À Paris, à vélo, on tasse les autos
Le projet de RER Vélo va se heurter à une réalité sociologique et météorologique : en France, la plupart des cyclistes ne pédalent que par beau temps. Faut-il engorger tout le trafic pour un mode de transport qui fonctionne six à huit mois par an et trois ou quatre heures par jour ?
C’est parti pour le RER-V, V pour vélo, dernière promesse de Valérie Pécresse, candidate aux régionales en Île-de-France et largement favorite. Quelle que soit l’issue de l’élection, cette vieille revendication des écolos au tracé depuis longtemps dessiné est désormais assurée d’aboutir.
Cinq lignes principales et 650 kilomètres de pistes cyclables dont 45 % reprendraient des tracés existants, ce réseau permettrait de relier aussi bien Cergy-Pontoise à la Défense que Roissy à la Gare du Nord. Typiquement français, ce réseau voit grand et… en étoile avec Paris au centre : on pourra aller de Versailles ou de Saclay à Paris (20 et 15 km), mais pas de Saclay à Versailles (12 km)…
J’entends déjà les critiques : 30 kilomètres – et 170 mètres de dénivelé - de Cergy-Pontoise à Paris ! Presque deux heures d’après Google Maps ! Certes, mais si l’on n’habite et ne travaille pas à côté d’une gare, le bus+train+bus+marche ne fait pas beaucoup mieux. Et en voiture, c’est selon : de 1h30 aux heures de pointe à… 3 h un jour de pluie et de bouchon.
Mais de toute façon, les lignes du RER-V seront plus souvent empruntées pour des trajets bien plus courts, de type Nanterre-Sartrouville (10 km) ou Chatou-Porte Maillot (12 km).
Comment ne pas être un apôtre du vélo ?
Vous l’aurez compris, le vélo, je suis pour.
D’ailleurs, comment être contre ce modeste et merveilleux engin qui, au prix de quinze ou vingt kilos de métal, démultiplie l’effort de l’homme (et de la femme…) et quadruple son autonomie sans émettre le moindre polluant. Une machine qui désormais assistée électriquement permet de longs déplacements sans fatigue et, en ville, bien plus rapidement qu’en voiture. Sur un VAE cargo, on transporte deux enfants ou 15 à 20 kg de course et on ne cherche jamais une place pour se garer.
Des années durant et par tous les temps sauf neige et verglas, j’ai transporté mes enfants à vélo à l’école et à leurs activités et casé 80 % de mes courses sur ses porte-bagages et dans ses sacoches.
Puis ils ont grandi, pris du poids, une soudure du porte-bagages a lâché, j’ai déménagé plus près des commerces et des écoles, on m’a volé mon vélo et son remplaçant ne me sert plus qu’à de rares déplacements solos et aux promenades en famille.
Il n’empêche, je reste un amoureux de la petite reine, convaincu qu’en ville, elle devrait être la norme et l’auto l’exception.
Le vélo, c’est comme les éoliennes : alternatif…
Mais dommage, ce n’est pas aussi simple que ça et je ne crois pas à cette manière dont on veut nous l’imposer.
L’idée de RER vélo est excellente mais le projet utopique.
Tout simplement parce qu’en France, le vélo est un moyen de transport alternatif. Comme les énergies alternatives - les éoliennes qui ne tournent pas sans vent (ni avec trop de vent) et les panneaux photovoltaïques qui ne débitent rien de nuit et pas grand-chose sous les nuages – le vélo est chez nous totalement dépendant de la météo.
En Île-de-France, la preuve en est faite après chaque Toussaint : quand la température passe sous les 10 ou 12 °C, les pistes cyclables se dépeuplent, et encore de 10 % supplémentaires à chaque degré perdu.
Et même après Pâques : qu’il pleuve ou qu’un coup de froid survienne et on assiste au spectacle désolant de ces larges couloirs désertés avec à côté, avançant au pas sur des kilomètres, des voitures tassées sur une seule file. Au volant je le parie, bien des cyclistes de beau temps…
Car contrairement au scootériste qui s’est équipé et circule désormais 12 mois sur 12, le cycliste français, lui, pédale en dilettante, à croire que la cape de pluie, le casque à écran et les gants fourrés ont été brevetés à l’usage exclusif des Hollandais et des Danois…
Idem en été : au-dessus de 30 °C, les vélos restent à l’ombre : le Parisien ne mouille pas la chemise.
On va travailler à vélo, on ne travaille pas à vélo
Que les pistes cyclables ne servent que six à huit mois sur douze ne serait pas un problème si on n’avait pas, pour les isoler des engins motorisés, réduit à ce point la place dévolue à ces derniers. Résultat, même si le trafic automobile diminue dans presque toutes les métropoles depuis des années, la congestion augmente et la pollution ne diminue guère malgré des voitures toujours plus propres.
Après le déconfinement du printemps dernier, les quais de Seine à hauteur de Boulogne ont été aménagés en « Corona piste », une seule file restant au trafic motorisé. Résultat, cet axe majeur est devenu un piège, impraticable de 7 à 21 heures tant il est embouteillé. Pourtant, en dehors des heures de pointe, extrêmement peu de vélos y circulent : quelques sportifs habillés Tour de France rejoignant le bois de Boulogne, un coursier parfois.
C’est qu’à l’exception de ce dernier, le cycliste va travailler à vélo, mais ne travaille pas à vélo. Et pour tous ceux qui tiennent un volant non par vice ou fainéantise mais par obligation professionnelle - livreurs, artisans, commerciaux, ambulanciers, taxis, VTC, services d’intervention -, la sanction d’un espace de circulation divisé par deux est terrible : l’enfer du surplace.
Bref, pour des usagers qui circulent six ou huit mois par an et dans un créneau de trois à quatre heures par jour, on a pénalisé tous les autres.
Et je crains que le développement promis partout de giga pistes cyclables ne devienne une excuse pour ne point trop investir dans les transports en commun des métropoles qui en manquent – ce n’est certes pas le cas en Île-de-France – et un nouveau prétexte pour brimer tout ce qui comporte un moteur, fût-il électrique.
La solution serait peut-être de faire se rencontrer vélo et télétravail : on n’irait plus au bureau quand il pleut, seulement quand il fait beau, et à vélo…
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