La beauté des laides - Coupé Peugeot 407 : l'impossible succession
S'il était sorti de nulle part, le coupé 407 n'aurait suscité qu'indifférence. Mais le vaisseau Peugeot a déclenché les hostilités car il a pris la suite d'une icône, le coupé 406 dessiné de main de maître par Pininfarina, sans arriver à son niveau. Remplacer un mythe n'est jamais aisé quand la barre est aussi haute.
Pourquoi tant de haine ? Pourquoi, lors de sa présentation au salon de Francfort 2005, le coupé 407 a-t-il subi les foudres de la presse, des professionnels et du public venu découvrir la nouvelle auto ? D'accord, il y a ses énormes porte-à-faux avant et arrière qui donnent une allure déséquilibrée à l'ensemble. Bien sûr, il y a cette lourde face arrière, en opposition avec cet avant plongeant. Et que dire de ces ouïes factices au bas des ailes, sous les feux ? Des ouïes censées donner un brin de sportivité à une ligne qui en manque cruellement. Il a tous ces défauts-là, le coupé du lion, et d'autres encore. Mais les autos imparfaites, il y en a plein les rues. D'aucuns diraient même qu'elles sont majoritaires. Alors pourquoi celle-ci a-t-elle attiré au mieux les moqueries, et au pire une franche hostilité ?
Un ange en forme de coupé 406 passe au-dessus du stand
En fait, le problème de ce coupé 407 n'est pas l'auto en elle-même, mais celle à laquelle elle a succédé. À Francfort, quand elle a été dévoilée avec le cérémonial d'usage, tous les spectateurs avaient en tête une autre voiture. Et quelle voiture ! Le coupé 406, dessiné par le grand designer italien Pininfarina quelques années auparavant. Celui-ci a sévi pendant 7 ans avant de logiquement céder sa place au coupé 407. Mais le premier du genre n'était pas une simple auto plutôt réussie : il fut, en France tout du moins, l'emblème automobile français de la fin la décennie 90. Un engin enseveli sous les hommages. Il a raflé tous les prix du design en Italie, un pays qui s'y connaît un peu en la matière. Mieux, selon un sondage réalisé par un magazine spécialisé de l'époque, Auto Live, le coupé sochalien a été consacré "voiture de rêve" devant la Mercedes CL 600, la BMW Z8 et la Ferrari 456, cette dernière ayant d'ailleurs quelques traits en commun avec la Peugeot.
Autant d'éloges qui se sont traduits dans les bons de commande. Peugeot envisageait d'en vendre 70 000 ? Au bout de 7 ans de carrière, il s'en est écoulé 110 000. Mais les plus belles histoires ont une fin. Peugeot n'est pas Porsche, capable de faire évoluer sa 911 en douceur pendant cinquante ans. À Sochaux, les coupés sont des dérivés de berline. ce fut le cas de l'autre mythe maison : le coupé 504, et ce sera celui du 406.
De la comparaison naît la déception
En 2004, la berline 407 apparaît et elle n'a déjà plus la sobriété de dessin de sa devancière. Difficile donc de la décliner en coupé. D'autant que, pour réduire les coûts, la marque a décidé de produire la nouvelle deux portes à Rennes, où la berline est produite, et non plus chez Pininfarina en Italie, où la 406 était assemblée. Certes, le designer transalpin reste dans la boucle et participe à l'appel d’offres pour le style de l'engin. Mais si la fabrication lui échappe, l'Italien n'aura pas non plus l'occasion de dessiner l'auto. C'est le bureau d'études interne de Peugeot qui remporte le morceau. Un bureau qui tente de faire avec les moyens du bord, puisque l'équipe du style menée par Gérard Welter doit respecter les codes de la berline. Une base loin d'être la plus belle qui soit. D'où une proue pas terrible et un postérieur boursouflé en raison d'un pare-chocs surdimensionné.
A la rigueur, même les plus puristes auraient pu passer outre le dessin malheureux de l'engin. Ils auraient aussi pu pardonner la prise de poids de 150 kg entre les deux générations. Sauf que, lorsque l'on succède à une icône, les fans en attendent toujours plus. En matière de puissance surtout. Et ils ont été déçus.
En ces années-là, un V6 essence ne délivrant que 210 ch fait pâle figure. En fait, le diesel étant en vogue, Peugeot a tout misé sur le mazout. Le lion s'est acoquiné avec Ford pour produire un V6 HDI de 204 ou 241 ch au choix. Cet excellent moteur fait parfaitement le job, mais lorsque l'on tente une incursion dans la noblesse automobile -les yeux du Lion se tournaient alors, et se tournent toujours, vers l'Allemagne- mieux vaut avoir du répondant gavé au sans-plomb. Résultat : en sept ans d'existence (de 2005 à 2012), le coupé 407 s'est vendu trois fois moins bien que celui qu'il a remplacé.
Une carrière avortée
Rétrospectivement, on se plaît à imaginer ce qu'aurait pu être la carrière de ce grand coupé vaste et confortable, comme les constructeurs américains en fabriquent depuis des décennies. Il est bien fabriqué et plutôt fiable. Son intérieur hérité de la 407 a été personnalisé pour monter en gamme avec des inserts de cuir et d'alu. Son V6 diesel est d'un si bon niveau qu'il a très longtemps équipé d'autres autos, du côté de Jaguar et Land Rover. Son châssis est signé Peugeot, avec son traditionnel et excellent compromis entre le confort et l'efficacité. Qui sait ce que la carrière du coupé 407 aurait pu être si cette auto n'était poursuivie par un fantôme signé Pininfarina qui a gâché sa vie ?
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