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Route de nuit - Bertin, un génie d’hier aux idées d’aujourd’hui (le Tridim de Bertin sera au Rétromobile 2022)

Dans Rétro / News rétro

Stéphane Schlesinger

L’ingénieur français Jean Bertin, connu pour son fameux Aérotrain, avait aussi développé un véhicule urbain qui aurait toute sa place aujourd’hui : le Tridim.

Route de nuit - Bertin, un génie d’hier aux idées d’aujourd’hui (le Tridim de Bertin sera au Rétromobile 2022)

J’allais titrer « Jean Bertin, l’Elon Musk français », puis je me suis ravisé. Pourquoi ? Parce que cela aurait réduit les mérites de l’ingénieur français, qui non seulement voyait beaucoup plus loin que le créateur de SpaceX mais en plus cherchait à apporter des solutions collectives et non adressées à une classe aisée.

Mais du fantasque sudafricano-américano-canadien, il lui a manqué la connaissance fine des marchés financiers ainsi que la capacité exceptionnelle à convaincre les grands décideurs.

Jean Bertin présentant son Tridim aux journalistes.
Jean Bertin présentant son Tridim aux journalistes.

Bertin, polytechnicien, ingénieur de l'École Nationale Supérieure de l'Aéronautique et diplômé en droit de son état, exerce en tant que directeur technique à la Snecma de 1943 à 1955, où il a inventé un élément crucial en aviation : l’inverseur de poussée des réacteurs d’avion.

Fourmillant d’idées (il sera associé à plus de 160 brevets), il sent qu’il ne peut les mener à bien dans une grande entreprise à la française, un rien corsetée, et crée sa propre entité en 1956 : la Société Bertin & Cie.

Très sympas, les portes en demi-coques. Sauf quand il pleut…
Très sympas, les portes en demi-coques. Sauf quand il pleut…

Comme d’autres, il désire appliquer ses connaissances acquises en aéronautique à d’autres domaines industriels. En cela, il s’inscrit d’une certaine façon dans les pas de Gabriel Voisin, pionnier de l’aviation reconverti dans l’automobile car il refusait que ses avions servent à une quelconque forme de guerre. Les deux hommes se connaissant, Voisin a accueilli dans ses locaux l’entreprise de Bertin.

Ce dernier accède vite à reconnaissance mondiale, devenant un ingénieur extrêmement respecté. Il travaille en particulier sur l’effet de sol et les coussins d’air, qu’il applique à des véhicules.

Sur son rail de 18 km, encore en partie visible dans le Loiret, l’Aérotrain emmenait ses 80 passagers à 350 km/h. © Ouest France
Sur son rail de 18 km, encore en partie visible dans le Loiret, l’Aérotrain emmenait ses 80 passagers à 350 km/h. © Ouest France

Notamment un, qui fera sa renommée auprès du grand public : le fameux Aérotrain. Un rail en béton, un véhicule suspendu par air, un moteur d’avion, de quoi pointer à 345 km/h en 1967. Puis c’est un prototype à réacteur qui est développé, auquel succède une navette à turbine à gaz capable d’emmener 80 passagers à 250 km/h en 1969.

Le but ? Relier rapidement les grandes villes françaises. Le gouvernement français finance ces véhicules avant-gardistes mais hélas très voraces en carburant. Qu’à cela ne tienne, Bertin développe l’Aérotrain Suburbain S44 à propulsion électrique, emmenant 44 passagers à 200 km/h. Une sorte de RER ultra-rapide puisqu’il se destinait à la desserte de villes très proches les unes des autres. Dès 1969 !

Mais Bertin n’est pas féru que vitesse. Il réfléchit aussi à un moyen de se déplacer en ville, ce qui donne en 1973 le Tridim. Cette appellation vient de tridimensionnel, car il se déplace en ligne droite, en courbe et dans les pentes.

De l’Aérotrain, le Tridim récupère la sustentation par air et le monorail, mais rien de plus. Car il s’agit d’un petit véhicule autonome et électrique, alliant aluminium et composite pour se déplacer en ville. Il peut s’adapter à la demande en temps réel : cabine simple en heures creuses, train de cabines aux heures de pointe, et arrêt où on veut. Peu cher, d’un entretien aisé, écologique et silencieux, ce moyen de transport était très pertinent à une époque où les villes commençaient à se saturer de voitures infiniment plus polluantes que maintenant.

Hélas, si Bertin s’entendait fort bien avec Georges Pompidou, le décès de ce dernier le 2 avril 1974 mettra fin aux projets de l’ingénieur. Celui-ci n’avait en effet guère d’atomes crochus avec le nouveau Président de la république Valéry Giscard d’Estaing, qui stoppa tout ce qui avait été signé par son prédécesseur, notamment, en 1974, la ligne d’Aérotrain Cergy – La Défense.

Bertin ne s’en remettra pas, et décèdera en 1975, emporté par un cancer. On aura le TGV, en soi une excellente chose, mais pas le Tridim qui, après tout, pourrait très bien être déployé à l’heure actuelle…

On pourra en tout cas l’admirer au prochain salon Rétromobile, du 2 au 6 février 2022, où on le verra circuler sur un rail de 20 m. On aura aussi un aperçu des idées de Bertin en matière dépollution de l’air et des océans. Il n’avait pas attendu l’avènement des militantes à couettes et des écologistes prédateurs sexuels pour se soucier de l’environnement…

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