Enquête: le bal des casse-pieds
L’automobile, on le sait, est un formidable outil de plaisir et de liberté. Du moins en théorie, car elle agrège aussi une quantité absolument démesurée de nuisances et autres sources d’agacements. Carburant dont les prix flambent, radars qui flashent à-tout-va, garagistes peu scrupuleux ou PV de stationnement délivrés par des agents positifs au cannabis, il y a souvent de quoi manger son volant! Et se poser tout simplement cette question : est-il possible d’être un conducteur heureux ?
A la pompe
Pourquoi ça coince : parce que le litre de gazole coûte 1,46 € en moyenne
Jamais le litre de gazole n’a coûté aussi cher qu’actuellement : à 1,46 € le litre en moyenne (et 1,54 € pour le SP95), le coût du plein atteint des sommets qui ne semblent pas près de baisser. A la hausse de la fiscalité entrée en vigueur le 1 janvier en vue d’équilibrer progressivement les taxations entre gazole et sans plomb, s’ajoutent l’augmentation des marges des distributeurs : +13% pour le gazole depuis le début de l’année, et +25% pour l’essence, d’après l’association CLCV. Seule (maigre) consolation: le carburant pourrait coûter encore plus cher car l’impact de la hausse du baril a été amorti du fait de l’appréciation de l’euro face au dollar…
Au péage
Pourquoi ça coince : jusqu’à 4% de hausse cette année au péage
C’est l’une des constantes du calendrier des automobilistes : chaque 1er février, les péages augmentent. En l’occurrence de 1,3 à 2% cette année pour les grands réseaux, et jusqu’à 4% pour ceux de moindre importance. Les sociétés concessionnaires justifient ces hausses par l’inflation, par le montant des taxes domaniales demandées par l’Etat, et bien sûr par celui des travaux qu’elles réalisent pour maintenir une haute qualité de service.
Moyennant quoi leur chiffre d’affaires s’est élevé en 2017 à 10,17 milliards d’euros, leur assurant de confortables bénéfices. Quant aux usagers, ils râlent mais font preuve de fidélité: le nombre global de transactions a augmenté de 1,4% entre 2016 et 2017.
Assurance
Pourquoi ça coince : parce que les primes s’alourdissent de 2% par an
La hausse du montant de primes d’assurance est une autre constante de la vie automobile, avec là encore des prestataires réputés vivre un peu trop grassement sur le dos des usagers. La douloureuse a augmenté de 2,09% par an en moyenne entre 2010 et 2018, suscitant là encore l’ire d’automobilistes qui font remarquer que l’amélioration des statistiques de sécurité routière aurait plutôt dû entraîner une minoration des tarifs.
Mais les assureurs ont trouvé un coupable : les constructeurs, qui produisent des voitures toujours plus onéreuses à réparer ! Et cette remarque est notamment valable pour les marques françaises qui se montrent particulièrement voraces sur leur marché domestique : d’après une étude d’Insurance Europe, certaines pièces détachées de voitures françaises de grande diffusion coûtent plus cher dans leur pays d'origine qu’ailleurs en Europe ! C’est ainsi qu’un capot de Renault Clio facturé 373 € HT en France coûte 100 € HT de moins en Angleterre, ou qu’un bouclier de Citroën C4 facturé ici 339 HT € passe à 295 € en Allemagne, par exemple !
Des écarts uniquement justifiés par des considérations commerciales, ce qui contribue à faire grimper les prix des réparations, et par conséquence les primes d'assurance. Pour les automobilistes, c’est la double peine.
Au radar
Pourquoi ça coince : parce que les radars automatisés émettent plus de 46 000 PV chaque jour
Les radars automatisés ont généré plus de 17 millions de PV en 2017, pour une recette dépassant le milliard d’euros. Certes, le déploiement de ce dispositif répressif depuis 2003 s’est accompagné d’une baisse drastique du nombre de victimes de la route, ce dont on ne peut que se louer. Pour autant, rares sont les automobilistes éprouvant de la sympathie pour ces véritables pièges à points parsemant nos routes. Et ce n’est pas l’arrivée des contrôles mobiles à bord de voitures privatisées, dont 5 exemplaires roulent depuis peu sur les routes normandes, qui changera la donne.
Les pères (et mères)-la-morale
Pourquoi ça coince : parce que 99,9% de leurs interventions consistent à culpabiliser les automobilistes
Ils sont ces gens que l’on adore détester. Les Jehanne Collard, Chantal Perichon, Claude Got, auxquels s’ajoutent Nicolas Hulot et Anne Hidalgo, font de la culpabilisation de l’automobiliste leur fonds de commerce. Non que l’on remette en doute leur sincérité ou l’attachement à la cause qu’ils défendent, mais ils finissent par agacer par leur propension à saisir toute occasion pour faire la leçon à qui n’est pas « dans la ligne », avec une rigidité psychique et un sens de la nuance comparable à celle d’un radar automatique à l’affût du moindre km/h de trop.
L’un des derniers à en avoir fait les frais est le ministre de l’intérieur qui, après avoir osé laissé comprendre qu’il n’était pas lui-même un fervent partisan du passage à 80 km/h, a subi les foudres de Chantal Perrichon qui réclamait qu’on lui retire illico le dossier de la sécurité routière! Anne Hidalgo, dont on reconnaît que la gestion de la circulation parisienne repose sur une volonté sincère d’améliorer la qualité de l’air, a quant à elle fait preuve d’un sens du dialogue et de la concertation proche du néant dans la gestion de la circulation parisienne, sans résultat tangibles pour le moment.
80 à l'heure (maxi!)
Pourquoi ça coince : parce que les trois quarts des Français y sont opposés
A moins de débarquer d’une autre planète (et encore), vous savez qu’à compter du 1 juillet, les routes bidirectionnelles sans séparateur central du réseau routier secondaire seront limitées à 80 km/h. Une mesure qui suscite une grogne généralisée dans le pays, comme l’illustre ce sondage montrant que 76% des Français y sont opposés, tant pour des raisons pratiques (80, c’est tout de même très lent) que par crainte de voir leur capital de points fondre plus vite encore (déjà plus de 36 000 points retirés chaque jour sur les routes de France, dont 23 000 pour vitesse excessive).
Mieux (ou pire, c’est selon), de nombreux élus locaux s’élèvent contre des mesures qui selon eux ne feront que renforcer l’enclavement de leurs départements. « Plutôt que d’appliquer la réduction de vitesse de manière uniforme, nous proposons qu’elle soit décentralisée au niveau des départements, afin de l’adapter aux réalités des territoires, et qu’y soient associés les acteurs pertinents, afin d’en favoriser l’acceptabilité et l’efficacité », plaident des sénateurs dans un rapport consacré au sujet.
Pas de quoi émouvoir le Premier ministre Edouard Philippe, à l'origine de la mesure. Pourtant, Caradisiac a eu l’occasion de démontrer que l’hôte de Matignon n’était pas lui-même un parangon de vertu en matière de respect des limitations de vitesse.
Les cyclistes
Pourquoi ça coince : parce qu’un tiers des cyclistes grillent les feux rouges
Ah, les cyclistes (surtout parisiens) ! Jamais les derniers à insulter l’ignoble automobiliste-pollueur qui a le malheur de se placer sur leur chemin, et toujours les premiers à prendre des libertés avec le code de la route. D’après le dernier baromètre Axa Prévention, un tiers d'entre eux se permettent de griller les feux rouges (fourchette basse, à notre sens), et 58% empruntent les trottoirs alors que c’est interdit (sauf pour les moins de 8 ans). Tout ça parce qu’ils sont 73% à se sentir en danger sur la route…où eux-mêmes se conduisent souvent n’importe comment!
Le baromètre 2017 des comportements des usagers de la route précise que « plus de 7 % des cyclistes observés dans les grandes agglomérations portaient un combiné en main, une oreillette ou un casque audio ». Bien, les donneurs de leçon !
Les téléphonistes
Pourquoi ça coince : parce que le fait de téléphoner au volant multiplie par 3 les risques d’accident.
Au volant, la règle est simple : on ne décroche pas. Problème, l’usage du mobile est plus difficile à identifier du fait de la généralisation des dispositifs mains-libres. Il n'en reste pas moins que selon le bilan 2016 des comportements des usagers de la route (le plus récent), plus de 300 000 conducteurs ont été sanctionnés de la perte de 3 points de permis pour usage d’un terminal tenu en mains. Il y a donc encore du boulot : le baromètre 2017 des comportements des usagers de la route précise que « le taux d’utilisation par les automobilistes varie de 3,2 % à 4,1 % selon le type de réseau routier. Il est de 5 à 6 % hors agglomération pour les conducteurs de véhicules utilitaires légers et de poids lourds, et dépasse 8 % pour les conducteurs de véhicules utilitaires légers en agglomération. »
Les pots de colle
Pourquoi ça coince : parce que 40% des automobilistes prennent des libertés avec le respect des interdistances
Manque d’affection ? Inconscience ? Les deux ? Toujours est-il que selon Axa Prévention, 40% des automobilistes ont pour habitude de coller les véhicules qui les précèdent, alors même qu’il s’agit d’une infraction sanctionnée de la perte de 3 points de permis (près de 9 500 conducteurs pris sur le fait en 2016). De plus, le non-respect des interdistances est en cause dans 1% des accidents mortels. Arrière toute, donc !
Les pervenches 2.0
Pourquoi ça coince : parce que des PV de 50 € délivrés par des agents positifs au cannabis et/ou non assermentés, ça passe mal.
En vertu de la loi de dépénalisation du stationnement payant, le 1er janvier 2018 est entré en vigueur dans de nombreuses grandes villes le Forfait Post Stationnement (FPS). Ce sont les collectivités locales qui sont désormais compétentes en matière de stationnement payant, et fixent elles-mêmes le montant du FPS remplaçant l'amende pénale à 17€. Mais la mise en place de la réforme ne va pas sans mal.
Rien qu’à Paris, la mise en œuvre des FPS a donné lieu à de nombreux ratages, avec des agents dont les critères de recrutement laissent fortement à désirer, comme en attestent les PV délivrés par des employés non encore assermentés, les bagarres entre agents et policiers, ou bien encore les verbalisateurs positifs au cannabis, à quoi s’ajoutent les faux contrôles organisés pour satisfaire aux quotas de contrôle de stationnement ! Une petite catastrophe, alors même que le montant des amendes atteint des sommets : jusqu’à 50 € en cas de dépassement dans les arrondissements 1 à 11 (et 35 € dans les autres).
Le contrôle technique
Pourquoi ça coince : déjà une hausse de 20% des contre-visites
« Massacre en vue », titrait récemment Caradisiac à l’approche de la date de mise en œuvre du nouveau contrôle technique à partir du 20 mai 2018. Plus difficile, plus long, plus cher, celui-ci a tout pour effrayer les possesseurs de véhicules un peu âgés : on passe en effet de 124 à 132 points de contrôle, et de 411 à 606 anomalies potentielles. Et sur ces 606 anomalies, 467 sont susceptibles d’entraîner une contre-visite. Si cette mesure aura l’avantage d’éliminer nombre de poubelles roulantes, elle promet aussi quelques mises à la casse prématurée, d’autant que la prime à la conversion est censée favoriser le renouvellement du parc.
Un tout premier bilan dressé par les professionnels du secteur indique certes que le taux de contre-visites n’est passé « que » de 18 à 22% sur la période, mais ce chiffre n’a pas une grande signification car il est probable que nombre d’automobilistes ont avancé leurs rendez-vous avant le 20 mai pour minimiser le risque de contre-visites sur leurs bolides.
Les garagistes
Pourquoi ça coince : parce que 43% des automobilistes en ont une image négative
Le garagiste en un peu la bête noire de l’automobiliste, qui le soupçonne a priori de chercher à l’entourlouper d’une façon ou d’une autre. Rien de plus facile en effet que de raconter des salades techniques à quelqu'un qui n'y connaît rien. Résultat, 43% des Français « qualifient les garagistes par des termes péjoratifs voire violents », ainsi que le relève Speedy dans une étude par lui-même commandée à l’institut CSA l’an dernier, et dont Caradisiac s’était fait l’écho. Le manque de confiance et de transparence, à quoi s’ajoutent des tarifs trop élevés, sont les principaux reproches adressés aux rois de la clé de 12.
Toitefois, ces considérations générales méritent d’être nuancées : quand ils parlent de LEUR garagiste, celui qu’ils connaissent et à qui ils confient leur voiture les yeux fermés ou presque, les mêmes Français emploient des termes nettement plus élogieux : 77% d’entre nous ont une bonne image de leur garagiste, et leur taux de satisfaction oscille entre 76 et 94%. L’amour fou, finalement !
Les cartes grises
Pourquoi ça coince : parce que 200 000 CG sont aujourd’hui en attente de traitement
La délivrance informatique des cartes grises, lancée le 6 novembre 2017, devait simplifier la vie des automobilistes et des professionnels de l’automobile dont elle devait accélérer et faciliter les démarches. La demande peut en effet se faire 24h/24 depuis un ordinateur connecté à Internet. Seulement voilà, des bugs informatiques en série ralentissent le processus, à coups de dossiers qui disparaissent et autres demandes de justificatifs fantaisistes. Cela se traduit au moment de la mise en ligne de cet article par un retard équivalant à 9 jours d’activité, soit 200 000 cartes grises (après un pic à 300 000 durant l’hiver). Certes grises / voir rouge / chevaux fiscaux
On aurait pu rajouter au panorama les embouteillages, les feux rouges trop longs, les chantiers routiers qui n’en finissent pas, les nids-de-poules, les piétons qui surgissent au dernier moment, les policiers et gendarmes quand ils se mettent en embuscade avec leurs radars, ou bien encore les politiciens qui nous ont fait acheter du diesel pendant des années pour mieux dénoncer aujourd’hui cette technologie… Mais on n’en sortirait plus, et il était inutile d’alourdir une barque déjà très chargée (les taxes diverses représentant un quart du budget global de l'automobiliste, d'après l'étude annuelle de l'Automobile Club Association). Tout ceci pour dire que l’usage de l’automobile vire le plus souvent à la punition, et qu’il n’y a hélas aucune raison que les choses changent. Serions-nous devenus totalement masochistes ?
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