2. Essai Kawasaki Ninja H2 2016 : tonnerre mécanique
Ça serait faire preuve de mauvaise foi que le jour de la récupération de la H2, de dire qu'il n'y avait pas un minimum d'appréhension. Pourtant ce n'est pas le premier essai sur des machines de 200 chevaux. Alors pourquoi ? Probablement à cause de tout le battage médiatique qu'il y a eu autour de sa frangine la H2R l'année dernière ou encore la présence d'un compresseur. Une impression renforcée une fois devant la bête.
Elle n'est pas tant impressionnante par sa taille mais plutôt par ce qu'elle dégage. Que l'on soit clair. Nous sommes dans la catégorie hypersport et elle n'aura absolument rien de conciliant, ni de confortable pendant l'essai. Une fois à bord, la position « crapaud sur une boîte d'allumette » est de rigueur. Avec les poignées à la hauteur du fessier, une selle dure comme du béton et un basculement vers l'avant qui ne donne pas cher du bon fonctionnement des poignets après une journée de roulage. Elle sera plutôt permissive pour les petits gabarits autant sur la hauteur de selle que sur sa répartition des masses, mais il faudra faire avec son rayon de braquage de camion dans les manœuvres à l'arrêt.
Aussi curieux que cela puisse paraître, la H2 est plutôt facile à prendre en main, sous réserve bien évidemment d'avoir l'habitude du genre. Avec mon mètre soixante-dix, j'ai quand même du mal à trouver une position un peu confortable. L'instinct voudrait d'ailleurs que l'on se redresse au maximum donc qu'on se colle au réservoir… Mais il s'avérera à l'usage que ce sera une mauvaise idée. Et dès les premiers kilomètres, il n'y a qu'une seule chose qui vous obsédera : le compresseur, autant sur l'envie de le déclencher, mais aussi un garde-fou qui vient automatiquement verrouiller votre main droite. Pourquoi ? Si vous voulez rester dans la légalité sur route par exemple, il vous suffira de rester uniquement sur le premier rapport, cela suffit.
On sent très vite qu'il y a du cheval à libérer. C'est donc avec une grande douceur que nous avons abordé cette prise en main. En restant sous les 5/6000 tr/min, la H2 est tout à fait gérable, les poussées sont agréables et conjuguées avec une partie cycle incisive, on prend plaisir à rouler. Elle se placera facilement dans les trajectoires avec une précision de chirurgien. Tout se jouera sur votre placement avec cette moto. Il ne suffira pas d'un simple regard pour la placer. Il est question de chaque partie de votre corps. La bousculer est inutile, la H2 se manipule en finesse sous peine de vous faire remettre à votre place assez vite. Seule la largeur du réservoir viendra gêner la conduite. En effet, impossible de caler correctement son genou extérieur dans une courbe, la forme du réservoir empêche littéralement de se maintenir. Ayant testé plusieurs positions, le problème reste présent. À se méfier donc pour les pistards .
Les suspensions Kayaba sont un juste milieu entre les remontées d'informations et un peu de confort, on les sent fermes mais parfaitement ajustées. Avec en plus la possibilité de les régler de tous les côtés, elles sont à la hauteur des performances que la H2 délivre. Idem pour le système de freinage qui ne souffre d'aucun défaut puisque nous avons adoré le feeling sous les doigts, parfait équilibre entre puissance et progressivité.
Au fil de l'essai, la H2 se révèle plaisante à emmener autant sur des axes roulants que dans des portions montagneuses si l'on prend garde de faire des pauses régulièrement pour éviter l'ankylose, car sans la portée du vent grâce un minimum de vitesse, la H2 n'est absolument pas confortable pour le haut du corps. Et on ne parle même pas de la ville puisqu'elle devient un enfer entre la chauffe moteur, la position, les rétroviseurs trop larges pour la remontée de file et le tricotage pour trouver le neutre, qui nous aura fait rager plus d'une fois.
Ce moteur…
Jusque-là, on pourrait penser que la H2 est finalement plutôt facile à rouler. Si elle possédait un moteur « standard », ça serait effectivement le cas. Mais là où est toute la différence, c'est ce qu'elle possède dans son ventre. Et pour que l'on soit sur la même longueur d'onde, le moteur de la H2 est comparable au jouet « Diable en boîte », sauf à la différence qu'à la place de la manivelle, il y a une poignée de gaz.
Le déclenchement du compresseur la première fois se fait entre appréhension et excitation. Dès les 5000 tr/min on peut entendre le son du compresseur qui se met en marche avec un bruit bien singulier et le premier voyant qui s'allume sur le tableau de bord. C'est donc à ce moment-là que l'air entre par la tête de fourche dans la turbine et se met en pression jusqu'à 2.4 bars. La boîte à air a d'ailleurs abandonné son éternel plastique pour de l'aluminium haute rigidité pour supporter. À l'apparition du 3ième voyant, on lâche tout et la H2 s'envole littéralement, en même temps que le pilote se retrouve propulsé à l'arrière de la moto. C'est là que la présence du dosseret de selle prend tout son sens et la présence du Launch Control pour éviter de se retourner. C'est à ce moment-là que l'on peut aussi penser à la consommation de son pneu arrière, et celle d'essence qui grimpe en flèche pour se retrouver à une moyenne de 10 à 12 litres aux 100 kilomètres. . La présence du Quickshifter KQS permettra de rester haut dans les tours et de passer les rapports sans mettre à défaut la gestion du compresseur.
Pour le pilote, c'est de l'adrénaline pure qui prend le dessus, surtout sur les premiers déclenchements. On comprend vite que pour vraiment prendre plaisir aux accélérations, se plaquer contre le réservoir et bien se planquer derrière la bulle deviennent indissociables, sous peine de ne plus ressentir la vitesse. Qu'elle peut être traîtresse cette H2 ! Le relâchement des gaz met fin à la compression sur un bruit de sifflement.
Au fil du roulage, et les premières émotions passées, on prend conscience de toute l'ampleur du travail de Kawasaki sur ce moteur. La H2 est clairement une moto de folie. On peut vite se laisser déborder par le bonheur de taper dans le compresseur et c'est à ce moment-là qu'il faut savoir garder la tête froide et faire preuve d'humilité quant à ses capacités pour la piloter. L'ouverture des gaz est sensible et il faudra la gérer avec douceur en courbe tout en gardant un œil sur le compte-tours (ou tendre l'oreille pour écouter le compresseur) pour éviter que la machine ne s'emballe. Cette belle doit être apprivoisée, il faut un très grand nombre de kilomètres à son guidon pour commencer à la ressentir.
Objectivement, ce n'est clairement pas une moto destinée à la route à moins de vouloir y laisser le permis, voir pire… Pour prendre pleinement conscience de ses capacités, seul un roulage sur piste sera à la hauteur.
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