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La beauté des laides - Renault 7 : un coffre en plus et du charme en moins

Dans Rétro / Géants de l'industrie

Michel Holtz

Moquée dans l'hexagone cette R5 rallongée et affublée d'une malle n'a jamais eu le courage de fouler le sol français. Pourtant la Renault Siete, rebaptisée 7 en 1979, a été un véritable succès en Espagne, où l'on savait apprécier les berlines à coffre. Un goût ibérique particulier, toujours inexpliqué de ce côté des Pyrénées.

La beauté des laides - Renault 7 : un coffre en plus et du charme en moins

C'est bien connu : les Français sont les parangons de la modernité et du bon goût. Ils disposent d'une force à ébranler les montagnes pour leur permettre d'affirmer que les cuisses de grenouilles sont d'une finesse gustative sans bornes et que les voitures à coffre dérivées de modèles à hayon sont hideuses. Et quiconque ne partage pas leur avis n'est qu'un cuistre dénué de tout sens de l'esthétique et du savoir-vivre.

Fasa-Renault en phase avec le marché espagnol

À l’inverse, nos voisins espagnols, s'ils ne goûtent pas spécialement les batraciens au persil et à l'ail, vouent un amour immodéré aux petites autos à coffre. Et si c'est moins le cas aujourd'hui, puisque l'Ibère est aussi fan de SUV que nous, le goût de la berline tricorps a connu un paroxysme en Espagne dans les années soixante-dix.

Au début de cette décennie, les Fasa-Renault sont maîtres du jeu et occupent à elles seules près de deux tiers du marché. Pourquoi Fasa accolé à Renault ? Parce que pour produire et vendre ses autos en Espagne à cette époque, le Français est forcé, loi oblige, de s'allier à une entreprise publique locale. Une coentreprise est donc créée et la Fasa (fabrication d'automobiles société anonyme) est née.

On s'accroche à notre auto, de peur qu'on nous la vole.
On s'accroche à notre auto, de peur qu'on nous la vole.

En 1973, la Fasa-Renault 5 est lancée, avec ses trois portes. Elle se vend gentiment, mais pour faire un vrai carton de Barcelone à Malaga, il faut une petite auto, comme la 5, mais à quatre portes plus un coffre. On rajoute deux ouvertures ? Son nom est tout trouvé : 5+2 = 7. Et comme on est en Espagne, elle s'appellera Siete. La décision est prise : le chantier de la Fasa-Renault Siete est lancé. Problème : la R5 n'existe à ce moment-là qu'en version à trois portes et il faudra attendre 1979 pour qu'elle se décline en 5 portes. Or, le temps presse.

40 cm de plus que la Renault 5

Alors, à Boulogne, où la Siete est développée, on bricole et on sort les rallonges. La plateforme grandit de 10 cm pour accueillir des portes à l'arrière et avec son porte-à-faux qui accueille le coffre gigantesque, la petite 5 prend carrément 40 cm en longueur. Seule la partie avant est conservée. Et encore : le moteur est modifié. Le bon vieux Cléon fonte et ses 44 ch sont à la peine, car si l'auto a grandi, elle a aussi pris du poids et accuse 85 kg supplémentaires. Qu'à cela ne tienne, on augmente sa cylindrée pour atteindre les 50 ch nécessaires.

Pourquoi tu tournes le dos à la voiture ? Parce que je ne veux pas la voir.
Pourquoi tu tournes le dos à la voiture ? Parce que je ne veux pas la voir.

Fin 1974, la Siete est lancée et c'est d'emblée un succès pour un modèle destiné à un seul pays. Dans sa première année d'exploitation, elle se vend à plus de 20 000 exemplaires pour atteindre les 30 000 dès l'année suivante. Mais à cette époque déjà, le soufflé de la mode et des ventes ont tendance à retomber et dans l'automobile, la recette pour contrecarrer cette baisse est intemporelle : au bout de quelques années, on procède à un restylage du modèle.

La 7 remplace la 7

Pour la Siete, il se produit en 1979. Année où l'auto change carrément de nom ou plutôt, troque ses lettres pour un chiffre, simplement. La 7 apparaît, avec un nouveau moteur, moins puissant (45 ch) pour être moins cher. Mais il est aussi moins efficace pour entraîner l'auto qui est toujours aussi lourde. Résultat : ses ventes continuent de patiner. C'est que d'autres prétendantes pointent le bout de leur calandre. La Renault 9 va lui piquer sa place en 1982, la laissant sombrer dans l'oubli en Espagne et dans la moquerie en France.

En observant la Clio Symbol, on se rend à l'évidence : la R7 n'est pas si moche.
En observant la Clio Symbol, on se rend à l'évidence : la R7 n'est pas si moche.

On peut certes se moquer de la R7 et lui trouver une allure au mieux quelconque et au pire déséquilibrée. On peut rire de ses pare-chocs chromés en deux parties et de ses feux arrière trop carrés. Mais voilà une pionnière comme il y en a peu. Mieux : c'est une défricheuse qui a connu plus de descendantes que beaucoup d'autres autos. Elle a ouvert la voie à de nombreuses déclinaisons, de la Volkswagen Jetta en 1979, qui n'est qu'une version 4 portes de la Golf, à la Peugeot 306 à coffre en passant par la Renault Clio 2 Symbol, qui, en 1999, est partie à la conquête de l'Orient et de l'Amérique du Sud.

Le collectionneur de R7 est un héros

La transformation d'une auto à hayon en berline à coffre est devenue un genre à part entière et son inventeur s'appelle R7. Voilà une raison au moins de ne pas l'enterrer au cimetière des voitures moches. Est-ce une raison suffisante pour se l'offrir et la collectionner ? Ceux qui parviennent à l'importer, à la faire homologuer à titre individuel - puisqu’elle n'a jamais été distribuée en France — à l'empêcher de rouiller et à lui porter un amour inconditionnel, méritent le titre de Chevalier des arts inutiles et des lettres non indispensables. Ils ont au moins le mérite de préserver une part du patrimoine industriel.

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