Les dangers du diesel, un rapport du CNRS enterré il y a 20 ans
Un rapport du CNRS alertant sur le lien entre les fumées des moteurs diesel et le risque de cancer aurait été enterré il y a près de 20 ans, nous révèle ce matin Le Monde. La prise de conscience, opérée par l’OMS en 2013 qui a certifié ces gaz comme « cancérogènes certains pour l’homme », aurait pu arriver il y a 20 ans.
C’est en 2013 seulement que l'organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les échappements des moteurs diesel dans la catégorie des "cancérogènes certains" pour l'homme. Toutefois, le quotidien Le Monde nous révèle ce matin que la prise de conscience aurait pu intervenir bien plus tôt, dès 1997, si le CNRS (centre national de la recherche scientifique) n'avait pas enterré une expertise collective intitulée "Diesel et santé", qui donnait déjà l'alerte sur le lien entre les fumées de ces moteurs et le risque de cancer. Le quotidien s’est procuré un rapport de 245 pages, dans lequel les auteurs ont rassemblé 25 études épidémiologiques sur le sujet, dont 22 montrent un risque accru de cancer du poumon chez les populations humaines exposées aux fumées du diesel. « L’action mutagène et génotoxique des émissions diesel a été démontrée in vitro, écrivaient les auteurs. À long terme, chez le rat, elles induisent la formation de tumeurs pulmonaires ».
« À l’époque, les constructeurs français vendaient leurs diesels au monde entier »
Un communiqué de presse a été publié à l'issue de cette expertise mais le rapport, lui, ne l'a
jamais été. "Au départ, on ne nous avait pas dit si le rapport allait être publié ou non", se souvient l'un des auteurs. "Certains ont vu ce rapport comme une menace pour notre industrie automobile", raconte au Monde Pierre Tambourin, à l'époque directeur du département des sciences de la vie du CNRS. "Je me suis demandé pendant un temps ce qu'ils allaient en faire et puis ça m'est sorti de l'esprit. Mais je ne me faisais pas trop d'illusions : à l'époque, les constructeurs français vendaient leurs diesels au monde entier" analyse l’un des auteurs.
Des lobbies trop puissants ?
Le diesel, une technologie "made in France" soutenue par l'Etat a créé des dizaines de milliers d’emplois à la fin des années 80 et relancé l’industrie. PSA, sous l'impulsion de Jean Calvet (patron de l’époque) et Renault misent tout sur cette carburation, réputée plus sobre mais surtout plus rentable, car vendue plus cher. La demande décolle à la fin des années 1990, avec l'invention de l'injection directe, qui permet de réduire la consommation sans sacrifier la puissance. Nous sommes à l’apogée de cette carburation qui représente aujourd’hui deux voitures sur trois au sein du parc automobile français. Cette exception française a été largement encouragée par le gouvernement qui n’a pas hésité à rogner sur les taxes pétrolières, déduire la TVA ou mettre en place une législation (TVS, bonus/malus) en faveur du diesel, qui émet moins de CO2 qu'un moteur essence de puissance équivalente.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération