2. L’interview de Stéphane

Stéphane, comment l'idée de ce concept de rigidification des tés de fourche t'es venue ?

Mon frère et moi avons toujours été dans le milieu de la moto, comme tu l'as indiqué, nous avons fait du motocross et Jean-Christophe a fait le Dakar en tant que pilote officiel, il a eu longtemps une concession dans laquelle j'étais impliqué aussi. D'un autre coté, je travaillais avec mon père dans notre société de mécanique de précision. J'ai volontairement quitté l'entreprise familiale il y a une dizaine d'année pour créer ma propre société.

Mon fils commençant la moto, j'avais une boite à idée et en regardant une moto, je me disais qu'il restait forcément des choses à inventer.

Cette idée en faisant partie, je l'ai ressorti début 2009, j'ai regardé les brevets existants de manière à voir comment présenter la chose, je me suis mis à dessiner quelques plans, dessins et schémas. La dépose du brevet est faite sur le principe de la solidarisation du té inférieur avec le té supérieur. J'ai dessiné 13 solutions différentes, et j'ai conservé la plus efficace et aussi la plus simple à mettre en place pour commencer à réaliser quelques exemplaires.

Je savais l'idée intéressante, j'avais en 2007 encore une bonne condition physique, et je roulais encore en motocross et sur un terrain sans chuter, je me retrouve avec ma fourche de travers, vrillée dans les tés. La chose s'est reproduite, donc je savais que cela bougeait en roulant.

En cas de chute, très souvent les pilotes doivent redresser la fourche avant de repartir, mais comme on pouvait la vriller même sans chuter, il y avait des choses à faire. On devait pouvoir rigidifier encore l'avant.

Tu as fait essayer le concept à un personnage clé !

Oui, le brevet a été déposé fin 2009. Ceci fait, j'attendais le rapport de l'INPI (Institut Nationale de la Protection Industrielle) pour aller plus loin. Après toutes mes recherches, ça n'existait pas, mais il me fallait des certitudes.

J'ai contacté Stéphan Everts qui l'a essayé une première fois en janvier 2010. Et une seconde à Lommel quelques mois plus tard, donc dans le sable, il s'est dit très intéressé par le procédé.

D'autres pilotes ont-ils essayé le produit ?

Nous sommes actuellement en phase de tests, Loic Larrieu l'a essayé il y a peu, les teams Bud Racing et KTM HDI en ont un, ils vont pouvoir le tester dès qu'ils le souhaiteront.

Les principaux teams de motocross français vont être à même de tester le produit.

Les tés se déforment en roulant, as-tu fait des relevés télémétriques ?

Oui, nous avons fait des essais avec des tés ordinaires et un tirant avec un capteur de déplacement pour mesurer la déformation, on a trouvé jusqu'à 2mm de variation en diagonale entre les deux tés opposés, c'est énorme.

Le principe est en vérité assez simple, les deux tirants s'opposent et rigidifiant les deux tés, empêchant la déformation. Selon la nature du sol, sur les terrains mouillés, boueux, sable avec une grosse adhérence, il faudra une tension maximum des tirants. Ceux-ci sont dotés d'un système de réglage avec écrou, et on pourra régler au couple la tension voulue pour avoir plus ou moins la rigidité ou la souplesse demandée.

Tu n'as fabriqué que des tés pour KTM pour le moment ?

Oui, les premiers tés donnés en test à Everts, nous avions fabriqués 4 offsets différents, l'offset étant la distance entre l'axe de potence et l'axe des tubes de fourche. On a fait 18.20.22 et 24, et ils étaient faits pour la KTM d'usine avec la grosse fourche, 52mm de diamètre pour les tubes.

Sur cette fourche le diamètre du fourreau dans le té inférieur fait 64mm. Je me suis donc fait prêter une fourche d'usine de 52 avec l'avant complet pour fabriquer des protos et faire des essais de montage.

Peut-on voir dès cette saison ce système sur des motos de cross en GP ?

Cette année me semble prématuré, nous n'avons donc que des produits pour les KTM de disponibles, pour les Suzuki, c'est en cours. La difficulté est que les équipes en championnat ont des contrats avec des fournisseurs de tés. Je suis en contact avec un de ces principaux fournisseurs de tés et il nous faut travailler sur des contrats où je laisserais le droit d'exploitation du principe pour l'intégrer sur leurs tés.

Ce fournisseur est très intéressé par ce système, nous allons donc nous rapprocher pour voir ensemble comment nous allons pouvoir amener ces produits d'une façon où chacun y retrouve son intérêt.

Il reste à régler les problèmes administratifs, et je pense que l'an prochain, si s'est concluant, il devrait y avoir des tés comme les miens sur beaucoup de motos. Mais les choses peuvent aussi aller plus vite, et pourquoi pas en fin d'année, voir des motos officielles avec ce système.

Peut-on imaginer dans 3-4 ans, toutes les motos de cross équipées en série de ce système ?

Ecoutes, je ne demande pas mieux, mais cela risque d'être compliqué avec certains constructeurs. Je dirais peut-être avec KTM, mais les constructeurs japonais par exemple sont difficiles à convaincre, c'est forcément très long chez eux, c'est déjà très long lorsque l'idée vient de chez eux.

Pour moi, l'idée première est de voir cela le plus vite possible sur les motos des teams connus en GP, et ensuite le voir proposé chez des accessoiristes comme Bud, Pro-Circuit, Bihr racing, etc. Comme je te l'ai dit, je suis en contact avec un fabriquant de renom et aussi son importateur, il est aujourd'hui un peu trop tôt pour que je t'en dise plus.

Ton but n'est pas forcément de vendre le produit, mais l'idée, ces fameux brevets ?

Nous ne mesurons peut-être pas aujourd'hui l'intérêt qui pourrait se porter sur le système, nous pouvons le fabriquer, il sera disponible en fin d'année. Mais à un moment donné, il va me falloir me rapprocher de gros fabricants qui ont une bonne image. On se dirige vers un engagement bilatéral de la licence d'exploitation avec un fabriquant, je ne pourrais pas négocier les droits de fabrication avec tout le monde.

Le système Twin Flex va s'appliquer à d'autres disciplines ?

Bien sûr, il s'applique au supermotard et intéresse beaucoup les pilotes de trial à haut niveau qui rencontrent de gros problèmes de vrillage de fourche. En enduro, là aussi j'ai déjà des demandes, les pilotes d'enduro, s'ils se mettent par terre dès le matin, ils peuvent toujours taper la fourche contre un arbre pour la redresser, ce n'est pas bon, pour remettre une fourche correctement en ligne, il faut lever la moto, dévisser les tés et resserrer.

Redressée en tapant, la fourche ne travaille pas correctement au niveau du coulissement. Rien que pour se protéger d'un vrillage en cas de chute, ils sont intéressés. Et cela vaut pour une moto de rallye-raid bien entendu.

Merci Stéphane pour toutes ces explications.