"Les problèmes en voiture électrique, ça n'arrive qu'aux journalistes"
Peut-on voyager en toute confiance avec sa voiture électrique maintenant que le réseau de recharge rapide le long des autoroutes est correctement développé ? Hélas, les très mauvaises surprises restent possibles comme nous avons pu le constater à la station de Ionity de Maison Dieu sur l'autoroute A6, un réseau pourtant réputé pour son extrême fiabilité.
« Ce genre de problème n’arrive comme par hasard qu’aux journalistes automobiles », peut-on souvent lire dans les commentaires de Caradisiac (ou d’autres médias) lorsqu’on décrit des problèmes liés au fonctionnement des bornes de recharge du réseau publique. Nous autres, les journalistes de Caradisiac, serions-nous de farouches opposants aux voitures électriques comment certains l’écrivent parfois alors que d’autres nous reprochent au contraire de faire régulièrement l’apologie de cette technologie ?
Les essais de voitures électriques font bien évidemment partie de notre quotidien maintenant que la quasi-totalité des marques proposent ce genre de modèles et qu’il faut vous conseiller pour choisir entre tous les nouveaux véhicules du marché. Nous nous questionnons aussi régulièrement sur les éventuelles limites à l’usage de ces autos électriques et étudions en pratique l’état du réseau de charge rapide, comme nous l’avions fait l’été dernier lors de plusieurs reportages organisés pendant les grands chassés-croisés de l’année. A l’époque, d’ailleurs, nos observations sur les stations de charge rapide visitées lors de nos trajets vers Bordeaux ou Marseille depuis Paris étaient très positives : le réseau semblait suffisamment développé et fiable pour envisager de vrais voyages en voiture électrique sans le moindre problème.
Au point de nous pousser, lors d’un grand reportage rassemblant toute la rédaction de Caradisiac et sept autos électriques de tous les genres évaluées dans un voyage vers la montagne la semaine dernière (dont on vous parlera bientôt), à prendre moins de précautions qu’avant lors du long trajet autoroutier de retour vers Paris. Maintenant qu’on trouve une station de charge rapide environ tous les 30 kilomètres des grands axes comme celui de l’autoroute A6, s’obliger à utiliser un planificateur et préparer tout son trajet en amont n’est plus forcément nécessaire : il suffit de rouler jusqu’à l’épuisement de sa batterie et de s’arrêter à la station de charge suivante, comme on le fait avec sa voiture thermique lors d’un trajet autoroutier similaire. Une bien plus grande facilité d’utilisation par rapport à l’époque où il fallait voyager par étape en programmant soigneusement chaque arrêt à l’avance.
La très mauvaise surprise de Ionity
Encore faut-il que ces stations fonctionnent, évidemment. Mais lorsqu’il y a un dysfonctionnement, le problème est heureusement reporté très en amont (souvent plus de 50 km sur l’autoroute avec un message annoncé sur les panneaux du genre « bornes électriques en panne à l’aire XXX »), permettant de s’adapter en s’arrêtant à la station d’avant et ainsi éviter tout problème. Ces pannes peuvent également être remontées dans les applications spécialisées et autres planificateurs. Hélas, ces alertes ne sont pas systématiques comme nous avons pu le constater, Stéphane Schlesinger et moi, en arrivant à la station de charge Ionity de Maison Dieu sur l’autoroute A6 le vendredi 12 janvier dernier vers 16h, dans un réseau connu pour son extrême fiabilité.
Une fois arrivé au niveau des bornes, problème : elles sont toutes éteintes. Ça tombe mal, il ne restait plus que 4% de batterie dans ma Peugeot e-208 (moins de 10 kilomètres d’autonomie restante) et 6% dans la Mégane E-Tech de Stéphane (moins de 15 kilomètres restants), nous empêchant de nous reporter vers la station suivante sur l’autoroute. Stéphane appelle immédiatement le numéro d'assistance de Ionity, dont un opérateur lui suggère simplement « d’appeler une dépanneuse » avant de raccrocher. Je décide d’appeler aussi ce numéro et tombe sur une opératrice plus attentive, qui confirme que toutes les bornes sont bien hors lignes depuis quelques heures. Est-il possible de les réparer ? Elle doit nous tenir au courant et rappeler.
Mais au bout d’une heure d’attente, toujours aucune nouvelle de Ionity (qui ne rappellera finalement jamais). Nous tâchons de voir s’il est possible de rejoindre la station de charge Total Energie située de l’autre côté de l’autoroute quasiment en face, mais il faut pour cela parcourir plus de 30 kilomètres ce que nous ne pouvons plus faire avec l’état de charge de nos batteries. Plutôt que d’abandonner les autos à la dépanneuse, nous décidons d’essayer de rallier la station Tesla d’Avalon située à un peu plus de six kilomètres par la route après le péage de sortie. Mode Eco activé dans la Peugeot, chauffage éteint, à moins de 90 km/h derrière les camions, avec le petit symbole « tortue » allumé au tableau de bord de la e-208 et plus aucune autonomie restante affichée. Nous arriverons heureusement à rallier cette providentielle station Tesla d’Avallon, située à côté d’un hôtel Ibis au milieu de nulle part. Sauvés.
Du côté de Ionity, nous avons finalement obtenu une réponse trois jours plus tard de la part de son service presse : « à cause d’un problème technique, plus précisément un défaut de composant possiblement lié au transformateur ou au boitier de contrôle, tout le site de Maison Dieu est resté indisponible durant le weekend car le site se coupe automatiquement pour raisons de sécurité dans ces conditions. Une équipe sera envoyée mardi matin avec les pièces de rechange nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement du site. Dans tous les cas, c’est malheureusement un incident qui peut arriver mais qui reste toutefois rare et isolé. IONITY souhaite s'excuser pour cet incident et vous invite à réitérer votre test sur un autre site ». A l’heure où nous écrivons ces lignes, la station semble donc toujours en panne.
« Il fallait vous montrer plus prudent »
« Vous êtes stupide, il suffisait de vous montrer plus prudent et de ne pas attendre de passer sous les 20% de batterie pour vous arrêter. Erreur de débutant, vous l’avez bien cherché », objecteront sans doute certains automobilistes convaincus que les aléas liés à cette technologie sont tout à fait normaux et acceptables. Pouvoir optimiser ses trajets en voiture électrique grâce à un réseau de charge rapide efficace est pourtant un énorme avantage, qui permet de gagner beaucoup de temps et d’autonomie. Avec une petite Peugeot e-208 par exemple, je peux viser 180 kilomètres entre chaque charge à vitesse autoroutière et un peu plus de 150 kilomètres à 130 km/h en vitesse réelle. Si je décide de m’arrêter plus souvent par précaution et ne jamais me retrouver dans une situation catastrophique en cas de mauvaise surprise à la borne, l’autonomie réelle entre deux charges sur autoroute tombe à 100 km. Un sacrifice qui ne me paraît pas acceptable pour l’utilisateur moyen désireux de voyager dans de bonnes conditions avec son véhicule et profiter au mieux des infrastructures disponibles sur son trajet.
Alors oui, il s’agit là d’un cas isolé car le réseau de charge rapide français est désormais d’un très bon niveau sur les grands axes autoroutiers. Nous avons cependant connu d’autres problèmes moins graves lors de notre voyage (badge non reconnu, bornes à dépanner…), heureusement résolus en appelant le numéro d’assistance inscrit sur les bornes à chaque fois. Mais je pense toujours que le simple risque de pouvoir expérimenter ce genre de problème, même de façon très rare, suffirait à décourager la plupart des 80% d’automobilistes qui préfèrent toujours acheter des voitures thermiques. Et exiger un réseau de charge d’une fiabilité parfaite ne me semble pas constituer quelque chose de particulièrement délirant. Plutôt quelque chose de nécessaire, même…
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