de confort, mais aussi et surtout une célérité importante. La Speed Triple 1200 RR est bel et bien un Road Racer, mais les routes mises à disposition ne permettaient pas réellement de mettre en lumière le phénomène que l'on distingue en ville aux alentours de 30 à 40 km/h : les légers à-coups de l'injection.
Pour le reste, on évolue en douceur et sans effort, profitant d'un bon équilibre. Reste à se mettre les bracelets bien en main et à trouver les appuis les plus modérés possibles. Leur ouverture et leur taille, à mi-chemin entre le guidon touring et les bracelets de sportives facilite l'opération. De fait, la RR profite de ses origines de RS et d'une géométrie mixant très agréablement stabilité et vivacité. La position des mains est basse, l'implantation de la fourche et des guidons aussi, apportant tout naturellement une direction plus précise et une posture basculée vers l'avant, les mains sous l'aplomb de fesses, les bras parallèles aux cuisses et formant presque un angle de 45° avec la route. Ni trop, ni trop peu.
La première pousse toujours jusqu'à l'allure autoroutière, où la bulle apporte une protection efficace, mais quitte à avoir acheté les rapports suivants, autant s'en servir. La 2 emmène volontiers aux alentours de 170, autant dire qu'il y a de quoi faire et rapidement faire. Pour autant, si l'on ne cravache pas le trois cylindres et que l'on évolue dans la zone des 2 250 tr/min, soit un régime presque minimal sur tous les rapports (y compris la 6), on observe une zone où l'injection produit des soubresauts. Pour autant, démarrer en 3 ème est possible, gage d'une force importante et d'une grande souplesse mécanique.
Le comportement Rain limite la puissance à 100 ch, tandis que tous les autres exploitent pleinement les 180 chevaux, faisant plus ou moins intervenir le contrôle de traction. En l'absence d'anti-wheeling à proprement parler, l'anti-patinage permet de conserver longuement la roue avant au sol. Tout juste parvient-elle à se soulever lorsque débarque la puissance, mais l'intervention aussi rapide que discrète repose sans coup férir, surtout en mode Sport, le plus indiqué pour rechercher les sensations. Cela dit, le mode Track n'est pas à proscrire : sur route, il offre un comportement proche de celui que l'on obtiendrait avec de suspensions fermes et une moto sans assistances. En courbe, on sent également son action de manière parfois plus intrusive, avec un relâchement de la puissance pouvant tarder. Il faut dire que la température n'est pas élevée, et que l'on profite d'une route sillonnant au travers des nuages déposés dans la vallée. Un petit coup de poignées chauffantes histoire de mettre les mains à l'aise ? Un petit coup de gaz, plutôt !
Les montagnes environnantes pointent vers le ciel tandis que l'on trace sereinement. Le bitume parfait ne laisse aucune chance aux suspensions électroniques de démontrer leur efficacité, mais leur réglage nous apparaît meilleur de base que celui des éléments de la RS, limitant les transferts de manière probante lors de la coupure des gaz aussi bien que lors d'un freinage plus ou moins appuyé. L'ABS est à ce titre actif sur l'angle, permettant de limiter considérablement les risques de ripage. L'ensemble Brembo officie avec force et précision, laissant là encore aux doigts (deux si on le souhaite), un parfait contrôle. Reste à bien gérer le niveau d'intervention, tant il peut devenir permissif et tolérer de la glisse en délestant copieusement la roue arrière. Les étriers Stylema se sont pas là pour de la figuration !
Sur route, la RR est dans son élément, tandis que l'on exploite principalement les régimes aux alentours de 7 500 tr/min et les rapports intermédiaires, le tout dans un ronronnement des plus agréable. La Speed apparaît ici comme une bonne routière, enjouée et vive. Est-elle une sportive, cette RR ? Pour le savoir, nous avons à présent l'opportunité de réaliser trois sessions de piste sur le circuit d'Ascari. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle va révéler là son plein pouvoir, et solliciter aussi bien ses suspensions que ses pneumatiques, des Pirelli Diablo Supercorsa, SC à l'avant et SC2 à l'arrière.
La Speed Triple 1200 RS nous a déjà démontré ses grandes capacités sportives et ses énormes qualités sur piste, mais la RS franchit encore un cap. Pour autant, la piste et ses nombreux pièges nous permettent à présent de mettre la RR à l'épreuve.
Essai piste de la Speed Triple 1200 RR
Tout fraîchement revendu et resurfacé, l'extraordinaire circuit privé d'Ascari est une succession interminable de pièges négociés dans le sens anti-horaire… Virages en aveugle, en dévers, relevé, courbes rendues brillantes par un soleil soudainement violent, pifs et pafs en tous genres, bref, la compilation des virages les plus techniques de circuits mondialement connus, sans oublier de gros freinages en appui, en descente. Pour tout dire, une pure vacherie invitant au jardinage : les dégagements en terre ou en gravier sont régulièrement visités. Aurons-nous l'occasion -forcée- de tester le off-RRoad ?
En tout bas, le maniement de la Speed Triple 1200 RR reste une évidence et la guider, l'inscrire, la placer une formalité. Moins physique que son pendant roadster la RS, mais davantage qu'une sportive, plus protectrice, elle enchaîne les tours sans coup férir, mais en démontrant le travail effectué par les suspensions. Là encore, le comportement de la partie cycle est amélioré par les suspensions semi-actives, mais là aussi, les mouvements apparaissent lors des fortes mises en contrainte. Ils sont plus vite jugulés, plus efficacement, du fait d'une adaptation quasi immédiate.
Un freinage puissant et une répartition des masses portée sur l'avant induit une dérive plus que probable de l'arrière, surtout avec un ABS se déclenchant… dans l'herbe ? Du moins jamais à l'arrière (désactivation). Un freinage requérant dès lors des pneumatiques de grande qualité et sportives pour encaisser les contraintes, tandis que la fourche ne plonge pas plus que les 120 mm de sa course maximale : le réglage automatique limite considérablement la plongée et freine efficacemet la remontée apportant une maîtrise sur la durée de la phase critique, tandis que la moto est en mesure de plonger à l'envie. Malheureusement, nous n'avons peu eu le temps (à peine 45 minutes pour être précis) de rentrer dans le paramétrage poussé de la suspension pour adopter des valeurs fixes permettant d'optimiser le comportement sur une piste d'une telle qualité. De fait, un accès plus simple au réglages des suspensions nous aurait certainement permis de gagner en fermeté et de mieux encaisser les tassement induits par les cuvettes diaboliques. Nous avons donc conservé tout au long de nos tours l'adaptation automatique du mode Dynamic.
Précise, rigoureuse, prévisible, particulièrement agréable lorsque l'on va chercher le rupteur au delà de 11 000 tr/min, la Speed Triple 1200 RR montre de très nombreux visages et s'adapte à toutes les situations, mais aussi à tous les styles de conduite. La garde au sol est importante, permettant de ne pas forcément déhancher pour passer fort en courbe, mais elle s'accomode fort bien d'un style sportif et permet d'user du slider rapidement et aisément. Bien entendu, elle demeure un roadster sportif et non une sportive en tant que telle, mais elle s'en rapproche autant par sa puissance que par sa rigueur, sans oublier son niveau de performances. Moins démonstrative ou explosive que les "pures et dures", elle apporte un confort de tout instant et se montre moins physique que sa soeur à guidon large, offrant à Triumph une moto à la fois originale et particulièrement compétente. Une chose est sûre : on n'a pas fini d'en faire le tour, d'en faire des tours, de faire des tours et surtout de pouvoir compter sur elle en toute occasion.
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