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Chantal, Claude et les radars

Dans Pratique / Radars

Jean Savary

Jeudi, c’était le vingtième anniversaire du premier radar automatique. Chantal Perrichon et Claude Got ne l’auront pas vécu, ils sont décédés cet été à quelques semaines d’intervalle. Avant de vous dire « bon débarras », s’il vous plaît, lisez ces quelques lignes.

Chantal, Claude et les radars

Je les aimais bien tous les deux. Je ne les ai vus qu’une seule fois chacun, en tête à tête, mais leur ai parlé très souvent au téléphone ou en conférence de presse et à chaque fois, j’étais impressionné par ce qu’ils dégageaient d’humanité, d’empathie et de conviction.

Je sais que ce n’est pas le genre d’aveu à faire sur un site automobile et que je vais me faire massacrer dans les commentaires ci-dessous, au mieux, y lire « bon débarras ! ».
Mais ça ne sera pas grand-chose au regard de ce qu’eux-mêmes ont, de leur vivant, lu et entendu à leur encontre. La présidente de la Ligue contre la violence routière et le professeur de médecine, spécialiste de la sécurité routière ont reçu leur lot d’insultes et de menaces de mort.
Au mieux, ils étaient taxés de fanatiques, d’ayatollahs, et elle en prime, de pleurnicheuse.

Rien n’était plus faux. Lui ne croyait qu’à la science et se gardait de toute passion, de tout débordement, genre de Droopy impassible face à la mauvaise foi – parfois la mienne – qui lui était opposée.

Elle, si elle savait se mettre en colère, ne pleurnichait jamais. C’était son espièglerie, son humour et son sens de la repartie qui frappaient, et parfois au sens propre du verbe, face aux balourds qu’on lui opposait dans les débats.
La LCVR n’était pas une association de victimes, Chantal Perrichon tenait à cette nuance et elle-même n’avait pas perdu de proche sur la route.

Souvent, nous n’étions pas d’accord, elle toujours me poussant à développer mes arguments, à aller au fond des choses, parfois pour constater qu’au fond nous étions sur la même ligne, bien que je ne veuille pas l’admettre.

C’est que j’aimais la voiture, la moto et aussi, forcément un peu, la vitesse…

Elle aussi aimait la bagnole – je crois qu’à un moment, elle a eu une BMW Série 3 - mais elle, elle plaçait la préservation de la vie avant toute chose. Zéro mort, c’était son objectif. Pour moi, une utopie, je pensais qu’il y avait forcément un prix à payer pour cette liberté, ce plaisir, qu’il y aura toujours un prix à payer en vies humaines pour que 40 millions de personnes se déplacent librement, même si OK, faisons en sorte qu’il soit le plus bas possible.

Chantal, Claude et les radars

Rien à moudre de déranger

Pourquoi tant de haine ?

Parce qu’ils touchaient, et même chatouillaient, la corde sensible de l’automobiliste, la vitesse. Parce qu’ils avaient pour cela des arguments irréfutables qu’ils allaient chercher dans les bilans statistiques, les études techniques et les recherches des constructeurs et des laboratoires, jusqu’à l’étranger. Ou dans les gendarmeries et les tiroirs des préfectures quand ils avaient voulu démontrer ce qu’avait réellement coûté en vies humaines le retour des 90 km/h dans certains départements.
À côté de leur base de données, celle de la Prévention Routière, l’association des assureurs, faisait peine à voir.
La différence de la LCVR incarnée par le tandem Got-Perrichon avec les deux organismes précités, c’est qu’eux étaient bénévoles mais surtout n’en avaient rien à moudre de déranger, de perdre des adhérents (et leurs cotisations), ou de s’aliéner des politiques et des lobbys.

Je me souviens qu’en 1990, la Prévention Routière n’était pas chaude bouillante pour passer du 60 au 50 en ville… Bilan de la mesure, fin 1991 : 207 vies épargnées en milieu urbain dont 80 piétons, mais aussi 3 000 blessés graves et 11 000 blessés légers.

Pourquoi tant de haine ?

Parce qu’ils sont à l’origine ou ont milité pour à peu près toutes les mesures prises pour resserrer le nœud coulant du permis à points et nous obliger à changer de conduite.
À eux deux, ils sont parvenus à tordre le bras des politiques pour leur imposer des réformes qu’ils préféraient toujours reporter après la prochaine élection - il y en a toujours une en vue.
Et à la fin, les faits leur donnaient toujours raison, parce qu’à chaque fois, la nouvelle règle pour laquelle ils avaient milité infléchissait la courbe des tués. C’est bien cela qui les rendait incontournables, et pour cela haïssables par la plupart des adorateurs de la Bagnole.

Chantal, Claude et les radars

Ils pédalaient ensemble

Crachez sur leur tombe, mais voudriez-vous revenir aux 60 km/h en ville ? Ne plus devoir porter la ceinture à l’arrière ? Retrouver la belle époque d’avant les radars automatiques, quand on pouvait rentrer de week-end de nuit, à 170-180 km/h à la queue leu leu sur la file de gauche de l’autoroute ? Quand on pouvait tenir 100 de moyenne sur départementales sans vraiment craindre pour son permis ? Sérieusement, ce bon vieux temps des 7, 8 000 ou 12 000 morts par an sur la route, il vous manque tant que ça ?

Vous êtes sûr ? J’insiste, parce que statistiquement parmi vous, les cinq millions de lecteurs de ce site, il y en a quelques milliers qui doivent d’être en vie au tandem Got-Perrichon.

J’écris tandem parce que ces deux-là pédalaient souvent ensemble et Dieu sait qu’ils ont dû se mettre en danseuse pour imposer les radars automatiques à Jacques Chirac et ses conseillers.

Chantal, Claude et les radars

2 000 morts de moins en 18 mois !

Jacques Chirac donc, celui qui en 1981 dénonçait « la fureur avec laquelle on traque les automobilistes au lieu de traquer les gangsters » annonçait le 14 juillet 2002 que la « lutte contre la violence routière » (tiens, tiens…) et « la barbarie » serait une des priorités de son quinquennat. Allaient suivre l’annonce des radars automatiques, de la fameuse « tolérance zéro » et une médiatisation sans précédent des accidents de la route.

L’année d’avant, en 2001, on avait dénombré 7 720 tués ; l’année d’après, en 2003, 5 731. Soit quasiment 2 000 morts de moins en 18 mois, alors que le premier radar automatique n’était inauguré qu’en octobre. On n’avait pas vu diminution si brutale depuis les années soixante-dix avec l’instauration des limitations de vitesse et l’obligation du port de la ceinture.
À la fin de la décennie, les flashs se multipliant, on passait sous la barre des 4 000 morts et la suivante on approchait celle des 3 000.

Certes, aujourd’hui, les boîtes à images ne font plus de miracle, la courbe des tués bute sur un plancher et c’est du côté des distractions et de la fatigue, de l’alcool et des stupéfiants, du téléphone et des écrans qu’il faudrait agir. Mais faut-il pour autant relâcher la pression sur la vitesse ?

C’est à vous de voir : à partir de janvier, on ne perdra plus de points – mais toujours des sous - pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h, en ville comme sur route. Une vieille revendication de 40 millions d’automobilistes et de la Ligue… de défense des conducteurs, souvent combattue par Chantal Perrichon et Claude Got qui avaient prédit qu’elle serait payée « au prix du sang ».

Espérons que cette fois, ils se soient trompés…

Chantal, Claude et les radars

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