Renault, Nissan, Mitsubishi, Volvo… : Google bientôt maître à bord
Le géant américain se prépare à fournir directement le système d’exploitation de l’info-divertissement de certains constructeurs automobiles, tout comme il fournit Android aux fabricants de smartphones. En clair, votre écran trônant sur la planche de bord fonctionnera sous Android Automotive, donc avec Google. Une avancée attendue par certains et crainte par d’autres.
Vous utilisez Android Auto pour afficher sur votre écran de bord une version simplifiée de l’écran de votre smartphone et avoir accès à certaines de ses applications (navigation avec Google Maps ou Waze, musique, podcasts…) ? Eh bien voilà un réflexe qui pourrait bien disparaître avec l’arrivée de Google directement au cœur de votre auto. Vous pourrez même oublier votre smartphone à la maison, le cloud de Google se chargeant de connecter vos informations de compte et favoris directement dans l’auto.
Annoncé en 2017, le système d’exploitation Android Automotive (à ne pas confondre avec l’appli Android Auto, donc) n’aura pas tardé à concrétiser son offre pour devenir un système d’exploitation automobile à part entière, avec de gros clients d’ores et déjà annoncés : Volvo ainsi que sa nouvelle marque électrique haut de gamme Polestar, General Motors et surtout, pour ce qui nous concerne au premier chef, l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Aucun d’entre eux ne propose encore de modèles équipés sur le marché, mais cela ne va pas tarder.
La Volvo XC40 électrique et la Polestar 2 seront les premiers modèles à intégrer cette solution technologique, courant 2020. Inimaginable encore il y a quelques années, alors que certains constructeurs rechignaient encore à laisser rentrer dans leurs autos Android Auto et CarPlay, le service équivalent chez Apple.
Le logo Android va-t-il s’afficher au démarrage de votre auto, comme sur un smartphone ?
Comment ça marche ?
Au lieu de projeter sur un système de bord différent des applications venues d’un smartphone Android, Android Automotive OS est le cœur même du système d’info-divertissement du véhicule. En clair, votre auto est devenue directement un appareil Android comme un smartphone peut l’être. Elle embarque donc d’origine un système de navigation, de messagerie, d’applications de streaming (transmission de contenu en direct) comme les commandes de climatisation, de confort et de réglages divers du véhicule dans cet univers logiciel.
Cela veut dire aussi que les données de votre smartphone Android (l’immense majorité du marché français) seront automatiquement transférées dans l’auto via le cloud pour qu’un trajet habituel ou calculé sur le smartphone, le carnet d’adresses, la musique et autres types de données soient présents dans le véhicule.
Qu’en est-il alors pour les conducteurs qui ont choisi un Apple iPhone, qui fonctionne sous un système d’exploitation différent, iOS ? Bien entendu le système de bord sera compatible (au moins avec CarPlay) mais l’intégration ne pourra être comparable. Nous en saurons plus au fur et à mesure de l’approche de la commercialisation de cette technologie.
Le système Android Automotive est ouvert aux développeurs pour créer des applications indépendantes, tout comme Android ouvre ses portes à d’innombrables applications (plus ou moins utiles ou qualitatives). Dans un premier temps, il s’agit d’applications de contenus, comme la musique en streaming de Spotify, par exemple. Mais les champs de développements sont sans limite et le Google Play Store (boutique virtuelle) sera ainsi accessible depuis l’écran de bord pour les applis spécifiquement développées pour un usage en voiture.
Enfin, pour ce qui est de l’aspect graphique de ces futurs écrans de bord, si la structure de fonctionnement sera identique pour les différentes marques proposant cet écosystème, la présentation visuelle sera bien entendu adaptée à chaque univers de marque. L’organisation de l’écran d’accueil sera également configurable selon ses préférences, mettant en avant les fonctionnalités les plus utiles.
Qu’est-ce que ça va changer ?
Au lieu de « confisquer » l’écran d’accueil de votre voiture au profit d’un affichage simplifié de votre smartphone comme avec Android Auto aujourd’hui, occultant certaines fonctionnalités natives de votre auto, le système intégrera tout dans une seule configuration, bien plus harmonieuse et complète. Ainsi, le suivi GPS pourra être optimisé, alors qu’il n’aura plus aucune contrainte de gestion de batterie comme dans le système d’un smartphone. Dans les passages délicats comme un tunnel, relié aux différents capteurs de l’auto, le système pourra continuer à donner des informations et instructions de navigation très précises.
De manière générale, on pourra bénéficier de tous les atouts des systèmes de navigation sur smartphones, notamment la facilité pour donner une destination et la précision de guidage, la qualité des informations trafic, combinées avec toutes les données de conduites de l’auto, particulièrement pour ce qui concerne les modèles électriques (capacité de batterie restante, informations sur les stations de recharge en temps réel…), le tout pour un guidage optimum. L’écran du tableau de bord, derrière le volant, pourra lui aussi afficher les informations du système Google, ce qui n’est pas le cas avec Android Auto d’aujourd’hui.
Autre point important : les mises à jour permanentes, à distance (« over the air ») comme chez Tesla et… sur votre smartphone. Un progrès laissant derrière nous l’obsolescence que connaîtra forcément un système embarqué plus rigide dans son fonctionnement, alors que la durée de vie d’une voiture est bien plus longue que celle d’un appareil comme un smartphone et que le temps d’évolution logiciel est bien plus rapide que celui du monde de l’auto. Un progrès face aux systèmes proposés par les constructeurs aujourd’hui, généralement moins précis dans leurs temps de calcul de trajet en fonction du trafic, moins réactifs à l’usage et très chers. Les systèmes basés sur Android Automotive devraient en toute logique revenir moins cher aux constructeurs, mais il n’est pas sûr qu’ils voudront le répercuter sur le prix pratiqué… Concernant la gratuité des applications, rappelons l’adage : si c’est gratuit, c’est que vous (vos données en l’occurrence) êtes le produit.
Les commandes vocales pour l’assistant Google sont en toute logique présentes également. Il suffit d’interpeller le système d’un (agaçant) « Hey Google » pour lui demander une ribambelle de services. Interactions avec les réglages du véhicule (radio, climatisation…), agenda, SMS et appels, et même interactions avec un système de smart home (maison connectée) : tout est possible. L’intelligence artificielle du système, sa connexion permanente et sa capacité d’apprentissage des habitudes de ses usagers est aussi une de ses forces.
Enfin, le développement d’Android Automotive comporte un autre avantage : en toute logique, au lieu de devoir s’adapter (et parfois pester !) à chaque nouveau système propriétaire chez chaque constructeur lorsqu’on découvre une voiture de location, on pourra désormais se relâcher et profiter des vacances sans devoir ouvrir le mode d’emploi.
Faut-il en avoir peur ?
Nos données sont-elles en de bonnes mains ? C’est bien sûr le cœur du problème, l’ogre Google étant le roi de la commercialisation des données personnelles de ses milliards d’utilisateurs. Votre voiture va-t-elle en profiter pour vous guider vers un restaurant qui aura payé pour être préféré par le système de recherche de suggestions ? Le cadre d’usage de cet écosystème reste encore à préciser mais, une chose est sûre, il faudra bien garder ces questions en tête. Et relativiser aussi : aujourd’hui, prendre son smartphone avec soi en voiture, c’est déjà indiquer automatiquement à Google (ou Apple) ses déplacements, ses habitudes et une foultitude d’informations. Mais c’est aussi bénéficier d’une qualité de guidage, de suggestions, de réactivité exceptionnelle. À chacun de savoir quel est le compromis auquel il est prêt.
Pour le système de bord, tout sera question de négociations entre les constructeurs automobiles et le géant de Mountain View (Californie). D’ailleurs, certains ont fait appel à des prestataires extérieurs pour la transmission même des données avec Microsoft, Harman (groupe Samsung) ou Ericsson. L’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi basera son système sur un « cloud » spécifique, l’Alliance Intelligent Cloud. Reste qu’en principe, il sera tout de même possible de conduire le véhicule sans lui donner son identité Google. Il ne pourra pas dans ce cas vous emmener automatiquement à la maison mais, loin de toute suspicion, vous pourriez y dormir sur les deux oreilles…
L’intérêt de Google est évidemment d’en profiter pour mieux calibrer les informations personnelles de chaque utilisateur. Mais aussi employer les immenses masses de données pour alimenter la recherche en conduite autonome menée par sa filiale Waymo. Il s’agit aussi pour le géant US de devenir un partenaire incontournable dans le développement des smart cities, ces villes intelligentes qui utilisent les données au mieux pour optimiser les flux de circulation, l’utilisation de l’énergie et la sécurité, avec une communication permanente entre véhicules, infrastructures et autres usagers.
Bilan
Au final, les enjeux sont énormes et c’est une intense lutte d’intérêts qui est en train de se jouer dans un monde de l’automobile à l’aube de changements au potentiel tellement grand que personne ne sait prédire quelle sera la situation de l’industrie dans les années à venir. Une chose est sûre, l’arrivée de Google directement dans les systèmes de bord est un pas très symbolique dans la progression de l’automobile en tant qu’objet connecté, ce que certains appellent un smartphone sur roues.
GOOGLE ANDROID AUTOMOTIVE EN 5 POINTS
- Système d’exploitation du système d’info-divertissement de bord signé Google.
- Standardisation de l’organisation des menus et de la connectivité.
- Facilité d’usage et transfert sans rupture entre l’univers et les données de son smartphone.
- Les avantages : intégration, qualité de la navigation, des commandes vocales, mises à jour permanentes, applis en nombre, standardisation d’un véhicule à l’autre, tarif si les constructeurs jouent le jeu.
- Les inconvénients : quid de la protection des données, intégration de iOS de Apple en question, hégémonie de Google.
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