Route de nuit - En attendant Pinault
Même la plus déprimante des berlines peut prendre une toute autre dimension après être passée entre les mains d'un artiste. La preuve avec Covering Hannah, oeuvre de Richard Prince.
Ça fait des semaines que l’on peut lire au fronton de la Bouse du Commerce, à Paris, la promesse d’une « ouverture prochaine » de la Fondation Pinault. Nous sommes au cœur de la capitale, aux abords du Forum des Halles, à deux pas des gargotes de fast food et des déballages de fringues bon marché. Dans la peau d’un bâtiment du XVIII siècle, transfigurée (à l’intérieur) par le génial Tadao Ando, doit éclore d’un jour à l’autre un haut-lieu de l’art contemporain.
On ignore encore ce qui sera exposé sous cette coupole impeccable, quelles seront les œuvres choisies par le mécène au sein de sa foisonnante collection, mais on sait que même ceux qui salivent devant une BX et versent une larme au volant d’une Taunus pourraient y trouver leur compte.
Il existe dans la collection qui n’était jusqu’à présent visible qu’à Venise, une Buick Regal de 1987 sublimée par Richard Prince, 72 ans aux prunes. Pour rafraîchir la mémoire des oublieux, la Buick Regal est une caisse aussi déprimante qu’une Renault 11.
Mais le geste d’un artiste est capable de transfigurer n’importe quel objet fut-il désespérément ordinaire.
En l’occurrence, l’artiste en question ne manque pas d’humour. Richard Prince est un rebelle, un vieux soixante-huitard qui rumine ses obsessions et ses contestations depuis des lustres, un rebelle qui manifestait contre la guerre du Viêt-nam et qui continue de tourner en dérision la société de consommation, les fantasmes, le sexe. Et les Buick.
« Covering Hannah » - c’est le titre de l’œuvre qui date de 2008 - ne sublime pas la bagnole. Ce n’est pas une Art Car politiquement correcte, mais un support de rêves et de regrets.
Rien pour cette raison, ça nous ferait du bien de la voir se garer un jour devant la Bourse du Commerce.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération