2. Honda CBR 1000 RR (2024) - Sur la piste: les preuves par l'épreuve
Quoi de meilleur et de mieux qu'un petit déluge de pluie pour pousser pilote et moto dans leurs retranchements ? Pas le choix, il faut y aller, se remémorer le tracé, retrouver des repères, alors que nous avions il y a peu encore la 600 RR entre les mains.
Si le circuit de Losail, au Qatar, avait accueilli le lancement du précédent groc changement de la moto en 2020, c'est à Portimao, au Portugal, que nous avons pris la nouveauté 2024 en mains. Ce même circuit où nous mettions les pneus d'origine il y a 12 ans pour le lancement de la dernière CBR sans électronique, signant au passage les 20 ans de la lignée. Un souvenir impérissable, donc, et des repères ancrés à l'esprit, nous reprenons la piste cette fois détrempée et lardée de rigoles d'eau. Pneus pluie de piste Pirelli, quelques claques prises sur ce tracé impressionnant et fort en sensations.
Les virages arrivent avec une célérité impressionnante, tandis que l'on taquine à présent le 280 et même près de 300 en 5 ou en 6 en fond de ligne droite des stands et malgré un freinage dantesque en dévers commandant une courbe magistrale, débouchant elle-même sur une épingle à droite par définition lente et à négocier en 2 ou 3. Théoriquement, le danger de passer d'une moto plus légère (enfin seulement de 9 kg), plus vive et avec très peu d'inertie mécanique (la 600), mais aussi d'une électronique moins complexe et moins performante à une moto plus imposante et amplement plus puissante, avec des assistances d'une finesse redoutable, c'est de perdre tout repère, d'élargir et de se faire déborder par le moteur à la remise des gaz sur l'angle ou encore par la gestion du rétrograde, sans parler d'un freinage puissant dont on ne sait si l'on peut conserver un repère déjà tardif… Au guidon de la nouvelle CBR, il n'en est rien.
La 1000 ne tourne certes pas aussi aisément et l'on doit l'aider un peu plus en plaçant le corps de manière précise, mais lorsque l'on regarde la vitesse d'entrée et de sortie de courbe, on comprend immédiatement que l'on est passé dans un autre monde, avec davantage de célérité et des reprises copieuses, un couple omniprésent et une montée en régime zélée, des sensations moteur impressionnantes tout en restant compréhensibles, tandis qu'elle se montre plus présente entre les jambes et force davantage les appuis sur les poignets, pourtant relevés et reculés par rapport à la version précédente. Les pieds se retrouvent également plus bas, en théorie, sans que cela ne nuise à la garde au sol que nous n'avons pas tenté de sonder au vu des conditions. La modification de la position de conduite apporte une aisance nouvelle, un peu plus de confort et provoque moins de douleurs pour les plus sensibles des bras, sans oublier un agrément certain que d’aucuns pourrait apprécier sur route ouverte. Après tout, pourquoi pas ?
Elle vire redoutablement court, cette 1000, et tout cas, et de manière particulièrement stable, conservant l'aisance du modèle précédent tout en ajoutant la possibilité de mieux corriger et surtout resserrer toute trajectoire au moteur comme au corps, le tout sans oublier des freinages dont on se dit sans cesse que l'on aurait pu les réaliser un peu plus loin et, au choix en fonction de l'option choisie, plus fort ou plus coulés. Le sentiment de contrôle est particulièrement élevé et la CBR encaisse sans broncher, encourageant à découvrir des phases de pilotage neutre dantesque et sans aucun parasitage du moteur au niveau de ses réactions ou encore de mouvement de partie cycle. Le cadre a été revu pour offrir moins de rigidité sur les parties sollicitées et permettre un peu plus de torsion, ce qui est difficile à évaluer en théorie, mais compte tenu des valeurs annoncées 17 % pour l'un et 15 % pour l'autre pourrait bien expliquer ce nouveau niveau de contrôle et de sensations. Autre bénéfice de cette perte de matière : il mincit de près d'un kg. Ça coule aussi bien que les rigoles épaisses que l'on fend précautionneusement sur la piste.
Cette progressivité et cette douceur apportent une finesse de pilotage que les rapports raccourcis rendent encore plus impressionnants lorsque l'on relance d'autant plus gaillardement que le contrôle de traction agit avec un discernement appréciable. Et pour cause. Il nous aura fallu une session et les conseils des pilotes officiels Honda Kenny Foray et Mike Di Meglio pour passer sur la distribution de puissance maximale de 1 sur 5 (ou un cran en dessous : 2 sur 5) en acceptant d'augmenter le niveau de sensibilité de l'antipatinage (de 3 sur 9, on le passe volontiers à 7 sur 9, 9 étant le plus interventionniste). Instinctivement, on aurait presque fait le contraire. À tort. Le bénéfice est alors certain dans les conditions climatiques actuelles, tandis que le quatre cylindres rageur grogne d'autant plus volontiers au travers de la sonorité apportée par la désynchronisation des papillons.
Une sensation auditive assez curieuse, plutôt unique en son genre, faite de résonances et vibration sonores dans les médiums et d'un feulement et grognement indiquant instinctivement que l'on se trouve dans la nouvelle zone d'exploitation du moteur, spécialement créée pour et par ce millésime. C'est curieux, mais là encore, pas forcément "naturel" comme bruit, mais force est de constater que l'on profite dès lors d'une progressivité et d'une maîtrise renforcée de la gestion de l'accélérateur. Mike Di Meglio, qui nous en avait parlé, n'est donc pas le seul à pouvoir et à savoir apprécier cet apport technologique : n'importe quel pilote amateur ou même conducteur est en mesure de bénéficier des vertus apportées par ce fameux. Chacun à sa mesure.
Un peu plus loin, la montée commandant le fameux toboggan, et donc cette descente à même de vous décoller la pulpe du fond, et la roue du goudron, fait bien moins décoller l'avant que sur la 600, démontrant l'optimisation de la gestion du lever de roue, décorrélée du contrôle de traction rappelons-le. Pour autant, la moindre remise des gaz vive tend à faire volontairement cabrer la CBR lorsqu'elle est redressée et que la toute-puissance est libérée. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est réactive et qu'elle laisse parler la puissance malgré les conditions.
Les gants gorgées d'eau, les bottes remplies également, nous rentrons aux stands avec l'impression du devoir accompli, mais surtout la frustration de ne pas pouvoir pousser plus avant l'analyse, la configuration ou la personnalisation. Il faudrait tant de temps pour en faire le tour et optimiser si ce n'est le chrono, du moins les sensations déjà excellentes en l’état et fort prometteuses, que nous nous sommes concentrés sur l'essentiel, sur ce qui change et ce qu'apportent les vrais plus techniques et technologiques de cette CBR 1000 RR R SP. C'est donc avec le sourire et l'impression qu'elle est redoutable et pourtant accessible que nous rentrons définitivement aux stands, avec l'envie de se sécher et de reprendre sur le sec et sur route cette machine d'exception.
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