Est-ce que vous pourrez bientôt vous rendre à votre travail ou aller en vacances sans avoir à conduire votre voiture ? Vous ne serez ainsi plus conducteur mais passager et votre véhicule agirait tout seul. Caradisiac a rencontré le scientifique Michel Parent pour avoir des réponses. Le futur nous réserve bien des surprises !
Lors de la conférence intitulée " Y a-t-il un pilote dans la voiture ?" au Musée des arts et métiers, ayant pour thème la voiture automatisée, Caradisiac a demandé à Michel Parent, le directeur du programme de recherche de l’INRIA (l'Institut national de Recherche en Informatique et en Automatique), de nous dresser le bilan des avancées technologiques.
Aujourd’hui, quels sont les dispositifs d’aide à la conduite ?
Le GPS, l’ABS, l’assistance au parking, la maîtrise des distances sont actuellement des outils d’assistance qui permettent d’assurer le confort et la sécurité de l’automobiliste et des passagers. Ainsi, la machine et l’homme sont complémentaires mais le conducteur domine toujours son véhicule : c’est lui qui actionne les commandes et la voiture lui obéit.
Justement, est-ce qu’un jour la machine sera entièrement autonome ?
En effet, pour les scientifiques, cela paraît de plus en plus probable car les progrès effectués ces dernières années sont fulgurants. Le Darpa Grand Challenge en est la preuve. Cette course pas comme les autres a été organisée le 8 octobre 2005, dans le désert Mojave (Nevada), sous l’égide de l'Agence pour la recherche du département de la Défense américain (Darpa). Sur la ligne de départ, 23 véhicules sans pilote qui sont en fait des robots totalement autonomes. Le challenge : ils doivent parcourir 200 km en moins de 10 heures sans aucune intervention humaine. Les coordonnées du parcours n’ont été divulguées que quelques heures avant le départ : les équipes qui ont conçu ces robots ont dû les programmer rapidement. Le parcours est ponctué de capteurs et d’obstacles en tout genre. 4 véhicules ont terminé la course et ont respecté le parcours. C’est un exploit extraordinaire ! Celui qui a emporté la course s’appelle Stanley, il n’a mis que sept heures pour franchir la ligne d’arrivée ! Il a été réalisé par une équipe d'étudiants et de professeurs de l'Université de Stanford (Californie).
Il faut savoir que l’objectif de Darpa est de mettre en place des véhicules sans pilote pour épargner des vies sur les champs de bataille, au même titre que les dromes, des avions sans pilote utilisés pendant les guerres. Ce pari réussi montre la possibilité d’une entière autonomie d’une machine, programmée par l’homme mais qui n’a pas besoin de son intervention pendant son fonctionnement.
En Europe, existe-t-il des projets prometteurs ?
Oui, bien sûr et d’ailleurs en France, il y a des projets très prometteurs ! Depuis plusieurs années, l’INRIA mène des expérimentations et proposent des innovations technologiques qui préfigurent ce que sera déjà l’automobile de demain. L'INRIA a proposé en partenariat avec d'autres centres de recherche et avec des industriels, un grand programme de recherche sur les véhicules urbains automatiques à la Commission Européenne. Le programme a été divisé en un volet technologique "cybercars", et en un volet socio-économique "cybermove".
Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?
Les cybercars, développés depuis une dizaine d'années à l'INRIA, sont des véhicules publics qui sont mis à la disposition des usagers pour aller d'un point à un autre. Electriques ou hybrides, partiellement ou entièrement automatisés, ces parents éloignés de la voiture classique (le mode automatique peut coexister avec un mode manuel traditionnel) sont aujourd'hui technologiquement au point. Issus le plus souvent des technologies de robotisation, les cybercars sont virtuellement guidés par des clous magnétiques, par des repères optiques, par GPS, ou encore par un magnétoglisseur, un rail magnétique invisible. L'environnement urbain dans lequel ils se déplacent est introduit dans l'ordinateur de bord. L'ordre est donné au véhicule par un système de gestion central suite à un appel d'un client, d'aller d'un point A à un point B (visualisé sur l'écran de contrôle). Le véhicule électrique se rend sur le chemin le plus court vers sa destination, jusqu'à ce qu'une voiture ou un piéton par exemple s'oppose à son parcours. La détection s'effectue alors grâce à un système de lasers ou de caméras : le véhicule stoppe une fois l'obstacle détecté, éventuellement le contourne et reprend tranquillement sa course programmée. Les cybercars sont initialement conçus pour de courts trajets à faible vitesse en site urbain ou privé. A plus long terme, ils pourraient également rouler à grande vitesse sur des pistes dédiées. Une fois l'infrastructure des cybercars développée, des véhicules privés dotés de capacités de conduite autonome pourraient aussi être admis sur cette infrastructure, tout en conservant leur mode manuel sur route ordinaire. En tant que système de transport de personnes, l'avantage principal des cybercars est leur capacité à fonctionner au niveau de la rue, ce qui les rend moins coûteux et plus flexible. Le projet cybermove étudie en détail un certain nombre de sites potentiels pour les cybercars. En collaboration étroite avec les villes concernées, cybermove évalue l'impact sur 14 sites, recouvrant un vaste champ d'applications, comme des lieux de villégiatures privés, des campus et des centre-villes. Cybermove estime en particulier leur potentiel à tendre vers l'autosuffisance et à augmenter leur attractivité. 40 indicateurs ont été choisis afin de mesurer l'impact sur les modes de transport, les aspects énergétiques et financiers, les performances du système et sa viabilité socio-économique, sa perception par le public, sa facilité d'emploi et sa sécurité. L'évaluation croisée est fondée à la fois sur des essais sur le terrain et sur les études de fiabilité. Les sites étudiés par cybermove : Lausanne, Nancy, Copenhagen, Antibes, Bayonne, Capelle aan den IJssel/Rivium, Coimbra, La Rochelle, Rome, Haïfa, Turin et Brisbane.
Quels sont les objectifs de tels projets ?
Les objectifs en mobilité urbaine sont de fournir des transports pratique à chaque habitant des villes tout en minimisant les effets négatifs comme le bruit, la pollution, les accidents et l’occupation des surfaces due aux routes et aux parkings de 50 % . Les véhicules en libre-service intégral seront au centre ville ce que le caddie est au centre commercial. L'espoir des cybercars est de permettre de reconsidérer le centre-ville comme un centre de services culturels, administratifs ou commerciaux du futur. Du point de vue urbanistique, il a été démontré que ce type de mobilité douce (mixée, à Antibes, avec les deux roues, rollers, patinettes, etc.) gagne, sur la voiture, environ 4000 m2 par demi kilomètre parcouru. Autrement dit, il est envisageable de restaurer le domaine public au profit des piétons et de l'animation sociale, tout en assurant la mobilité urbaine. Enfin, l'enthousiasme de premiers usagers (toutes classes d'âge confondues) semble indiquer une acceptation sociale aisée. La ville d'Antibes a d'ailleurs décidé d'étudier l'aménagement de la ligne, telle qu'elle a été initialement projetée, sur la totalité du parcours (une boucle de 3 km): le système pourrait être opérationnel avant 2007.
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