Enquête - N’enterrons pas trop vite le diesel !
Et si on avait enterré un peu trop vite le diesel ? Et si nous prenions quelques minutes pour prêter attention à une technologie de pointe, performante et à l’intérêt écologique indéniable ?
Si le salon de Genève avait eu lieu, le grand public y aurait découvert quelques merveilles. Porsche 911 Turbo S ? Bugatti Chiron Pur Sport ? Ferrari Roma ? Aston Martin Vantage Roadster ? Certes, mais pas seulement.
Chez Volkswagen, il y avait notamment la Golf 8 GTD, forte de 200 ch et d’un couple de 400 Nm, dont la particularité est de disposer d’un catalyseur à double dosage d’Adblue. Cela n’a aucune influence sur les émissions de CO2, de toute façon très contenues sur ce type de moteur, mais présente l’avantage de réduire jusqu’à 80% ces vilaines émanations d’oxyde d’azote qui ont tant desservi la cause du diesel.
Chez BMW nous attendait une Série 3 M340d, dont le six cylindres en ligne développe quelques 340 ch - soit à 3 ch près la puissance de la M3 E46 - et, surtout, 700 Nm de couple. Doté d’une micro-hybridation qui peut lui apporter ponctuellement 11 ch supplémentaires, ce bloc ne réclamerait que 6,2 l/100 km en moyenne selon les normes WLTP plus réalistes. Chez Audi, il y avait aussi la S6 TDI Avant, ses 349 ch, son 0 à 100 km/h expédié en 5,1 secondes et ses 6,5 l/100 km.
Mais cessons là l’énumération, pour constater le paradoxe : jamais le diesel n’a été si critiqué, alors que jamais il n’a été plus excitant. Et les modèles intéressants ne sont pas l’apanage des marques allemandes de haut de gamme.
Encore 59% du parc auto français
En 2012, 73% des voitures neuves vendues en France carburaient encore à l’huile lourde. Puis est survenu le dieselgate, lequel a entraîné les réactions en chaîne dont Caradisiac et ses confrères tiennent la chronique régulière. Résultat, on est passé de 73% à 34% l’an dernier, comme à peu près partout ailleurs sur le Vieux continent. La baisse est sensible, mais cela représente encore 748 000 voitures diesel vendues l’an dernier, soit plus de 2 000 chaque jour ! On a connu des mourants moins pimpants.
De fait, le diesel représente encore 59% des véhicules composant le parc automobile français (soit plus de 19 millions de voitures, chiffres de l’INSEE), et cela se retrouve dans les statistiques de distribution de carburant. L’Union Française des Industries pétrolières (UFIP) précise ainsi qu’en 2019, les Français ont consommé 32,8 millions de tonnes de gazole, contre 8,5 l’essence, soit presque un rapport de 1 à 4 !
Pour les constructeurs, une technologie encore vitale
Bien sûr, hors de question de nier ici sa non-adaptation à un usage urbain. Nos petits poumons roses se passent volontiers de ses particules fines (et/ou ultra-fines), de ses Nox (dioxyde d’azote) et de ses fumées noires. Même les pro-diesel l’admettent : « avec les petites voitures, c’est plié. D’ailleurs, ça n’a jamais vraiment eu de sens d’y installer des diesels, à part bien sûr pour celles qui roulent beaucoup », tranche Fabrice Godefroy, dirigeant de l'association Diésélistes de France.
Mais ce dernier de souligner dans le même temps qu’« un diesel, c’est minimum 20% de consommation en moins. Même avec des prix au litre similaires, ça reste plus intéressant pour qui parcourt 20 000 km ou plus par an. Les SUV sont plus lourds et consomment plus.»
D’ailleurs, cette appétence actuelle pour le SUV (et notamment essence) représente un problème en termes d’émissions de CO2. Selon le cabinet spécialisé dans l’analyse du marché auto Jato Dynamics, celles-ci sont reparties à la hausse en 2019 (121,8 g/km en moyenne), et ce pour la première fois depuis 2014 : « comme il fallait s’y attendre, la combinaison de la baisse des immatriculations de diesel et la progression des SUV impacte les émissions. Et nous n’anticipons pas de changement à moyen terme. Cela souligne la nécessité pour l’industrie de développer rapidement les motorisations électrifiées pour atteindre ses objectifs d’émissions de CO2 ».
Malgré cela, développer les moteurs électriques pour répondre aux objectifs fixés par l’Europe (et éviter les sanctions astronomiques pour qui ne respecte pas la règle des sacro-saints 95 g de CO2/km) ne suffira pas à court terme. « Nous pensons que d’ici 2030, les 2/3 des voitures seront encore avec les technologies essence ou diesel. Donc il faut continuer de travailler et améliorer ces technologies de pointe », déclarait à l’automne dernier le patron de Bosch France.
Dans son rapport annuel 2020, Audi précise ainsi noir sur blanc que l’introduction de l’e-tron à motorisation 100% électrique dans sa gamme n’a pu compenser à elle seule les demandes des clients pour des moteurs essence et des SUV par nature plus gloutons en carburant : « un mix diesel plus faible combiné à une part de SUV plus élevée a entraîné une augmentation des émissions de CO2 au cours de l'exercice 2019. »
Sans diesel, point de salut. Et toutes les marques ou presque sont sur la même longueur d’ondes.« Nous sommes convaincus que le diesel continuera d’être un élément-clé de notre offre de motorisations à l'avenir, notamment en raison de la faible teneur en CO2 de ses émissions », renchérit Mercedes dans son document de référence. « Volkswagen continue de considérer la technologie diesel comme un élément important dans la réalisation des objectifs d'émissions de CO2 », résume le groupe VW dans son rapport annuel 2020.
Une voiture, quatre technologies proposées
Dans ces conditions, comment pourrait évoluer l’offre de diesel ? Simple : de plus en plus de modèles vont être déclinés avec plusieurs motorisations différentes...dont du diesel, bien sûr ! Ce que s’apprête à réaliser BMW avec son X3, qui sera le premier modèle de la marque à se voir décliné en quatre motorisations : diesel, essence, hybride rechargeable et 100% électrique.Il suit ainsi la tendance initiée par le coréen Hyundai avec son Kona ou, dans une moindre mesure, par Peugeot avec sa 208, déclinée en essence, électrique et bien sûr diesel.
« Les diesels d’aujourd’hui sont extrêmement performants en termes d’émissions », rappelait récemment Jean-Philippe Imparato, Directeur général de Peugeot, dans une interview à Caradisiac. « Mais la bande passante n’y est plus. Donc les gros rouleurs vont rester en diesel, les urbains en électrique et ceux entre les deux en essence. Voilà en gros ce que les clients sont en train de nous dire. » Et le même d’estimer que le diesel a encore une dizaine d’années devant lui : « le diesel n’est pas fini ! Mais ce n’est pas une question de principe, c’est une question d’usage. C’est fini dans la durée, dans les dix ans. » Dans l’intervalle, il faut donc s’attendre à voir cette technologie progresser, gagner en puissance tout en réduisant ses émissions polluantes.
N’enterrons pas le diesel, donc. Et faisons nos choix d’automobilistes de façon plus raisonnée et en fonction de nos besoins réels. Cela tombe bien, toutes les technologies nécessaires sont désormais disponibles ou en passe de l’être. A commencer par ce bon vieux diesel.
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