Adieu à la Twingo ?
En lisant le compte rendu d'un essai de la Twingo restylée, j'apprends qu'il pourrait s'agir de la dernière du nom. Que se passe-t-il chez Renault ?
Il se passe que les constructeurs ne gagnent plus guère d'argent avec leurs petites citadines et les clients s'en détournent au profit des polyvalentes format Clio ou 208, guère plus chères. Ce que rappelait Michel Holtz ici. Et puis Smart vient d'annoncer l'abandon de sa ForFour construite dans la même usine sur la même plate-forme que la petite Renault, ce qui renchérirait le cout de développement de sa remplaçante. Bref, la Twingo a beau profiter de la prime à la conversion, elle vit peut-être ses derniers feux.
Certes, mais n'empêche comme disait Lao Tseu.
Une voiture simple et géniale
La Twingo, ce n'est pas qu'une référence au catalogue Renault. Et c'est aussi autre chose qu'une toute petite voiture telle la Up de VW ou les triplées de PSA et Toyota, bientôt abandonnées elles aussi.
La Twingo - je parle de la première - c'était une voiture simple et géniale au style impérissable comme il s'en produit une ou deux par décennie. Et avec ça un charme fou et dénuée de toute prétention. "C'était", hélas, car il n'en reste rien.
La deuxième l'a littéralement trahie en abandonnant toutes ses vertus et particularités pour se transformer en petit machin quelconque au style insipide et aux prestations standards.
Quant à la troisième - et peut être dernière - elle en prit le parfait contrepied en devenant un sympathique joujou urbain, ni logeable ni pratique, dont l'unique talent consiste à négocier -impeccablement il est vrai - des créneaux.
Sont-ce les acheteurs qui se détournent de la Twingo ou la Twingo qui s'est détournée d'eux ?
Révolutions françaises et évolutions allemandes
Pourquoi Renault n'a t-il pas su suivre le sillon et exploiter le filon ? Au début des années 90, mon rédac chef m'expliquait que seuls les allemands savaient peaufiner, génération après génération, un modèle, le faire évoluer sans trop le transformer, jusqu'à créer de véritables icones comme la Porsche 911, la VW Golf ou la Mercedes Classe S.
Alors que nous, français, incorrigibles révolutionnaires, ne savons nous empêcher de retourner la table pour repartir d'une page blanche, comme si chaque responsable de projet voulait faire oublier le travail de son prédécesseur ou lui faire honte. Avec à l'arrivée, des modèles souvent oubliables et parfois - rarement - novateurs, voire géniaux.
La vraie remplaçante de la 2 CV
La Twingo 1 était de ceux-là. La vraie remplaçante de la 2CV, au minimum celle de la de la 4L.
Une voiture qui a su toucher toutes les générations, trouver sa place à la ville comme à la campagne et acquérir très vite un formidable capital de sympathie. La Twingo, c'était la France des années 90-2000, partout dans le paysage. Aujourd'hui encore, aucune petite voiture ne donne une telle sensation d'espace, aucune ne sait se plier à autant d'usages.
Que pouvait-on lui reprocher pour ainsi la trahir ? Personnellement, à part cinq centimètres de largeur en trop et cinq autres manquant à sa garde au sol dans les congères et les chemins de terre, je ne voyais pas.
A son procès, pour justifier le lancement de l'étron qui en reprit le nom, on accusa la vieille, épuisée par ses quatorze ans de carrière, de ne pas s'être assez bien exportée. Certes, mais la 2CV des débuts ne fit pas mieux. Et aussi de ne pas être assez virile pour la clientèle masculine ; comme si la Twingo 2 allait faire se dresser les poils des mâles. Et enfin, d'avoir une forme incompatible avec l'évolution des crash test. Argument qui vaut celui de la rage pour qui veut noyer son chien...
Bilan de ces arguments imparables, la Twingo est rentrée dans le rang et Renault s'apprête à rayer son nom de la gamme.
Comme si ceux de l'Astrakan, pardon de l'Alaskan, de la Twizzy, du Koléos, du Kadjar ou de la Talisman (celui là, j'ai du le retrouver sur Google) suffisaient à la grandeur du Losange. Que restera t'il à Renault à part la Clio, le Scénic et la Mégane ? Je ne parle pas de l'Espace, l'autre icone de Renault qui, à partir des mêmes puissants raisonnements, fut transformé en improbable limousine-SUV-break avec le succès que l'on sait.
D'accord, ce n'est pas un billet d'humeur, c'est un billet d'amour et n'y cherchez aucune objectivité. J'aime la Twingo, j'y ai des souvenirs comme on dit d'un pays aimé.
Des souvenirs qui disent de quoi elle était capable. A son volant, j'ai transporté le contenu d'un appartement (certes en plusieurs fois), ramené d'urgence des Alpes à Paris trois copains et leurs bagages à une allure inavouable aujourd'hui - je "pilotais" la version 75 ch.
Et surtout traversé, en unimprobable raid en boucle de trois semaines l'Afrique du Nord par le désert et l'Europe de l'Est par les Balkans, 12 000 km de mémoire.
Un jour, quand j'aurais l'âge de décorer ma nostalgie, je m'offrirais une Twingo 1, comme les vieux d'aujourd'hui se payent une 2 CV à 12 000 €. Ce jour là, elle sera devenue une voiture de collection et justice sera rendue à ses inventeurs.
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