Les anglophones la nomment « road rage ». Chez nous, il s'agit simplement d'agressivité au volant. Elle concerne ces conducteurs qui, dès lors qu'ils sont contrariés par l'action d'un congénère, éprouvent des émotions si fortes qu'ils ne peuvent les réfréner. Enervés, ils vont parfois jusqu'à se mettre en danger, et à mettre en danger les autres, pour se venger.
Leon James est professeur de psychologie à l'Université de Hawaï. Durant des années, il a étudié l'agressivité ressentie par les conducteurs et a tenté de mettre en évidence ses mécanismes. Pour lui, il est essentiel de sortir de l'idée selon laquelle le nombre croissant de voitures, et donc l'augmentation du stress, serait responsable de cette colère. Pour lui, les campagnes de prévention et l'amélioration des infrastructures ne sont pas efficaces dans ce domaine ; c'est tout une culture de l'agressivité qu'il faut modifier.
Dans un papier intitulé « L'agressivité sur la route, une habitude culturelle », il explique que « la voiture n'est pas seulement un objet, esthétique et ostentatoire. C'est également un objet culturel et psychologique, associé aux dynamiques émotionnelles et mentales du conducteurs, à notre ego. Les voitures sont des extensions de nous-mêmes », et poursuit en affirmant que « l'automobile nous offre un moyen d'exercer une contrôle direct sur notre environnement. Quand nous entrons dans l'habitacle nous l'utilisons comme un exutoire permettant de regagner un sentiment de contrôle. Les automobiles sont puissantes, et obéissantes. Elles répondent instantanément et de façon gratifiante à nos commandes, nous apportant un sentiment de bien-être découlant de la prise de pouvoir sur l'environnement ».
« Que se passe-t-il lorsque quelqu'un contrarie notre sentiment de liberté ? » demande-t-il ensuite. « Par exemple, alors que vous conduisez le long d'un groupe de véhicules, une voiture de la file de gauche s'élance soudainement dans votre file juste devant vous. Votre pied se soulève automatiquement de l'accélérateur et vient toucher le frein, juste assez pour maintenant une distance. A ce stade, les conducteurs agressifs se sentent contrariés parce qu'ils ont été obligés d'interrompre ce qu'ils étaient en train de faire. Ce conducteur vous a obligé à lever votre pied de quelques centimètres. « Quel imbécile ! ». Vous sentez une explosion de fureur en vous, vous pouvez même commencer à transpirer. Vous attrapez le volant plus fermement. Maintenant arrive le moment décisif : vous pouvez laisser l'émotion s'éteindre, ou vous pouvez l'alimenter avec des pensées indignées et rancunières. Les conducteurs agressifs ne laissent pas l'émotion momentanée mourir d'elle-même ».
Le monde moderne impose à chacun un rythme de vie épuisant, où nous devons avancer sans cesse ; nous poursuivons nos objectifs sans nous arrêter, estimant que la poursuite notre propre intérêt est juste et ne saurait être entravée. Ainsi, pour Leon James « le fait est que la conduite agressive est une norme culturelle parce que notre culture tolère l'expression de l'hostilité lorsque nous nous sentons lésés ». La frustration génère ainsi une hostilité qui peut rapidement se transformer en véritable haine. C'est donc tout un apprentissage dans la gestion de nos émotions qu'il convient de revoir pour mettre fin à l'agressivité au volant.
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