La fin des PV de stationnement (à 17 euros), prévue pour le 1er octobre 2016, ne se limite pas seulement à la prédiction d'une augmentation des tarifs en général du stationnement en villes, ainsi que des amendes à régler en cas de non-paiement. Elle représente surtout un changement radical dans la conception même de la sanction. C'est « un bouleversement, c'est certain » pour Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le code de la Route, qui voit aussi dans la mise en place de cette nouvelle loi « des dispositions bien hypocrites ».
Aujourd'hui, quand un véhicule est garé sur une place de stationnement payant sans que celle-ci n'ait été (correctement ou totalement) payée, une seule sanction s'applique partout en France et au même tarif : le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule pris ainsi en faute écope d'une contravention à 17 euros. Qu'il se soit stationné à Dijon, Toulouse ou Grenoble, quel que soit le lieu, il s'agit d'une infraction au code de la Route, qui relève du droit pénal. Le propriétaire de l'auto a alors 45 jours pour régler sa contravention. Et en cas de non-paiement dans les temps, l'amende est majorée à 33 euros.
Une toute nouvelle sanction
Avec la réforme en cours, il est pronostiqué que le prix des amendes, qu'il faudra appeler forfaits de post-stationnement (FPS), va fortement grimper. On parle de plus de 40 euros à Paris, et surtout de plus de 90 euros en cas de majoration, quand le règlement du FPS ne sera pas intervenu dans les temps (soit trois mois). En effet, une majoration d'au moins 50 euros – c'est un minimum ! – s'imposera dès lors, selon le décret d'application paru il y a une semaine pour encadrer cette réforme.
Mais ce qu'il faut retenir surtout, c'est que tout ça n'est possible que parce que les règles qui s'imposeront en cas de stationnement impayé ne seront plus dictées par la loi pénale. Il s'agira d'une sanction administrative qui répondra à une toute autre logique. Sauf que pour Me Tichit, là où c'est hypocrite, c'est qu' « il ne suffit pas de changer tous les termes pour modifier la nature même de cette faute », soit de l'infraction d'aujourd'hui. Or, sur bien des points, la réforme ressemble à un copier-coller grossier de ce qui existe aujourd'hui en « version droit pénal ». Et en même temps, la procédure paraît encore plus complexe !
Pour contester les futurs FPS, « une multitude de délais, applicables à différents échelons, seront notamment à connaître et à respecter, et je ne vois vraiment pas comment les usagers vont réussir à s'y retrouver ! », déplore Caroline Tichit.
Un véritable casse-tête !
Alors en pratique, comment cela se passera (cf. notre croquis récapitulatif de la nouvelle procédure ci-dessus) ? Il y aura quand même quelques nouveautés, que l'on pourrait résumer en cinq points :
- Le paiement seulement incomplet à l'horodateur sera pris en compte. Dans ce cas de figure, les futurs FPS ne s'imposeront pas intégralement, mais leur montant sera « réduit, s'il y a lieu, du montant de la redevance de stationnement déjà réglée au vu du dernier justificatif », dixit le décret du 20 mai.
- Ces FPS pourront être apposés directement sur le pare-brise des véhicules ou envoyés par voie postale, comme aujourd'hui. Mais ils pourront aussi l'être par voie dématérialisée ! Soit par exemple par mails.
- Le contrôle de la voirie pourra être confié par les collectivités territoriales à des entreprises privées. Et c'est l'ensemble de la chaîne – ou presque – dont elles pourront s'occuper : établissement des FPS (en intégrant numéro d'immatriculation, heure et adresse de la constatation de l'absence ou de l'insuffisance de paiement, etc., comme le font aujourd'hui les contractuels pour dresser un PV), transmission des informations à un établissement public spécialisé de l’État qui se chargera d'envoyer les FPS aux titulaires des certificats d'immatriculation concernés. Enfin, les prestataires privés pourront également se charger de la première partie des éventuelles contestations des propriétaires mécontents, ce que l'on appellera Rapo pour Recours administratif préalable obligatoire (cf. notre schéma ci-dessus).
- Le règlement des FPS ne vaudra pas reconnaissance de la faute, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui avec les PV. D'ailleurs, mieux vaudra régler d'entrée de jeu la note, même dans le cas où une contestation serait envisagée. Au final en effet, cette procédure de contestation ne pourra aboutir sans ce paiement préalable. « Une exigence qui ressemble à s'y méprendre à la consignation, formalité obligatoire pour pouvoir contester un PV radar », rappelle Me Tichit. « Tout est ainsi mis en place pour limiter au maximum les réclamations ». Et attention, car si le délai de trois mois sans paiement est dépassé, c'est bien le FPS majoré (FPS + 50 € au minimum) qui sera réclamé.
- Une toute nouvelle juridiction administrative est créée : la commission du contentieux du stationnement payant. Mais avant de pouvoir y accéder, il sera donc nécessaire de présenter dans un délai d'un mois après la notification du FPS un Recours administratif préalable obligatoire (Rapo) devant la commune concernée. Et sans réponse de celle-ci dans un délai d'un mois, il faudra comprendre que le Rapo a été rejeté. Un rejet qui pourra alors être contesté, à nouveau dans un délai d'un mois, devant la nouvelle commission du contentieux du stationnement payant. Mais à partir de quel moment exactement courront ces multiples délais ? D'ores et déjà, « il faut se préparer à un véritable casse-tête », prévient avec insistance Me Tichit. Ça promet...
Il reste encore des inconnues car un décret d'application encadrant cette procédure contentieuse n'est pas encore sorti des tuyaux. Aujourd'hui, la peine maximale au tribunal à la suite d'une contestation d'un PV de stationnement s'élève à 38 euros. A combien les usagers contestataires pourront être condamnés au final avec cette réforme ? On devrait être fixé dans très peu de temps. A suivre...
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