Plus dangereux et émettant plus de CO2, doit-on bannir les SUV des centres-villes ?
Statistiquement moins sûrs que les autres voitures et avec des émissions de CO2 plus élevés, les SUV n'ont pas leurs places dans les zones urbaines, selon des associations.
« La folie des SUV » écrivait en majuscules et en première page le magazine allemand Handelsblatt en début de mois, l'illustrant avec les fers de lance de la catégorie en provenance d'Audi, Mercedes et BMW et mettant ainsi en question le marketing agressif des constructeurs automobiles qui les entourent. Quelques jours auparavant, à une intersection encombrée de Berlin, le conducteur d'un Porsche Macan a perdu le contrôle de son véhicule, escaladé un trottoir et percuté un groupe de personnes, en tuant quatre : un enfant de trois ans et sa grand-mère de 64 ans ainsi que deux hommes de 20 ans.
Dans une ville déjà très sensible à la question écologique, cet accident a fait beaucoup de bruit. Les jours suivant, des centaines de berlinois se sont rassemblées lors de veillées, appelant à l'interdiction des SUV. Parmi eux se trouvaient Stephan von Dassel, maire de l'arrondissement de Berlin-Mitte, et Oliver Krischer, député et président du groupe écologiste à l'assemblée allemande.
Les SUV sont un paradoxe : alors que la plupart des propriétaires déclarent en avoir acheter un pour se sentir plus en sécurité, ils sont statistiquement moins sûrs que les voitures « normales », autant pour les passagers que les piétons. Vous auriez ainsi une probabilité plus grande de 11 % de décéder dans un accident à bord d'un SUV que dans une berline et des études montreraient que cela vient d'un faux sentiment de sécurité des conducteurs qui les encouragent à prendre plus de risques. Le centre de gravité plus élevé double de plus le risque de tonneaux en cas de crash, tout comme celui de tuer un piéton à cause de la hauteur de la calandre qui inflige des blessures dans la partie supérieure du corps.
En Allemagne, l'accident de Berlin n'a été que le début des manifestations : Greenpeace a bloqué l'acheminement de SUV à Bremerhaven pendant plusieurs heures et le week-end suivant, en plein Salon de Francfort, 15 000 à 25 000 personnes se sont rassemblées, certaines d'entre elles interpellant la chancelière Angela Merkel avec des banderoles marquées « Klimakiller » (tueurs de climat) déployées au-dessus des SUV.
Selon Stephan von Dassel, « les dépenses liées au marketing entourant les SUV ont été supérieures à celles de toutes les autres catégories de voiture réunies en 2018 en Allemagne ». « Cela n'arrive pas par hasard que les gens se mettent soudainement à les acheter, ils sont fortement poussés sur le marché », poursuit-il. En Europe, les ventes de SUV représentaient 7 % du marché en 2009, ont atteint 36 % en 2018 et devraient encore progresser jusqu'à 40 % d'ici 2021.
Bien qu'en Europe, les chiffres ne donnent pas le type des voitures impliquées dans des collisions, le lien est très clair dans les statistiques américaines. Selon l'IIHS, association de sécurité routière indépendante outre-Atlantique, « les accidents avec des piétons sont devenus à la fois plus mortels et plus fréquents, des augmentations qui ont été surtout constatées dans les zones urbaines et périurbaines et comportant de plus en plus de SUV ».
L'année dernière a été la plus mortelle pour les piétons américains depuis 1990, avec 6 000 décès constatés à travers le pays. L'augmentation de la vente des SUV, qui représentent 63 % des ventes là-bas, est en partie à blâmer : la part des accidents incluant piétons et SUV a progressé de 81 % entre 2009 et 2016.
Mais ça n'est pas qu'une question de sécurité mais aussi d'émissions. Les transports représentent 27 % des émissions de CO2 européennes. Il y a quelques années, l'Union Européenne a fait passer une loi avec pour objectif de réduire les émissions par voiture à 95 g/km d'ici 2021 mais, selon un rapport de l'association Transport & Environment, à 16 mois de la date butoir, les constructeurs automobiles seraient bien loin du compte. Ces derniers se défendent en affirmant que cela vient de la baisse des ventes du diesel, moins émetteur de CO2 que l'essence, ce qui est un facteur mais pas le seul.
En effet, moins aérodynamique et dotés de moteurs plus puissants, les SUV émettent en moyenne 14 % CO2 de plus, soit 16 g/km, que leurs équivalents berline de taille similaire. Chaque pour-cent gagné par la part de marché des SUV augmente ainsi de 0,15 g/km de CO2 la moyenne totale malgré les améliorations technologiques.
Source : The Guardian
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