2. Kawasaki ZX-4RR (2023): aussi exclusive qu'inclusive
Il nous aura fallu nous battre pour pouvoir prendre le guidon de cette nouvelle Ninja ZX-4RR, tant les confrères ne voulaient plus la quitter. Au point que nous n'avons eu qu'un quart d'heure pour faire les photos à raison d'un tour en environ 1'45 environ contre 1'01 pour le meilleur chrono moto sur ce tracé par temps sec. Ouch… Ne vous inquiétez donc pas du style poireau adopté sur les clichés : après plus d'une heure et demie sur la ZX-6R à faire des ronds sur la piste détrempée et à prendre des sensations et références avec les pneus pluie, nous en avions plein les pattes au moment d'effectuer ces derniers tours avant la pause déjeuner. Un contact intéressant, donc, que nous vous livrons tel quel, avant de compléter nos impressions. Pour information, nous empruntons le circuit dans le sens horaire (flèches rouges)
Déjà, on constate que la ligne compacte de la Ninja de 80 ch parvient à contenir les 1,80 m de son pilote tout en l'accueillant parfaitement et en lui laissant toute latitude de mouvement pour déhancher à son gré en se calant le long de son petit réservoir de très bonne forme. Restent des guidons très agréables de prise en mains, mais un peu larges au final et surtout dotés de masselottes anti vibrations de taille imposante ne laissant pas toujours en saisir l'extrémité. Les pistards prendront soin de les changer pour des modèles plus compacts et plus légers, quitte à faire fourmiller un peu plus les mains. De fait, le niveau de pulsations cardiaques de la ZX est largement supportable sur piste et très discret à bas et mi-régimes : on est bien sur un 4 cylindres.
Surtout, les évolutions sont particulièrement agréables dans cette partie basse du compte-tours. Les reprises son là, qui donnent un sentiment de force suffisante et un grand plaisir : celui de savoir qu'au moindre retrogradage, on profitera de ressources insoupçonnables et d'un prétexte béton pour exploiter une partie cycle très agréable. En ville ou encore sur les routes de campagne, on devine que l'on ne sera pas trop tenté de faire résonner l'échappement, oubliant volontiers le côté pousse au crime d'une sportive pour se contenter de son visage le plus calme et tout à fait exploitable au quotidien : la position de conduite confirme qu'elle est très avenante une fois que l'on se redresse, évoquant sans peine celle d'un roadster. D'une souplesse remarquable, le petit quatre cylindres n'en finit pas de convaincre. S'il faudra un essai sur route ouverte pour compléter nos impressions dans un environnement où l'on (se) mesure plus aisément aux autres représentants de la famille des deux roues motorisés, disons que cette moto apparaît comme parfaitement vivable au quotidien et dans un environnement moins sportif, tout en sachant garder la tête haute face à des 600 plus puissantes et plus coupleuses.
Nos premiers tours de roues s'effectuent en mode Road, un excellent compromis en matière de distribution de puissance et de réglage du contrôle de traction. Par la suite, le mode Sport le remplace en rehaussant le niveau de nervosité du moteur et celui de ses réactions, tout en abaissant le niveau de l'anti patinage. De fait, on apprécie une électronique agréable au niveau de la gestion des gaz et la technologie qui se fait rapidement oublier au profit de l'essentiel : la conduite/le pilotage.
Immédiatement s'impose une impression de légèreté dans le train avant, perturbante dans un premier temps, cette sensation ne laisse pas toujours saisir la rigueur dont il fait réellement preuve, tandis que l'on sent davantage la structure du pneu pluie et les quelques ondulations qu'il subit dans une courbe serrée en montée et prise à pleine charge moteur. L'amortisseur arrière fonctionne de manière pertinente et performante, tandis que la fourche ne montre réellement ses limites que sur les gros freinages en plongeant sommairement tout en garantissant une bonne retenue. Nul doute que sur route, elle sera une alliée de premier ordre. Sur piste et si l'on recherche la performance pure, il aurait peut-être fallu pouvoir la régler plus avant, mais aujourd'hui, cela ne nous pénalise nullement : on l'emmène de manière fluide et rapide sans avoir à se soucier de mauvais rebonds.
Aux guidons, on corrige aisément les trajectoires, tout en commençant à trouver ses marques et à jouer du poids de son corps et de son placement pour obtenir des trajectoires de plus en plus léchées et de plus en plus précises. La ZX-4RR est bien une sportive, quand bien même la position des mains est moins typée qu'à l'accoutumée dans la catégorie. Ce que l'on perd en appui, on le gagne en maniement et en maintient. Sans parler de "confort" lors de cet exercice pistard, disons que l'on fatigue peu à bord.
La stabilité est également au rendez-vous, tandis que l'empattement court (1 380 mm), permet de bénéficier d'une maniabilité redoutable sans nuire pour autant à l'équilibre dans les enchaînements de courbes se refermant les unes sur les autres. Dès lors, le choix des trajectoires est possible, soit en longeant les vibreurs, soit en effectuant une goutte d'eau - de circonstances - en visant l'apex. La fluidité est de mise et le réglage intermédiaire des suspensions est appréciable sur le mouillé. L'hydraulique travaille correctement et se montre totalement compatible avec un niveau de conduite lui aussi intermédiaire et l'on ose quelques phases optimistes en matière de vitesse de pointe dans certains passages bien travaillés.
En fin de ligne droite des stands, après avoir pris plus de 180 ou plus (210 km/h maxi au rupteur en 6), on voit ainsi volontiers un 110 km/h s'afficher au moment de s'engager dans le grand droit se refermant et commandant l'épingle à gauche évoquée précédemment tout en se disant qu'il y a moyen de rentrer beaucoup plus fort avant de tout donner dans le changement d'angle suivant. Pas besoin de serrer les fesses à bord, mais plutôt de les sortir ! Et c'est ce que nous faisons d'autant plus volontiers que le moteur à deux visages offre plusieurs options et qu'il ne surprend pas lorsque se manifeste la puissance. Le freinage, quant à lui, apporte une bonne sérénité tant l'ABS - non déconnectable - tarde à se manifester à l'avant. Le réglage de la garde du levier est par contre essentiel pour trouver le bon dosage, tandis que le feeling demeure correct, mais sera à améliorer si l'on souhaite régulièrement faire de la piste (remplacement du maître-cylindre).
Jusqu’à mi-régimes (donc 8 000 tr/min), le quatre cylindres est d'une douceur remarquable et d'une force appréciable, certes, mais sans excès. Le couple maximal se situe en effet à 13 000 tr/min, ce qui vous laisse deviner que d'ici là, on monte progressivement les digits du compteur et du compte-tours avec un contrôle parfait des évolutions et une sérénité appréciable, avec un renforcement progressif des sensations et un décollage en règle à un moment précis. S'extraire en beauté d'un passage serré requiert donc de jouer de la boîte, de s'appliquer, de se trouver au-delà de 10 000 tr/min et idéalement de 12 000… ce que l'on fait au son et aux sensations ! Une plage de tir que l'on apprécie d'autant plus qu'elle s'accompagne d'un râle moteur marqué et marquant : on dirait un 600 en un peu moins profond mais avec une allonge impressionnante jusqu'aux ultimes 16 000 révolutions minute et une rupture tangible : un 4RR, ça tire bien, ça tire juste et ça tire long, mais une fois encore sans vous allonger les bras, avec subtilité et avec un réel cap accompagné d'une poussée renforcée une fois franchi le second tiers du compte-tours.
Accélération en première. 90/120/150 km/h et nous ne sommes pas encore au bout du troisième rapport ni de nos évolutions et de nos surprises. Sans peine, avec un enthousiasme débordant, le compteur affole les références alors que l'on enchaîne les rapports. Une 400 qui pousse comme un 600 ? Presque, mais le 636 est bien plus et mieux rempli (129 ch/69 Nm) et nettement plus rageur. Les sensations sur la 400 sont donc "légèrement" moindres, plus douces et plus simples, moins impressionnantes et quelque part moins "rondes". Avec cette ZX pour le moins originale, on reste dans le "raisonnable" qui pousse, dans le sensationnel sans la polémique, on tutoie les limites de la puissance en atteignant les sommets des 80 ch, on balaye celles de la cylindrée, tout en profitant de poussées vigoureuses et enthousiasmantes tandis que l'on progresse à grands pas sur piste, en se disant que l'on peut encore faire mieux, repousser son freinage, passer plus fort ! La ZX-4RR est une machine conçue comme ça, pour ça et elle ne demande qu'à s'exprimer. Mieux encore : elle est une moto que l'on peut totalament exploiter tout en repoussant bien des barrières.
Mieux, le shifter à la montée et à la descente officie avec brio, tandis que l'embrayage anti dribble sauve parfois de situations périlleuses. Surtout dans ces conditions d'adhérence précaires, notamment lorsque le bout de la botte gauche accroche par mégarde le bout du sélecteur et descend un rapport de la boîte douce et souple alors que l'on vouvoie déjà le haut du compte-tours. Gosh. Une chose est sûre : ça marche… Quid du contrôle de traction ? Indispensable dans ce contexte, le bilan est globalement bon tant que l'on ne déclenche pas le boost des chevaux lors d'une prise d'angle optimiste sur terrain glissant : là, il s'active en saccade et sauve la mise, mais laisse la roue patiner un temps. Hormis ces conditions extrêmes, il intervient peu en temps "normal", laissant une grande marge de tolérance et faisant apparaître la qualité des pneumatiques pluie.
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