Route de nuit - Les mauvaises voitures, c’est du passé
Jusqu’à l’orée des années 2000, les autos neuves pouvaient receler de graves défauts de conception et de fabrication, rendant leur achat hasardeux. La presse jouait alors un rôle plus déterminant qu’aujourd’hui pour aider les gens à acheter…
On attribue souvent la baisse des ventes de la presse papier à Internet. Si celui-ci a très certainement joué un rôle, il n’est pas aussi déterminant qu’on ne l’imagine. Dans la presse automobile, un élément crucial s’est progressivement mis en place, qui explique en bonne partie pourquoi on achète moins de magazines de voitures qu’avant : il n’y a plus de mauvaises autos.
Et ce, depuis plus de vingt ans. En effet, cela fait deux bonnes décennies que tous les modèles neufs tiennent bien la route, freinent convenablement, protègent efficacement contre les chocs et ne rouillent plus. Autant d’éléments qu’on ne peut évaluer lors d’un examen statique à la concession du coin.
Je situerais la bascule à 2000, quand l’épouvantable Opel Corsa B a quitté la production. Voilà une citadine très incertaine dynamiquement, surtout sur mauvaise route, pas très confortable, et dont certains moteurs, dont le 1,4 l 16V, pouvaient casser comme du verre suite au bris prématuré de leur courroie de distribution. Certes, c’était au moment de l’avènement des moteurs DTI, qui consommaient parfois plus d’huile que de gasoil et finissaient par casser, eux aussi, par manque de lubrifiant, parfois avant même d’avoir atteint 10 000 km.
Comme Opel refusait souvent les prises en charge, la clientèle a fui pour ne jamais vraiment revenir. Le salut – relatif – est venu de Fiat, qui a fourni à Opel ses excellents JTD, fiables eux. Quand je pense que le Blitz a par la suite utilisé « deutsche qualität » comme slogan…
Juste avant ces engins épouvantables, l’horrible Ford Escort lancée en 1990 cumulait avec une maestria peu commune les défauts graves. Ah, elle présentait bien dans le show-room. Puis, quand on l’avait achetée, on constatait la médiocrité de son comportement routier, et l’anémie quasi-totale de son moteur 1,8 l diesel dont la courroie, censée être changée à 60 000 km se rompait à 50 000 km, avec les dégâts qu’on imagine. Enfin, au bout de 4 – 5 ans, elle se mettait à rouiller, parfois copieusement. Le piège ! Ford a magnifiquement rectifié le tir avec la Focus, sauf en matière de corrosion… Vous me direz, les moteurs peu fiables existent toujours, mais quand une voiture sort, la presse spécialisée ne peut le deviner.
Vous vous rappelez le scandale de la Mercedes Classe A en 1997 ? Des journalistes suédois ont déterminé qu’elle se retournait durant certaines manœuvres d’évitement. Et ce, au moment où le constructeur la mettait sur la route après une longue campagne de teasing. Catastrophe ! Il a dû stopper la production, rappeler les voitures vendues et les modifier, en en durcissant la suspension et en installant sans supplément un ESP.
Les Peugeot 206 et 607 ainsi que la Renault Mégane 1 ont, elles aussi, été critiquées par quelques journaleux tatillons pour les réactions parfois surprenantes de leur train arrière dans certaines circonstances, obligeant, là encore, à des rectifications en usine.
En tant que journaliste, la dernière auto neuve réellement indéfendable objectivement que j’ai essayée, c’est la Dodge Nitro, en 2007. Ce SUV américain à la technologie antique était à la fois totalement dépassé par son comportement routier, inefficace en tout-terrain, mal fini, gourmand en V6 et bruyant en diesel. A bien y réfléchir, la Chevrolet Aveo, de la même époque, était une sacrée bouse aussi. Mais aucun de ces deux modèles, qui n’ont pas eu de succès, n’était dangereux ni peu fiable. La Dodge conserve d’ailleurs une valeur étonnamment élevée, eu égard à ses compétences.
Récemment, je suis tombé sur un vieux numéro de l’Automobile Magazine (de 1990) qui a crashé en collaboration avec Auto Motor und Sport plusieurs grandes routières pour vérifier comment elles protégeaient leurs passagers. Un choc décalé : la moitié de la face avant heurtait un obstacle indéformable à 55 km/h.
Dans les Fiat Croma, Honda Legend, Opel Omega et Renault 25, le danger était jugé « mortel » pour le conducteur. Depuis, l’EuroNcap a été créé, la sécurité passive est devenue un argument de vente aussi fort que les émissions de CO2 aujourd’hui et les voitures sont devenues beaucoup, beaucoup plus sûres.
En 2003, l’ABS est devenu obligatoire sur les autos nouvellement homologuées en Europe, l’ESP a suivi en 2011, tout ceci contribuant à sauver de nombreuses vies.
Il n’y a pas plus de pièges aujourd’hui dans les autos proposées. Fini les châssis dangereux, les freins évanescents, les coques aussi rigides que du chewing-gum, les tôles façon gaufrette après quelques années (voire dès la livraison dans le cas de certaines R5 et Alfasud dans les années 70-80).
Cela ne signifie pas que nous, journalistes, n’ayons plus aucun rôle à jouer. Si les autos ne sont plus dangereuses, elles ne cessent de se renchérir et ne tiennent quasiment jamais leurs promesses en matière de consommation, surtout les hybrides rechargeables.
Sans oublier leur ergonomie souvent fantaisiste, leur habitabilité ridicule et leur finition parfois surprenante. Comme l’achat se dématérialise de plus en plus, notre rôle, à nous journalistes, reste central. Et, promis, aucun constructeur ne nous achète !
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