Depuis hier vous pouvez trouver dans votre station service préférée un magnifique nouveau carburant à la fois écologique et moins cher qui remplacera avantageusement le dégoûtant SP95 que vous utilisiez jusqu’à maintenant. Mais est-ce aussi simple ?
Le SP95-E10 est plus écolo
Tous les éléments commerciaux nécessaires sont réunis pour présenter le SP95-E10 comme écologique. D’abord, parce qu’il a un joli logo vert, et ensuite parce qu’on en parle comme d’un biocarburant, et qui dit bio, dit écolo. Sauf que le SP95-E10, comme son nom l’indique, n’est composé que de 10% d’éthanol d’origine végétale, les 90% restants provenant de la filière pétrolière classique. "Oui, mais c’est mieux que rien" me direz-vous. Certes, mais le SP95 classique comprenait déjà 5,75% d’éthanol. "Oui, mais c’est mieux que rien de rien". Pas sûr non plus.
L’éthanol utilisé dans les carburants a comme avantage écologique principale d’être une énergie renouvelable, qui permet une réduction à l’échappement du CO2 d’origine fossile, en le mélangeant avec du SP95, de l’ordre de 6%. Mais nous en sommes cependant toujours qu’à la première génération, c'est-à-dire qu’il est produit à partir de matières premières telles que céréales et sucre issu de la betterave. La production à grande échelle de celui-ci demande donc l’emploi de méthodes agricoles industrielles agressives ne méritant pas le qualificatif d’écologiques telles qu’irrigation massive et utilisation d’engrais et de pesticides à foison. De plus, l’éthanol ne peut pas être transporté via des pipelines, et doit donc être déplacé obligatoirement par camion citerne, source de pollution supplémentaire. Au final, "pour une tonne de pétrole économisée, les agrocarburants en consomment au moins autant pour être produits" selon Sébastien Godinot, de l'association Les Amis de la Terre. Sans parler de l’aspect moral qui entre en jeu à l’idée de produire du carburant à partir de produits comestibles : "Pour faire le plein d’un 4x4 ; il faut 250 kg de céréales, soit les rations d’un homme pendant un an" selon France Nature Environnement.
L’éthanol de seconde génération, dit cellulosique car réalisé à partir de déchets de végétaux, résout à la fois le problème alimentaire et de pollution durant sa production et son arrivée n’est estimée qu’à dans deux ou trois ans, selon Jérôme Frignet, spécialiste des biocarburants chez Greenpeace. Mais nous n’avions visiblement pas le temps d’attendre. Arnaud Gossement, porte-parole de France Nature Environnement, lui, ne mâche pas ses mots, et décrit le SP95-E10 comme "une arnaque, c'est clairement une opération marketing".
Le SP95-E10 est moins cher
Le SP95-E10 devrait coûter de 1 à 3 centimes d’euro moins cher au litre que le SP95. Mais à cause de qualités énergétiques moindres, la consommation se trouve augmentée de 3% selon Greenpeace. Mais ce n’est pas tout. Les betteraviers envisagent de demander une augmentation de l’aide fiscale pour atteindre 210 euros par mètre cube produit, ce qui aboutira à une aide totale de 213 millions d’euros prise indirectement dans la poche du contribuable.
Mécaniquement, le SP95-E10 pourrait aussi vous coûter très cher si vous ne respectez pas les préconisations. A cause de son caractère plus corrosif, raison pour laquelle il a été interdit en Allemagne, seuls les véhicules produits après 2000 sont compatibles, ce qui représente 60% des véhicules essence en circulation, et 9 millions de voitures en tout. Pour savoir si votre véhicule peut rouler au SP95-E10, consultez le site du ministère du développement durable en cliquant ICI.
Le SP95-E10 est disponible partout
Hier, jour de lancement de l’E10, 200 stations-service le proposaient sur les 12 700 réparties sur le territoire français. Car en plus de ne pas satisfaire les écologistes, ce nouveau carburant n’enchante guère non plus les pétroliers eux-mêmes, qui doivent faire face à des difficultés techniques supplémentaires pour le distribuer.
Ainsi, aucune station portant l’enseigne Esso, Shell ou Intermarché n’en offrait hier. Le chemin sera donc long pour atteindre l’objectif de 70% de stations proposant de le SP95-E10 d’ici à la fin de l’année qu’espère atteindre l'Union française des industries pétrolières, avant l'arrêt de la commercialisation du SP95.
Le SP95-E10 n’est donc parti que pour faire deux heureux : d’un côté les lobbies céréalier et betteravier qui se frottent les mains face à ce marché gigantesque qui s’ouvre devant eux, et les signataires du Grenelle de l’environnement, qui prévoyait l’incorporation de 7% d’éthanol dans tous les carburants d’ici 2010. La planète, elle, attendra.
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