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PV radars - Dénonciation obligatoire des salariés par les patrons : nos conseils pratiques

Dans Pratique / Vos droits

Stéphanie Fontaine

Quand un patron met en place une dénonciation systématique des salariés qu'il estime fautifs à réception d'amendes radars, que se passe-t-il ? Se met-il à l'abri, à coup sûr, de toute poursuite ? C'est loin d'être si évident… Voici nos nouvelles précisions sur ce sujet, qui semble soulever bien des interrogations dans les entreprises.Vous avez une question concernant vos droits par rapport à un PV, votre assurance ou tout autre sujet lié à votre véhicule, demandez notre avis, Caradisiac vous répond dans sa rubrique "Vos questions – Nos réponses".Avec la collaboration de Maître Caroline Tichit, avocate spécialisée dans la défense des conducteurs.

PV radars - Dénonciation obligatoire des salariés par les patrons : nos conseils pratiques

La question de l'internaute

"Vous, Caradisiac, vous semblez encourager les chefs d'entreprise à ne désigner personne quand leurs salariés se font flasher. Vous avez l'air de dire aussi aux patrons qu'eux-mêmes n'ont pas à se dénoncer quand ils sont coupables de l'infraction. Il s'agit pourtant de responsabiliser les conducteurs, et surtout de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Comment pouvez-vous justifier une telle position ?"

Amandine (Paris)

La réponse de Caradisiac

Ah, mais nous n'avons jamais dit que les patrons ne devaient surtout pas dénoncer leurs salariés à réception de PV radars ! Nous ne leur avons d'ailleurs donné aucun conseil particulier en la matière dans nos derniers articles consacrés à ce sujet (ce à quoi d'ailleurs nous allons remédier un peu plus loin, dans notre deuxième partie ci-dessous).

C'est bien leur droit de désigner la personne qu'ils estiment responsable de l'infraction – ce qui n'est vraiment pas nouveau -, et c'est à eux de décider s'ils comptent en user, ou non.

Nous disons simplement que l'idée selon laquelle les patrons n'auraient plus d'autre choix, depuis ce 1er janvier 2017, que de dénoncer OBLIGATOIREMENT un salarié, quand un véhicule de leur société est "radarisé", est fausse, archi-fausse !

Comme l'explique Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le code de la Route, "un patron peut tout simplement ne pas savoir exactement qui conduisait au moment de l'infraction. Il paraît bien normal dès lors que la loi lui permette encore de ne dénoncer personne".

Surtout, précise, Me Tichit, "si c'est lui-même qui conduisait, il paraît évident aussi que la loi ne peut pas le contraindre à dénoncer quelqu'un d'autre !" Comment en effet pourrait-il en être autrement ? Or, ce que les personnes confrontées à ce problème, paraissent avoir du mal à comprendre, comme apparemment Amandine, notre internaute, c'est que quand un radar automatique flashe un véhicule appartenant à une société, l'avis de contravention correspondant ne vise jamais ladite société, mais il est envoyé personnellement au représentant légal de cette société, autrement dit au patron lui-même.

Du coup, si ce dernier paie, sans contester cette amende radar, cela signifie bien qu'il reconnaît sa propre culpabilité, comme n'importe quels destinataires de ce genre de contraventions. Et, comme ces derniers, la perte de point(s) correspondante doit dès lors se déclencher. "Si c'est lui le responsable de l'infraction, il n'a aucunement besoin d'en passer par 'sa propre désignation'. En payant l'amende réclamée, il reconnaît tout simplement être l'auteur des faits", insiste l'avocate. Et il arrive bien d'ailleurs, même si ce n'est pas le plus courant, que des patrons perdent des points en procédant ainsi. La preuve avec ces décisions rendues devant les juridictions administratives :

Tribunal des conflits,19 novembre 2007

Cour Administrative de Douai, 22 septembre 2009

Cour Administrative de Bordeaux, 24 novembre 2009

Cour Administrative d'Appel de Nantes, 7 avril 2010

5 cas concrets – 5 réponses de Me Tichit

Question 1 - Comment expliquer que les patrons, destinataires personnellement des PV radars, n'aient pas toujours de retrait de point(s) quand ils les paient spontanément ? Officiellement, c'est d'ailleurs l'explication donnée par nos autorités pour justifier l'introduction de cette pseudo-obligation de dénoncer dans le code de la Route…

La réponse de Me Tichit - "Attention, tous les patrons ne sont pas épargnés ! Bien sûr, le plus souvent, ils n'ont pas à subir de perte de point(s) après le paiement de tels avis de contravention. Mais il arrive toutefois que des chefs d'entreprise aient bien des points retirés. La jurisprudence des juridictions administratives [voir notre paragraphe précédent, NDLR], compétentes pour traiter les problèmes de retraits de points, le prouve. C'est un fait, cela arrive… Et, en outre, quand cela arrive, c'est même tout à fait normal, d'un point de vue juridique !

Maintenant, pourquoi n'est-ce pas ce qui arrive systématiquement ? Je dois reconnaître que nos autorités ne font pas preuve d'une grande transparence sur le sujet. Il faut bien avouer qu'on ignore ainsi les véritables raisons de ce dysfonctionnement. Il paraît tout de même évident qu'il manque une réelle volonté politique de retirer systématiquement les points en jeu aux représentants légaux…

Peut-être pour faciliter l'acceptabilité de ce système si critiquable compte tenu des dérogations qu'il a fallu mettre en place dans notre droit pénal pour lui permettre de fonctionner ? Il s'agit quand même de faire condamner des personnes sans preuve véritable de leur culpabilité !"

Question 2 – Le nouvel article du code de la Route, le L121-6, laisse entendre que si un chef d'entreprise refuse de dénoncer "la personne physique qui conduisait", il sera redevable d'une amende prévue pour les contraventions de 4 classe, soit 135 euros, au montant forfaitaire… Et vous, vous dites que cela n'arrivera jamais ?

La réponse de Me Tichit – "Là encore, attention, à ce que l'on dit ! Si un patron entend contester ce genre d'avis de contravention, en affirmant par exemple qu'il sait qui conduisait, mais qu'il refuse d'indiquer son identité, je ne serais pas très étonnée qu'on vienne lui réclamer une amende au titre de ce nouvel article L121-6 du code de la Route !

Ce que je dis, c'est qu'il peut arriver qu'il ignore qui conduisait ou que ce soit lui le véritable fautif… Dans ces deux cas de figure, il n'a donc bien évidemment personne à dénoncer. Et, fort heureusement, la loi lui permet bien, par ailleurs, de ne dénoncer personne dès lors qu'il n'a personne à dénoncer !

Question 3 – Prenons un cas concret : un patron dénonce le salarié qu'il pense fautif. La contravention qu'il a reçue, dans un premier temps, est donc renvoyée à cette personne désignée par le Centre de Rennes. Mais qu'arrive-t-il si cette personne, considérant qu'elle est innocente, la conteste… Ça repart au chef d'entreprise ?

La réponse de Me Tichit – "Il est difficile de vous répondre, car tout dépend de ce que dit le salarié dénoncé dans sa lettre de contestation, et, surtout, tout dépend de ce que décident les services du ministère public, en charge des poursuites devant un tribunal… Il arrive que le seul salarié dénoncé soit ainsi cité à comparaître devant le tribunal, à la suite de sa contestation. Et là, il lui suffit par exemple de nier les faits, sans même apporter de preuve de son innocence, pour être totalement relaxé (pas d'amende, pas de retrait de point). Ce qui veut dire aussi que le chef d'entreprise, dans ce cas de figure, n'est jamais plus, non plus, inquiété.

Mais il arrive surtout très souvent que quand un salarié dénoncé conteste sa dénonciation, le ministère public décide de les citer tous les deux devant le juge, soit le salarié et le patron ! Et, là, comme dit précédemment, il est assez simple pour le salarié de se soustraire à toute sanction. Mais c'est loin d'être le cas de son patron… Bien sûr, ce dernier pourra assez facilement échapper au retrait de point(s), puisqu'il lui suffit d'affirmer – même sans preuve également – qu'il n'est aucunement responsable de l'infraction. Maintenant, s'il n'est pas en mesure de rapporter les éléments permettant de retrouver le véritable responsable, il restera redevable pécuniaire. Autrement dit, il ne pourra pas éviter d'avoir à régler une amende, dont le montant prononcé par le tribunal est souvent élevé [de l'ordre de 250-500 euros, selon l'importance de l'infraction, NDLR].

Question 4 – Vous êtes en train de nous dire que même si les chefs d'entreprise dénoncent les personnes qu'ils pensent responsables des infractions, cela ne les met pas à l'abri d'être cités au tribunal, et surtout d'être condamnés à payer une amende salée, c'est bien cela ? Quels conseils alors leur donner pour qu'ils mettent toutes les chances de leur côté pour être totalement relaxés (pas d'amende, pas de retrait de point) ?

La réponse de Me Tichit – "Oui… Même si les chefs d'entreprise se conforment au bon vouloir de nos autorités, s'ils se trompent ou si des salariés se montrent de mauvaise foi, il est fort probable en effet qu'ils ne puissent échapper aux poursuites.

Mon premier conseil, c'est de leur dire de faire très attention à ne pas désigner à la légère. Le mieux, c'est qu'ils soient capables de se baser sur des éléments relativement objectifs pour justifier telle ou telle désignation… Ils peuvent par exemple mettre en place des carnets de bord, qui restent attachés aux véhicules, et que chaque conducteur, à chaque utilisation, doit remplir en indiquant son identité, la date et les heures précises de cette utilisation. Puis, si tel ou tel véhicule est toujours attribué à tel ou tel salarié, on peut toujours imaginer que cela soit précisé dans une annexe au contrat de travail dudit salarié. Il faut autant que possible que les chefs d'entreprise mettent ainsi en place des outils leur permettant d'apporter des pièces au tribunal, le cas échéant, pour justifier leurs désignations.

Question 5 – Et la fameuse amende quintuplée, que les patrons - refusant de dénoncer - pourraient écoper, vous en pensez quoi ?

La réponse de Me Tichit – "Ah, il est fort probable – comme pour l'amende prévue par le nouvel article L121-6 du code de la Route – que les services du ministère public essaient de faire condamner des patrons à de telles sommes ! Je me permets de le penser, car c'est déjà bien arrivé par le passé, je suis bien placée pour le savoir car j'ai eu à défendre, avec d'ailleurs beaucoup de succès, des sociétés et des chefs d'entreprise dans cette situation. Pourtant, pas plus qu'hier, cela ne repose sur un fondement juridique solide.

Comme dit précédemment, les avis de contravention dressés dans le cadre du contrôle automatisé sont toujours envoyés à une personne physique… jamais, comme on l'entend dire parfois, ou comme nos autorités l'insinuent, à une personne morale. Et, c'est bien normal, juridiquement parlant, puisque pour les infractions routières, jamais aucune amende ne peut être théoriquement infligée à une personne morale, c'est-à-dire à une entreprise. Pour les véhicules appartenant à une société, comme déjà dit aussi, seul le représentant légal de ladite société peut être poursuivi, et il s'agit bien là d'une personne physique ! Or, les amendes quintuplées ne concernent que les personnes morales !

Vraiment, si un patron se retrouve poursuivi sur les fondements du nouvel article 530-3 du code de Procédure pénale, ou même d'un article plus ancien comme le 131-41 du code Pénal, je l'encourage à résister et à se défendre. Car il a toutes les chances de l'emporter ! La jurisprudence de la Cour de Cassation [la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, NDLR], en la matière est sans appel".

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