PPL "Sécurité globale" - Des radars bientôt installés par des maires ? Cela reste à confirmer !
Stéphanie Fontaine , mis à jour
La proposition de loi (PPL) « sécurité globale » dont les débats s'ouvrent ce mardi au Parlement fait grand bruit. La polémique - du moins pour l'instant - ne vise aucunement ce nouveau pouvoir donné aux municipalités d'implanter des dispositifs automatiques, qui reste pour l'heure bien flou. L'accès étendu aux fichiers, l'utilisation des drones, la captation d'images en tous genres et surtout l'article 24 de cette PPL qui entend interdire la diffusion de vidéos de policiers et gendarmes en action sur Internet cristallisent les mécontentements. Pour ce qui concerne la sécurité routière, voici les principaux points à retenir.
La très controversée proposition de loi (PPL) « sécurité globale » arrive aujourd'hui en séance à l'Assemblée nationale. Mais ce n'est pas le nouveau projet du ministre de l'Intérieur d'autoriser les maires à installer des radars automatiques, ni la grande majorité des dispositions relatives à la répression routière, qui font le plus débat. Loin de là… On n'en entend même pas parler !
D’ailleurs, l’amendement 1 217 portant sur cette « implantation de dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules afin de réguler la vitesse, les nuisances sonores ou la pollution atmosphérique sur le territoire de la commune » suscite tellement peu d’attention, voire peu d'intérêt pour le moment, que sa rédaction laisse complètement à désirer. Déposé le 13 novembre, non pas comme on aurait pu s’y attendre par le gouvernement, mais par 17 députés venant aussi bien de la majorité (LREM) que de la gauche au centre droit, l'amendement ne cite même pas le code qu’il compte modifier.
On comprend juste qu’un nouvel article - le « L. 2213-6-2 » - à la « section I du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie » doit être créé. Mais de quel texte/code/loi… ? Il faut le deviner ! En l'occurrence, il faut trouver qu'il s'agit du code général des collectivités territoriales. Pour le reste, ce n’est pas avec les précisions contenues dans cet amendement qu’on risque d’y voir plus clair.
De vrais radars ou de simples caméras de vidéoprotection ?
À part indiquer que ce nouveau pouvoir donné au maire ne le sera qu’à titre expérimental - du moins dans un premier temps -, on découvre surtout qu’il le sera aussi « selon des modalités fixées par décret » ! Il va donc falloir encore patienter pour bien comprendre de quoi il s’agit.
En attendant, les interrogations et les doutes sont permis. Dans cet amendement, n’est nullement fait mention à un moment ou à un autre du terme « cinémomètre de contrôle routier », le nom savant et donc juridique du radar. On n’y parle pas davantage « de mesure » ou bien encore « d’instrument de mesure », capable de déterminer la vitesse à laquelle roule un véhicule. À la place, on évoque seulement le « contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules ».
Or, pour cela, les caméras de vidéoprotection ou les systèmes informatiques couplés à des logiciels de lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI), utilisés dans le cadre de la vidéoverbalisation suffisent à relever de manière automatisée les numéros d’immatriculation des véhicules ainsi filmés. Comme le font certes les radars… mais sans mesure précise de la vitesse ! Or, là, on explique que ce contrôle va servir non pas à mesurer mais à « réguler la vitesse, les nuisances sonores ou la pollution atmosphérique », ce qui reste assez vague en l'état.
Déposée une premier fois, sans succès, en début d’année, cette proposition de loi (PPL) dont la seule vocation initialement était d'élargir les compétences de la police municipale et d'en créer une véritable à Paris, ne prévoyait pas cette disposition. C’est à la mi-octobre que le texte, dans une version plus musclée, a été de nouveau déposé au Parlement. Là encore, il n'était toujours pas question de ce pouvoir donné au maire de « décider de l’implantation de dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé ». La première fois qu'on en a entendu parler, c'est il y a une dizaine de jours dans une interview du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à Ouest France.
Le concours Lépine sécuritaire
Cette PPL, réintroduite le 14 octobre au Parlement, est ainsi arrivée dans un contexte très particulier : trois jours après l'attaque au mortier d'un commissariat à Champigny-sur-Marne, et deux jours seulement avant l’attentat terroriste de Conflans-Sainte-Honorine perpétré contre le professeur Samuel Paty. C’est ce contexte qui explique pourquoi elle a été de nouveau largement amendée, et ce pour quoi on l'a comparée au concours Lépine sécuritaire ! 450 amendements ont été déposés en commission des lois la semaine dernière, et encore 1 321 nouveaux l’ont été en vue de sa discussion en séance publique ce mardi après-midi. Rien que sur la Sécurité routière, à Caradisiac, on en a compté près d’une soixantaine !
À part cette affaire de radars installés par les maires dont on peine encore à entrevoir les contours, cette PPL « sécurité globale » entend élargir les pouvoirs des policiers municipaux (PM) afin qu’ils puissent verbaliser des infractions qui échappent aujourd'hui à leur contrôle, comme les rodéos motorisés, le dépistage de l’alcoolémie ou des stupéfiants, y compris en l'absence d'infraction préalable ou d'accident. Les PM pourraient être aussi autorisés à relever les délits soumis à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle comme la conduite sans permis ou sans assurance. Des contraventions délictuelles qui pourraient d’ailleurs s’appliquer même en cas de récidive (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui).
Les PM pourraient également être autorisés à procéder à la saisie des objets ayant servi à la commission des infractions, à l’immobilisation des véhicules et à leur mise en fourrière en cas de constatation d’un délit ou d’une contravention de la cinquième classe prévus par le code de la route… Pour schématiser, le texte a vocation à lever ainsi pas mal de verrous pour permettre plus largement la constatation des infractions, y compris routières, et y compris par les PM ou même les gardes champêtres.
Vidéoverbalisation étendue
Un amendement vise ainsi à permettre de « vidéoverbaliser » les défauts de conduite « dans les 48 heures suivant leur commission par les contrevenants ». Or, actuellement, en vertu de la loi Informatique et Liberté et donc des préconisations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur le sujet, la vidéoverbalisation n’est théoriquement autorisée qu’en temps réel. Autrement dit, un automobiliste en infraction qui n'est « pas vu », au moment même où il est filmé par les caméras, n'est théoriquement « pas pris ». Par extension, si cette disposition passait, cela permettrait aux communes d’étendre l’usage des véhicules « LAPI » utilisés pour le contrôle non pas seulement du stationnement payant mais aussi des infractions pénales comme le stationnement gênant (le payant pour rappel n’étant plus considéré comme une infraction pénale).
Enfin, et cela fait partie des points qui font débat, les PM pourraient être autorisés à accéder aux grands fichiers nationaux, en particulier les quatre suivants : ceux des permis de conduire (SNPC), des immatriculations (SIV), des objets et des véhicules signalés (FoveS), ainsi que des véhicules assurés (FVA). Sans compter tout ce qui concerne l’utilisation des drones, c’est l'article 24 de cette proposition de loi (PPL) qui cristallise sinon la plupart des mécontentements.
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser (…), dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale autre que son numéro d’identification individuel lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police », dixit l’article 24 en question. Selon un bilan révélé par Le Figaro lundi, les violences contre la police ont en effet doublé en quinze ans, l’ambition gouvernement comme des députés de La République en Marche (LREM) Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, porteurs de cette PPL, c’est donc officiellement « de protéger ceux qui nous protègent ». Coûte que coûte…
Mais la défenseure des Droits, la semaine dernière, et le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU, cette semaine, en passant par Amnesty International, ont fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis de cette PPL en général et de son article 24 en particulier. Parmi d'autres voix, ils dénoncent des risques d’atteintes à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information. « Les défenseurs (...) devraient plus s'intéresser à la réalité du terrain », s'est contenté de rétorquer le député Fauvergue, ancien patron du Raid, l'unité d'élite de la police nationale, ce mardi matin sur France Info.
Notre précédente enquête sur le sujet :
Radars : retour sur cette affaire des maires autorisés à les installer
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