Enquête - Infiniti : flop ou encore ?
En France, les ventes d'Infiniti, label premium de Nissan, sont au ras des pâquerettes. Caradisiac vous dit pourquoi et a cherché à savoir si l'avenir de la marque était assuré.
Un chiffre témoigne de la gravité de la situation. Entre janvier et juillet 2018, Infiniti a livré 486 voitures en France. Sur la même période, Alpine en a immatriculé… 506 ! Avec un seul modèle, qui plus est un coupé sportif, le français fait mieux que le japonais, qui a pourtant une gamme complète de véhicules.
La comparaison est encore plus cruelle avec les marques premium "conventionnelles". Bien sûr, le trio allemand est intouchable et loin devant, avec dans l'ordre Mercedes (35 821 ventes), BMW (33 794) et Audi (33 824). Mais des firmes qui jouent la même carte d'un haut de gamme au parfum d'exotisme sont bien au-dessus. Volvo enregistre 10 487 ventes, Lexus 3 686. Et que dire en découvrant les 3 103 immatriculations de Porsche…
Un passage à vide "attendu"
Le constat est alarmant, alors qu'Infiniti fête ses 10 ans de présence en Europe. Une décennie, cela peut sembler beaucoup, mais c'est peu à l'échelle de la vie d'un constructeur. Voilà qui pourrait expliquer la situation actuelle d'Infiniti. S'imposer sur le marché du premium automobile est un exercice très difficile, qui demande du temps. Mais cela n'excuse pas tout. Ce qui est inquiétant, c'est que les ventes plongent. La baisse est de 65,6 % entre janvier-juillet 2018 et la même période de 2017. L'année dernière, 1 985 Infiniti ont été écoulées en France, soit déjà un recul de 40 % par rapport à 2016. En Europe, le bilan n'est pas très reluisant, avec 16 625 livraisons seulement, un score toutefois stable par rapport à 2016. On n'est quand même pas loin de la mort clinique.
Du côté d'Infiniti, on se veut rassurant. David Paques, qui représente la marque en France, nous a dit que ce trou d'air était "attendu". Selon lui, le recul des ventes actuel s'explique par un changement de stratégie. Dans l'Hexagone, la marque a mis l'accent il y a quelques années sur les ventes aux flottes et taxis, un "investissement marketing". Cela a permis de mettre des Infiniti dans la rue pour donner un peu de visibilité à la marque. Mais ce ne sont pas des ventes profitables, le constructeur s'est donc réorienté sur les particuliers.
Le niveau est quand même très bas. Le problème est-il la gamme ? Infiniti a une offre assez complète, de la compacte au SUV familial, en passant par le coupé. Bon point, la marque a su mettre en place un style personnel et identifié, fait de courbes. Mais Infiniti ne semble avoir rien de neuf à proposer, un sacré handicap face aux poids lourds bien établis. Le produit manque de valeur ajoutée ou plutôt d'un aspect innovant qui attire l'attention. Par exemple, Lexus a vraiment pris son envol grâce à l'hybridation. Ce peut être la douche froide pour le client quand il se rend compte que la compacte Q30 est une Mercedes Classe A, qui plus est maintenant d'ancienne génération, recarossée.
- Evolution des ventes en France
Années | Infiniti | Lexus | Mercedes |
2012 | 441 | 2.456 | 47.567 |
2013 | 197 | 2.960 | 46.966 |
2014 | 669 | 3.486 | 49.148 |
2015 | 1.139 | 4.457 | 55.377 |
2016 | 3.395 | 5.100 | 62.069 |
2017 | 1.985 | 5.390 | 68.007 |
Seulement 22 concessions
Le gros souci d'Infiniti, c'est évidemment sa discrétion sur le territoire français. Il a d'abord fait le choix d'un réseau totalement indépendant. Pas question d'aménager des coins dans des concessions Nissan, comme peut le faire DS, une manière de bien distinguer les marques. Plutôt bien vu, car cela permet de ne pas dévaloriser le produit. Souvent, chez DS, on doit encore passer devant des C3 et Berlingo avant de voir le DS7 Crossback.
Mais Infiniti ne s'est pas simplifié la tâche. Car le revers de la médaille, c'est que le réseau a été longtemps embryonnaire et reste peu étendu. À ce jour, il n'y a que 22 points de vente. Pas simple donc d'attirer les curieux, encore moins si ceux-ci se rendent compte que chaque passage au garage peut prendre des airs de périple. Pour remédier à ce problème, des ateliers agréés ont été ouverts au sein de garages Nissan et Infiniti met en avant un service de voiturier. Mais à ce jour, le constructeur nous a confirmé qu'il estime "son réseau suffisamment dimensionné, couvrant toutes les agglomérations françaises". Il n'est donc pas amené à grossir.
Cette discrétion sur le terrain participe au manque de notoriété de la marque. Infiniti est peu connu, se faisant notamment discret dans les publicités télévisuelles. Il est plus visible dans la presse papier typée CSP+, clientèle visée en priorité. Le constructeur a toutefois fait un choix étonnant : s'absenter des salons. Comme d'autres, il ne viendra pas au Mondial de Paris en 2018. Mais il ne s'était déjà pas montré au Salon de Genève en mars. Infiniti nous explique qu'il y a "des arbitrages budgétaires". La marque rationalise en fonction de ses lancements.
Un avenir assuré
Aucune présence donc dans un des grands shows européens cette année ! Or, si certains remettent en cause l'intérêt des salons, pour des marques émergentes ceux-ci restent un moyen privilégié de faire connaître. Le visiteur peut s'aventurer sur le stand alors qu'il n'aurait jamais mis les pieds dans une concession du label, et pour ces firmes plus confidentielles, l'effet nouveauté joue moins.
La question que l'on se pose est claire : Nissan compte-t-il arrêter les frais ? David Paques nous l'a dit "l'avenir d'Infiniti est assuré en Europe". Il l'a souligné, la marque est dans une phase de transition et compte prendre un nouveau départ en 2021, date à laquelle sa gamme sera électrifiée, avec des véhicules 100 % électriques, ou e-power (un moteur thermique alimente un bloc électrique). Et David Paques pense que ces nouveaux moteurs vont aider Infiniti à décoller en Europe. D'ailleurs, pour lui "la notoriété vient du produit". Il compte aussi séduire avec l'aspect différentiant de la marque, en quelque sorte son côté exotique.
En attendant sa révolution électrique, Infiniti va petit à petit arrêter le diesel et miser sur l'essence grâce à un inédit moteur à taux de compression variable, inauguré par le nouveau QX50. Mais preuve que le Vieux Continent n'est pas une priorité, alors que ce modèle a fait ses débuts à Los Angeles en novembre 2017, son lancement chez nous n'est pas prévu avant le second semestre 2019. Infiniti le reconnaît, le constructeur "se concentre sur ses marchés puissants, que sont les Etats-Unis et la Chine". Cela a une forme de logique, mais c'est forcément aussi alimenter un cercle vicieux, avec un potentiel en Europe qui continue d'être sous exploité.
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