Essai - Honda CBR 1000 RR (2024): l'hypersportive pour geek
"Non, je n'ai pas changé, je suis toujours la mêêêêêêêêmeuuuuuu", voici ce que l'on pourrait chanter en voyant la nouvelle CBR 1000 RR R SP, quand bien même cela pourrait convoquer la pluie. Pourtant, elle cache son nouveau jeu et a changé en profondeur. Et à 26 749 € en mai 2024, il vaudrait mieux que cela se sente et se ressente autrement que sur le portefeuille ! Voici notre prise de contact sur circuit, à Portimao, au Portugal de l'hypersportive Honda la plus aboutie à ce jour.
Sommaire
Note
de la rédaction
15,6/20
Note
des propriétaires
Fut un temps pas si lointain où les constructeurs conférençaient à la presse à chaque changement de coloris de leur supersportive. À l’époque, elles se vendaient bien et ne coûtaient pas encore ce que l'on en demande aujourd'hui. Un tarage différent des suspensions ? C'était une nouveauté. Hop, lancement presse et conférence, soit un tous les ans ou les deux ans. Aussi lorsque l'invitation à la présentation de la nouvelle CBR 2024 nous est parvenue, quatre ans après la dernière, l'on se demandait bien si un changement d'aileron de tête de fourche suffisait bien à justifier que l'on se rende à… Portimao ? Allo Honda ? D'accord, on arrive ! Ca se refuse d'autant moins que ce circuit est le maître étalon ultime pour se rendre compte des changements et évolutions, quand bien même le lancement de la CBR 1000 RR R SP avait eu lieu au Qatar en 2020 sur un circuit certes très rapide, mais nettement moins contraignant et surtout moins connu par votre essayeur, notamment au guidon d'une CBR.
Pour tout dire, au cours de la conférence de presse précédant le roulage et à mesure des diverses explications, on ne s'attendait pas forcément à autant de modifications sur la nouvelle CBR 1000 RR R SP. Ou plutôt, on ne pouvait pas imaginer les effets directs et tangibles de ces changements. Sauf une essentielle, peut être, concernant le nouveau fonctionnement du ride by wire à doubles moteurs (sur la rampe d'injection, donc). Le moteur, justement, n'est peut-être pas le seul à profondément changer sa façon de fonctionner, mais il capte l'attention, du haut de ses 217 chevaux conservés et distribués à présent à 14 500 tr/min. Fusse à coups de gramme sur les soupapes, presque demi-kilo sur le vilebrequin ou centaines de gramme sur les carters moteur, sans oublier un traitement de pitons et surtout un nouveau point de lubrification de ces derniers dans la chambre, optimisant le film d'huile, le bloc de la Fireblade a obtenu un comportement revisité, comme en témoignent également les rapports de boîte de vitesses raccourcis. Le taux de compression en profite également pour augmenter.
Deux fois deux papillons dans le ventre
De fait, ce qui interroge le plus, c'est la nouvelle manière de gérer le couple moteur et la distribution de la puissance à bas et mi-régimes, notamment lors des rétrogradages et de la gestion des gaz, en désynchronisant le fonctionnement des papillons des cylindres 1 et 2 de celui des papillons des cylindres 3 et 4 situés à la droite du moteur à quatre cylindres, conjointement avec l'action d'un clapet de l'échappement qui joue sur la compression. Imaginez que lors d'un changement de rapport ou d'une reprise de gaz, ou encore d'une coupure de gaz, un dispositif issu de la compétition en Superbike et même en MotoGP, ouvre davantage les papillons d'admission d'air les plus externes sur la rampe d'injections, agissant sur la combustion dans le cylindre concerné afin de l'enrichir plus en air d'une part en même temps qu'elle maintient un niveau plus pauvre, le tout en fonction du régime moteur et avant de laisser progressivement les seconds papillons (pilotés par un autre moteur, donc) s'ouvrir et rejoindre la même position que les autres pour donner accès à la pleine puissance. Une sorte d'admission variable, littéralement parlant, pilotée par l'accélérateur sans câble et agissant non pas au niveau des soupapes, mais de l'entrée d'air et conditionnant le mélange air/essence et donc la distribution de la puissance et du couple. Rien que la complexité du dispositif laisse pantois : ne reste qu'à tester en toute discrétion : l'échappement, toujours fourni par Akrapovic, change de volume pour devenir plus discret en sonorité, moins en forme, mais tout en restant en titane et de fort belle forme.
Une évolution des suspensions Öhlins
Autre point à évoluer : la suspension électronique Öhlins, qui profite ici de la dernière évolution technique et logicielle du fabricant suédois. On retrouve donc une fourche NPX Smart-EC3 et un mono amortisseur TTX36 Smart-EC3, le côté "smart" (intelligent) étant bien entendu le pilotage de la fourche automatisé et en temps réel. On peut ainsi opter depuis le tableau de bord sur l'un des trois modes de comportement : Rain, le plus souple, Sport, le plus intermédiaire et Track, le plus ferme on s'en doute. Entièrement réglable, on peut -avec la difficulté habituelle sur les interfaces Honda- entrer dans un tuning fin des réglages, jouant sur tous les paramètres possibles sur des suspensions haut de gamme (détente, compression pré charge). Cela étant, il est possible d'opérer un calibrage automatique avec recommandations standard. "Quoi ça" ?
Dans l'interface dédiée, entrez votre poids, vous aurez le réglage de la précharge proposé. Ensuite, jouez sur les 10 niveaux (-5 à +5) des 5 paramètres réglables comportant la fermeté de la fourche et celle de l'amortisseur et 3 concernant le ressenti souhaité : contrôler l'enfoncement de la fourche ou privilégier le grip, favoriser la motricité la stabilité, et agir sur la "rigueur" en courbe éliminant le moindre mouvement ou sur le grip induisant une certaine souplesse. Impressionnant, non ? Et visuel, c'est déjà ça, et ça donne de quoi s'amuser et plonger en détail dans le comportement de sa moto.
La partie logicielle n'est pas la seule à avoir évolué : la mécanique interne a également été revue pour offrir des réglages plus rapides et plus précis, justifiant une fois encore d'une modification du comportement de la moto. À voir donc, mais le temps semble vouloir jouer des tours et priver d'en faire (des tours) sur le circuit… le crachin vire à la grosse pluie…
Le freinage Brembo profite d'étriers Stylema et d'un maître-cylindre bien entendu radial et à levier réglable, mais non repliable en cas de chute. Surtout, l'ABS est réglable en sensibilité pour adapter son déclenchement aux environnements et aux conditions (Standard, Track et Race). Ce calibrage offre plus ou moins de sensibilité au niveau de l'étrier arrière, tandis que l'on peut quasiment désactiver l'anti blocage, y compris à l'avant où il n'est alors censé intervenir qu'en dernier recours.
Reste à s'y retrouver dans toutes ces possibilités et toute cette électronique. Et là, les choses se compliquent, comme souvent chez Honda qui peine à trouver un moyen simple, intuitif et efficace de jouer sur les paramètres. Véritable moto de geek initié, la CBR 1000 RR R SP requiert de trop nombreuses manipulations, souvent contre productives. C'est archi complet, cela laisse une énorme latitude de choix et de variations, mais lorsque l'on peut intervenir sur le contrôle de traction, le frein moteur, le lever de roue avant, l'ABS, le réglage de suspensions en tous sens, le frein moteur, le niveau de puissance et la réactivité du moteur, sans oublier le look des compteurs, le comportement du shifter et celui des deux modes de conduite configurables sur les cinq disponibles (dont on peut également modifier certains paramètres), autant dire que l'on n'a pas assez de boutons sur le commodo gauche et qu'il faut jouer d'un clic ici, d'un mouvement de flèche là, du basculeur, le tout n'étant pas non plus rapide…
Nous l'avons dit, le look de la CBR 2024 évolue par petites touches, principalement au niveau de l'aérodynamique et des ailerons stabilisateurs. On retrouve donc le réservoir recouvert par un cache permettant de le protéger des chutes, ainsi qu'un capo de selle amovible et bien entendu remplaçable par une selle, la moto étant homologuée deux places et livrée en configuration route.
Petite attention, qui prouve que ce ne doit pas être une cause de prise de poids, le contacteur est sans clef et se manipule sur le côté gauche de la moto au niveau du cadre. Ceci libère la vue sur le té de fourche supérieur et rend la ligne intérieure de la moto particulièrement pure. La position de conduite est bien entendu très sportive, tandis que l'on se retrouve véritablement dans la moto, plus encore que sur la 600 RR essayée ce même jour. Les proportions sont très agréables, tout en faisant comprendre que l'on a quelque chose de copieux entre les jambes et que l'on est sur une 1000 cette fois. La qualité perçue est excellente, et il nous tarde d'aller chercher en piste les réponses aux questions concernant la pertinence et l'effet des modifications.
Une pression sur le bouton de démarreur et voici que commence à parler la mécanique, protégée pour l'instant par un mode dégradant le régime maximal du moteur : tant que la température du liquide de refroidissement n'a pas atteint 70°, il est impossible de dépasser les 8 000 tr/min. Dans la ligne droite des stands, la pluie devient battante, les couvertures chauffantes sont enlevées de sur les pneus pluie… Il va falloir y aller rapidement et surtout vite à plus d'un titre (pour le pas laisser refroidir et pour ne pas laisser filer le chronomètre) : nous n'avons que deux sessions pour nous faire une idée. Sera-ce suffisant ?
Photos (48)
Sommaire
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération