Et si l'occident devenait La Havane de l'automobile ?
Le risque existe : celui de transformer nos pays, après la bascule vers le tout électrique, en un immense musée de l'automobile, comme à Cuba. Une île ou des autos de 60 ans et plus continuent de circuler car leurs propriétaires sont contraints et forcés de les maintenir en état, faut de pouvoir s'en offrir de nouvelles. Explications.
Il fait le bonheur des touristes et le malheur des autochtones. Depuis la prise de pouvoir castriste en 1959, le temps s'est figé à Cuba et son parc automobile aussi. Longtemps impossibles à acheter sur l'île, les voitures neuves sont aujourd'hui beaucoup trop chères pour le commun des Cubains, maintenant que le régime a autorisé les importations. Résultat : les vieilles Chevrolet, Cadillac, et Pontiac des années cinquante continuent d'être réparées et entretenues faute de mieux, dans un pays ou le Smic est à 20 dollars par mois, ou les transports publics sont quasi inexistants et ou une Volkswagen Golf neuve coûte plus de 70 000 euros.
Pour Elon Musk, le thermique n'est pas encore fini
Et si le cauchemar cubain devenait le quotidien de l'occident dans les prochaines décennies ? C'est en tout cas, la théorie d'Éric Saint Frison. Pour la développer, le spécialiste du marché automobile ne s'appuie pas sur n'importe qui, mais sur Elon Musk, himself. Le patron de Tesla a réuni ses actionnaires en assemblée générale très récemment et leur a tenu un discours pas vraiment en phase avec l'ambition d'un milliardaire qui devrait voir dans la bascule totale de cette industrie, un bienfait pour l'humanité et pour son portefeuille d'actions. En substance, le boss leur a expliqué que la bascule en question, qui devrait avoir lieu d'ici 2035, risque de durer beaucoup plus longtemps.
Musk s'est risqué à un petit calcul : "si tous les véhicules vendus dans le monde devenaient soudain électriques, il faudrait vingt ans pour remplacer les deux milliards de voitures en circulation". Ce qui amènerait donc une bascule totale en 2041 ? Même pas. Car, continue le patron de Tesla, "de nombreux conducteurs continueront à utiliser des voitures thermiques tant que le carburant sera disponible et tant que ces autos pourront continuer à circuler sur les voies publiques". Au bas mot, Musk estime qu'il faudrait compter 40 ans pour que la voiture à pétrole soit vraiment obsolète. Soit une fin programmée en 2061.
40 ans de sursis pour le thermique
Mais que se passera-t-il durant les 26 ans ou les constructeurs ne fabriqueront plus de voitures thermiques, du moins pour les pays occidentaux, car ils risquent de continuer d'en produire pour les pays émergents dépourvus d'infrastructures de recharge ? C'est là qu'intervient la fameuse "havanisation" de nos pays. Les particuliers qui auront besoin d'une auto, mais qui ne voudront pas, ou ne voudront pas se payer une électrique (rappelons-nous le prix d'une Golf à Cuba) continueront à entretenir et à réparer leur vieille pétrolette pour la faire durer coûte que coûte, exactement comme les vieilles Chevy de La Havane.
Aujourd'hui, le parc automobile français atteint dix ans d'âge moyen. Après 2035, doublera-t-il sa durée de vie ? Aujourd'hui, dans l'île caribéenne, on peut croiser des autos qui ont plus de 60 ans. C'est un bienfait pour le patrimoine automobile, certes, mais il est fort à parier que le Cubain qui est obligé d'utiliser chaque jour sa Mercury de 1950 sera volontaire pour la troquer contre n'importe quel auto moderne, silencieuse, moins gourmande et climatisée.
Multiplier les technologies pour ne pas se havaniser
Du coup, la question se pose : comment éviter d'en arriver à de telles extrémités en Europe ? Comment ne pas se retrouver pendant des décennies avec un parc de plusieurs millions d'autos devenues dangereuses à force d'être vieillissantes ? Accélérer le développement des technologies électriques, sûrement. Créer rapidement de nouvelles batteries nécessitant moins de métaux rares, ayant une plus grande autonomie et s'avérant moins chères, certainement. Mais peut-être aussi en élargissant le champ des possibles, avec l'hydrogène et les carburants synthétiques, eux aussi peu, ou pas du tout, émettrices en C02. Et qui, en plus, éviteraient aux pays occidentaux de se transformer en Cuba moderne, ce pays dont ils ont dénoncé les méthodes durant des décennies.
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