2. Royal Enfield Himalayan 450 (2023) - Ascension réussie
La question en titre de page est celle qui nous est très rapidement venue à l'esprit. Même diminuées de près de 25 % une fois les 3 000 m d'altitude dépassées, les performances de la Royal Enfield Himalayan 450 nous sont apparues comme idéales à bien des égards. Mais avant de pouvoir réellement l'analyser, la scruter et l'essayer, il nous a fallu appréhender le contexte dans lequel nous inscrivions la moto… Contexte que nous partageons avec vous.
Connaissez-vous beaucoup d'endroits au monde où l'on roule gauche et où, en l'espace d'un kilomètre à peine, il est possible croiser des vaches errantes, un mini-van reculant sur votre voie de circulation dans une épingle, des chiens assoupis au milieu de ladite voie, quatre véhicules passant de front là où l'on n'en imaginerait à peine un ou deux juste avant, des passages au grip important puis glissants en l'espace d'un écart de trajectoire, du off road imposé du fait de l'alternance de routes bitumées et du pas de route (affaissée, détruite ou recouverte), des "villages rue" où se succèdent couleurs et odeurs d'ailleurs, mêlant nourriture et encens, senteurs improbables et inédites, tout en croisant des piétons souriants et affairés ou oisifs, des pierres posées sur la route pour signaler un ou des dangers (de vrais), ou des réparations, bref, une cacophonie harmonieuse ? Et bien ce fut le cas lors de nos deux jours de roulage… Une expérience totale dans un univers décalé par rapport au nôtre et où la moto prend tout son sens. Fut-ce celui de la dérision. En tout cas, il faut du recul et un nouveau référentiel pour arpenter cet environnement pas aussi hostile qu'il n'y paraît. Des terres et terrains de contraste, à l'image même de l'Himalayan.
Une fois ces bases acquises, il convient de mettre la moto à sa main. Sur la route, on évolue volontiers avec la selle haute. Les 845 mm annoncés permettent encore de poser pieds au sol si l'on mesure plus de 1,75 m, mais en off road, on appréciera de la redescendre. Déjà, cette assise en cuvette et ferme de rembourrage, laisse présumer du fait que les kilomètres aidant, il sera nécessaire de se dégourdir le fessier. Ensuite, il faut choisir son mode moteur et surtout le type de freinage que l'on souhaite : avec ou sans anti blocage à l'arrière. En dehors des longues pistes en sable/caillou/boue, on conserve volontiers l'ABS, toujours très pertinent et discret. Son déclenchement plus que tardif laisse même la liberté d'utiliser toute la puissance de l’étrier Bybre et du maître-cylindre à fixation axiale. N'en demeure pas moins que l'on sent la fourche travailler et tirer côté gauche.
L'amortissement, signé Showa, nous est apparu d'une qualité, d'une cohérence et d'une cohésion rares à ce niveau tarifaire, malgré l'absence de réglage autre que la pré charge du mono amortisseur arrière. Showa qui a d'ailleurs directement participé au développement sur la moto, propose là un élément brillant par ses qualités et par son homogénéité, éliminant toute surprise sur toute surface, jouant d'une stabilité impériale et d'une capacité à encaisser les chocs sans sourciller, y compris lorsqu'ils sont répétitifs et rapprochés.
On peut ainsi garder la moto et la trajectoire bien droite au moment de se prendre un roc suivi d'un creux débouchant sur une grosse pierre… Le tout sans broncher et sans voir le souffle coupé. Merci les 230 mm de garde au sol et le débattement de 200 mm des éléments. Il faut bien ça sur le terrain de jeu qui nous est réservé, tandis que lors de nos passages "off road", le sabot monté écartait avec efficacité les pierres soulevées. Cette Himalayan est une moto décidément très surprenante et particulièrement bien dimensionnée.
Littéralement posée au sol par ses 198 kg toute équipée, loin d'être débordé par une puissance déjà raisonnable au niveau de la mer et amoindrie à présent que l'on grimpe à presque 3 500 m d'altitude (environ 30 ch restant sur les 40 du départ), l'Himalayan de nouvelle génération conserve son caractère volontaire et son côté tracteur des montagnes pour évoluer sur le gras de son couple disponible rapidement. Reste que dans les épingles, l'étagement de la boîte de vitesses bénéficiant d'une première assez courte (qui emmène à 55 km/h environ) et d'une seconde tirant à près de 80, en vient à réclamer davantage de maîtrise pour ressortir convenablement. On joue de l'embrayage doux et sensible, tandis que l'on profite une fois encore d'une sélection précise et verrouillant bien. Sur un bout de plateau ou entre deux courbes, on accroche volontiers les 105 km/h tout en évitant de regarder le précipice bordant souvent la route.
Bon sang qu'il est agréable, ce moteur. Pour résumer, il a tout ce qu'il faut, là où il faut et quand il faut. Et quand il en manque un peu au regard des circonstances, on parvient à passer soit plus en douceur et en patience, sur le couple, soit en rétrogradant et en faisant gémir le monocylindre, mais ça passe. Au-dessus de 6 000 tr/min, on lui trouve même un regain de caractère et un net pic d'énergie lorsque va chercher, dans un changement de sonorité bien agréable situé entre le grognement et le feule, les 8 000 tr/min et leur puissance maximale. C'est plaisant, c'est bien placé, exploitable et pleinement satisfaisant. Rappelons une fois encore que l'altitude fait perdre 25 % de la puissance et qu'elle creuse les bas régimes. Ceci explique cela. Dès que l'on regagne la vallée, les élans sont d'une sincérité réjouissante, tandis que l'on profite d'un moteur très équilibré lui aussi.
Ce nouveau bloc, tout comme la partie cycle, se révèlent davantage encore une fois que l'on quitte le bitume pour emprunter des portions trailisantes, ce que l'on appelle ici une route, d'ailleurs… Dans ces tracés blancs, au milieu de nulle part et où l'immensité prend tout son sens, la présence à l'horizon des hautes montagnes enneigées attire le regard au loin tandis que l'on s'en remet volontiers à la moto pour le reste. Que l'on choisisse de rouler comme ici, donc assis, ou comme chez nous, donc debout, la facilité et l'aisance sont identiques.
En l'occurrence, faire ripper l'arrière n'est pas évident en dehors de la première ou de la seconde et d'un terrain meuble, mais on évolue "à l'ancienne" en faisant primer l'efficacité sur la nervosité ou sur le style. Dans l'exercice, les gommes CEAT (une marque italienne devenue indienne), à pavés, officient avec une surprenante aisance. Cette gomme ferme en apparence, tracte aussi bien qu'elle trace, apportant une surprenante facilité d'évolution en terrain accidenté. Si leur profil semble plus adapté à un usage "sur les chemins", ils n'en sont pas moins appréciables sur la route, où l'on prend volontiers de l'angle en se méfiant d'un ripage autant dû à la poussière ou aux traces d'hydrocarbure qu'à des flancs aussi abrupts que ceux des montagnes parcourues.
Polyvalente, avec des crampons peu sensibles en matière de bruit ou encore de remontée d'informations dans le guidon ou le fessier, la référence fait primer la polyvalence, tandis que l'on apprécie sa capacité, comme celle de la moto, à changer de terrain sans jamais bouger les marques ou les sensations. Du coup, lorsque le bitume s'efface et que le terrain s'accidente subitement, on passe comme si de rien n'était. Chapeau.
Alors que nous longeons un fleuve encaissé et amoindri par l'hiver, les routes se redressent nous laissant pousser sur les rapports. La 4 prend volontiers les 125 à 130 km/h, tandis que l'on devine pouvoir atteindre près de 150/160 compteur, mais sans jamais que le développement de la route ni le passage de la sixième fraîchement arrivée dans une boite Royal Enfield ne nous le permette. La vitesse de pointe est quoi qu'il arrive suffisante pour se sentir "à l'aise" sur autoroute, tandis que la protection offerte par la petite bulle d'origine surprend par son efficacité. Étroite, certes, pas très haute, c'est un fait, elle nous est apparue suffisante pour éviter les turbulences et même les coups de froid sur le torse. Évidemment, l'extérieur du buste est exposé, tandis que les mains pourraient apprécier les protections optionnelles, histoire de.
Les kilomètres s'enchaînent dans un paysage majestueux. Il fait beau, il fait bon et la montagne est avec nous. En plein soleil, on remarque que le clignotant est facilement oublié faute d'en voir le témoin au tableau de bord. Lorsque tombe la luminosité, l'éclairage avant à LED, complexe de forme dans son optique rond, offre un spectre suffisant et une blancheur appréciable. On trace la route sans y penser, profitant de sensations "à l'ancienne" que l'on imaginait perdues à l'heure ou l'on nous impose souvent de choisir entre
- un trail d'origine chinoise jouant la surenchère esthétique et affichant 350 ou 450 cm3, une puissance d'une quarantaine de chevaux et un tarif placé entre 5 et 6 000 €, mais souvent lourd et moins bien équipé que la Royal présente
ou
- un trail de 750 ou 800 cm3 fort bien pourvu à tout point de vue, y compris en assistances électroniques et en puissance, avec le double de ce que propose l'Himalayan, sans oublier un accastillage de très bonne qualité, mais un tarif pouvant aisément atteindre plus de 11 000 € sans que l'on ne sache si l'on pourra pleinement les exploiter sur route ou dans les chemins.
Alors que "poumpoume" affectueusement le monocylindre de notre Enfield, tractant une fois encore vers une destination plus ou moins éloignée, nous laissons loin derrière bon nombre de réflexions. Elle a su nous séduire et remporter bien des suffrages. Dans la poche du sac à dos, le téléphone alimenté par la prise USB C placée sur le guidon, continue de nous indiquer la direction à suivre sur cette instrumentation aussi ronde que la terre qu'elle donne envie de parcourir. Allé, encore un petit détour ? Haussons le rythme, laissons nous porter. Les sensations de vitesse et de liberté nous portent encore un peu, nous apportent toujours autant. Tiens, c'est ça la moto. C'est ça le trail selon moi.
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