Le simple fait de se glisser au volant d’une voiture frappée du Cavallino représente toujours un moment fort, mêlant l’excitation à l’appréhension. En effet, deux chiffres invitent ici à la circonspection : les 740 ch sous le pied droit évoqués plus haut, auxquels s’ajoute le prix de vente de 275 386 €. Pour autant, impossible de résister plus longtemps au gros bouton rouge implanté dans la partie inférieure gauche du volant, celui comportant l’inscription « Engine start », dont vous savez qu’il va vous transporter dans l’instant dans une autre dimension automobile. Vous vous exécutez sans plus attendre, tympans en éveil pour guetter la moindre nuance du puissant râle qui signe la mise en marche du V12, un micro-évènement en soi qu’il est difficile à décrire, mais dont on peut préciser qu’il a le pouvoir de stopper les conversations et d’aimanter les regards 200 mètres à la ronde.
Pour le conducteur, c’est le moment de prendre l’air aussi détaché que possible et d’enclencher la première vitesse par l’intermédiaire de la palette implantée à droite derrière le volant, alors que celle de gauche sert à rétrograder. Dès les premiers mètres, mode Sport (idéal au quotidien) enclenché sur le manettino qui prend lui aussi place sur le volant, cette voiture surprend par… sa docilité, pour ne pas dire sa facilité de conduite. N’était un gabarit hors normes imposant une attention redoublée, la F12 se montre aussi douce et prévenante qu’une Renault Clio dans la circulation urbaine. Notez au passage qu’en adoptant le stop&start, le V12 annonce une réduction de ses émissions de CO2 de 30 % par rapport à celui de la 599 GTB. Ainsi parée, la F12 évolue sur un filet de gaz entre deux feux rouges, dans une souplesse assez inattendue de la part d’un tel engin. Magie de l’électronique, qui calme les plus rétives des montures ? Sans doute. Mais aussi et surtout belle démonstration de savoir-faire de la part des ingénieurs, qui prouvent qu’une voiture de cette trempe n’a pas besoin d’être inconduisible pour impressionner. Au contraire, même, et l’on apprécie dans le même temps l’ergonomie sans faute du poste de conduite, avec l’essentiel des commandes - même les clignotants et les essuie-glaces - regroupées sur le volant (ou à sa proximité immédiate).
Mais voici que l’horizon se dégage, et que le pied s’alourdit. A mesure que l’aiguille grimpe à l’assaut du compte-tours et que les omoplates s’incrustent dans les dossiers de sièges, le conducteur goûte une félicité intense, que peu d’automobiles peuvent délivrer, et qui justifie finalement sans grande peine le tarif démesuré évoqué plus haut. Concentré d’énergie pure, la F12 rejoint le moindre point à l’horizon en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, et ceci dans une symphonie mécanique - voire organique ! - à la richesse et la variété incomparables, dans laquelle graves et aigus se combinent pour constituer un merveilleux concerto. Aussi rageur à l’approche de la zone rouge que civilisé à bas régime, le V12 trouve en la boîte automatique double embrayage à 7 rapports une compagne idéale, semblant devancer les désirs de son « pilote » tellement elle réagit rapidement, même et surtout en mode manuel ! Quant au comportement routier, il est apparu bien difficile à prendre en défaut, même si la combinaison d’une largeur hors du commun, d’une direction ultra-directe et d’un train avant incisif pourra parfois surprendre dans les enchaînements serrés. Ceci posé, la F12 repousse loin, très loin, les limites de l’adhérence, et il en résulte un sentiment de confiance à peu près inaltérable envers cette incroyable auto, laquelle fait également preuve d’un étonnant confort d’amortissement. Au besoin, il suffit d’activer la fonction « bumpy road » au volant pour bénéficier d’un amortissement assoupli, la bête avalant alors les inégalités de la chaussée avec une étonnante facilité. Rassurante, la F12 l’est aussi par l’action de ses freins carbone-céramique, aussi mordants qu’endurants, et dont le refroidissement peut être augmenté, au besoin, par l’ouverture automatique des ouïes latérales du bouclier avant. Précisons que 131 mètres suffisent à passer de 200 à 0 km/h, soit 7 mètres de moins qu’une 599 GTB.
Comme Ferrari sait recevoir, notre essai s’achèvera par trois tours sur la piste de Fiorano. Et comme Ferrari sait recevoir (bis repetita), il n’infligera pas aux journalistes l’humiliante épreuve du chronomètre : après une minute et vingt-trois secondes, même avec le couteau entre les dents, votre serviteur était encore loin d’avoir bouclé un tour… Si la F12 doit bien évidemment être considérée comme une formidable GT et non comme une bête de circuit, où son gabarit et son poids élevé dans l’absolu la desservent forcément, il n’empêche qu’elle s’y montre diablement à l’aise. Alors, surdouée ? Nous vous laissons le soin de deviner notre réponse.
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