2. Essai - Kawasaki Z650 : comme une évidenZ
Se lancer au guidon de la Z650 c’est rencontrer une évidence. Cela arrive, parfois. Naturelle au possible, la Kawasaki se guide avec légèreté et précision en ville tout en posant ses quelque 188 kg au sol. À la clef, une stabilité impeccable. Une fois encore, son étroitesse est un atout pour passer partout sans se poser de question. L’équilibre des masses, évoqué en première partie, se révèle impeccable dans l’exercice parfois complexe des évolutions à allure lente. L’agglomération devient rapidement un domaine dans lequel la Kawasaki est reine et où elle donne de la voix. Reine avec d’autres, mais reine quand même. On apprécie son souffle et la manière dont elle respire, faisant d’elle une moto plus expressive que d’autres sur ce point.
La Z650 peut en tout cas compter sur son vaillant moteur pour animer n’importe quel trajet urbain. Elle l’agrémente au passage d’un lot de vibrations et de pulsations caractéristiques de son architecture. Des battements de cœur que l’on apprend à mesurer pour deviner le niveau de santé. Et de la santé, justement, elle en a. Expressif, le bicylindre l’est également au travers de son échappement. Le souffle rauque et métallique propre au calage à 180° (un piston en haut quand l’autre est en bas), agrémente les évolutions dès les bas régimes. Des régimes à entretenir d’un filet de gaz, entre 3 et 4 500 tr/min. Une zone dans laquelle on peut prétendre rouler sans désagrément jusqu’en 4e et même titiller la 6e en tout début de compte-tours. Pour autant, l’essentiel de la santé moteur se trouve au-dessus de cette zone, et c’est sur les routes environnantes que nous allons l’exploiter pleinement.
Un peu d’autoroute pour rejoindre la côte et voir la mer et serpenter le long des falaises, et nous voici calés à 130 km/h et quelque 6 250 tr/min environ sur le dernier rapport. Des rapports de boîte bien étagés : la 1re pousse aux environs de 70 km/h, la seconde près de 110 et la 3 emmène volontiers au rupteur et sur les voies à 130. Là, la maigre protection du tête de fourche ne fera pas merveille, mais dévier correctement le flux afin d’épargner les cervicales. Les épaules et le torse seront par contre bien exposés aux vents et à la pluie. Et pour cause. Allé, fini la tannée, voici venir les tracés enthousiasmants.
La souplesse n’est pas à proprement parler son fort, mais le bicylindre ne cogne que rarement. On ressent davantage une injection légèrement hoquetante à bas régimes stabilisés. La « maladie » des injections modernes et des normes anti pollution. Par la suite, il est bienveillant, ce « deux tiers de litres » (enfin un tout petit peu moins). Surtout, ses réactions sont spontanées et faciles à doser, grâce à une poignée de gaz au tirage assez long. Comprendre par là que l’on doit enrouler du câble et tourner plus d’un quart de tour pour arriver en butée. Autant dire tordre le poignet et la poignée droits. Une opération que l’on ne saurait conseiller de faire sur les deux premiers rapports si l’on n’accompagne pas suffisamment d’un relâchement souple de l’embrayage.
Les plus expérimentés et les plus sportifs auraient apprécié un mouvement plus court. Car nous allons le voir, la Z650 s’emmène copieusement dans l’ultra sinueux. Il faudra par contre se méfier des excès d’optimisme : d’une part, la 1re emmène à près de 70 km/h, nous l’avons déjà dit, et de manière très prompte. D’autre part parce que l’on risque fort de partir sans laisser à la roue avant une chance de toucher le sol…
Moins démonstratif que chez Yamaha sur la MT-07, le twin de 68 chevaux ne manque cela dit pas de s’exprimer si on le titille. Quelles que soient les circonstances, il fait montre d’une bonne docilité et ne s’éveille qu’à des mains devenues expertes et surtout souples et sûres. GaZ. Avec un Z, comme dans Z650. Imaginez enchaîner longuement (plus de 250 km d'autonomie !) des dizaines de kilomètres de virages serrés, de petites courbes fuyantes et de virolos comme on en demande et recommande, le tout sur une route suffisamment large pour lécher sa trajectoire et s’appliquer à ne jamais sortir de son couloir. C’est ce que Kawasaki nous avait réservé. Des portions entières de bravoure et de plaisir à l’état pur, tout juste limitées par votre capacité à tirer le meilleur de la Z que vous avez entre les mains.
De ce point de vue, la 650 s’est révélée terrible pour la concurrence et pour les concurrentes de toute cylindrée. Avec une telle partie cycle, on dévore littéralement le bitume du regard avant que la roue avant ne se place précisément là où l’on vise, le tout sans le moindre engagement physique. Tout juste doit-on choisir le style de conduite que l’on veut adopter pour voir la kawette s’y conformer.
Précise, permissive et rigoureuse, elle se montre avide de conduite sportive et respectueuse de ses limites. La garde au sol est amplement suffisante pour ne pas frotter trop souvent les repose-pieds. Les suspensions se montrent légèrement souples lors de la phase de contrainte, avant de s’asseoir elles aussi. Calée, la Z650 ne bouge plus, y compris sur les reliefs de la route, nombreux sur l’itinéraire que nous empruntons à présent. Une bosse ? On ne l’évite pas, on sait qu’elle sera absorbée sans générer de mouvement parasite ni de coup de raquette prononcé.
Les limites ? Elles sont essentiellement fixées par l’ensemble fourche/pneu avant et plein angle. Autant dire dans des conditions que l’on ne rencontre pas tous les jours. Alors, on ressent un petit piochage de l’avant, qui ne renseigne plus suffisamment sur le niveau d’adhérence. Tiendra, tiendra pas ? Tient ! La carcasse radiale encaisse et continue de faire le job. Après tout, road (route) vient avant sport dans la dénomination des Dunlop, et l’on comprend pourquoi à ce niveau. Pour autant, le mélange de gomme fait honneur aux asphaltes fréquentés à présent. La gomme sera par contre marquée par l’exercice, mais elle aura tenu bon, même lorsque l’on aura poussé le rythme au-delà du raisonnable sur des routes incroyables.
De pif en paf, en conduite coulée et grâce aux relances impeccables, nous accrochons même des gros cubes rejoints fortuitement et leur faisons la pige. Enfin presque. Malgré leur conduite souple et leur partie cycle largement plus performante, ils ne peuvent rivaliser avec la légèreté de la Z ni avec son moteur cravaché crachant le meilleur de lui-même… Quitte à ronfler dans les tours et à user du frein moteur et de la bonne réduction du couple à la roue arrière lors des rétrogradages de un à deux rapports.
Si on le juge moins expressif entre 8 000 et 9 000 tr/min, le moteur de la Z650 change de sonorité à l’approche de la fin de la zone rouge et redonne quelques sensations de puissance bienvenues. Chacun y trouvera son compte à un moment comme à un autre. Cette Z650 se montre redoutable, elle le serait probablement plus encore avec une monte pneumatique plus sportive, ou une fourche réglable. Ah, cela s’appelle une Z 900 ? Certes, mais c’est plus cher, non ?
Dernier point que nous n’avons pas encore abordé : le freinage. On ne peut prétendre emmener prestement une moto sans pouvoir la caler correctement sur une trajectoire au moyen du frein arrière, ni faire suffisamment confiance à ses étriers avant, prompts à sauver la mise en cas d’optimisme forcené. De ce point de vue encore, la Z650 ne faiblit pas. L’ABS bien calibré pour la route comme pour la conduite sportive, n’accusera finalement le coup qu’en agglomération ou à basse vitesse, lorsque l’on se montrera moins bien coordonné entre la répartition avant/arrière. Autant dire rarement.
Là encore, il saura se reprendre au bon moment, sans laisser couler la moto comme d’autres (Ducati Scrambler, par exemple), nous l’ont déjà fait. La puissance de décélération se montre tout à fait suffisante au regard du public visé, tandis que l’on profite d’une attaque et d’un mordant assez doux pour ne pas surprendre les néophytes. Rien n’empêche cela dit, avec un peu de bouteille (savoir faire), et malgré l’ABS, de lever la roue arrière sur les freinages appuyés. Sans faute donc.
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