François Delecour, 5e du Monte-Carlo, est satisfait de son retour à la compétition. Sûr de sa forme et de son talent, le rallyman de 48 ans veut aller plus loin.
François Delecour, avez-vous pris la mesure de l'engouement qu’il y avait autour de votre participation au Rallye Monte-Carlo ?
Il y avait effectivement un énorme engouement, partout où nous sommes passés. Je pense avoir profité de ma notoriété par rapport aux jeunes pilotes d’aujourd’hui, qui ne sont pas très connus. En revanche, j’ai trouvé qu’il y avait peu de public par rapport aux dernières années, certainement en raison de l’exceptionnelle couverture télévisuelle. Eurosport a fait de très belles images mais peut-être au détriment du nombre de spectateurs au bord de la route.
Que ressent-on lorsque l’on voit que l’on est soutenu à ce point ?
Ca prouve que c’est un sport populaire ! De mon côté, j’ai fait seize fois le Monte-Carlo et les gens ont dû apprendre à me voir passer. Sur seize Monte Carlo, il y a forcément des gens dans le public qui m’ont vu une dizaine de fois, d’autant que j’ ai terminé quinze fois. Les gens ne m’ont pas oublié. A l’assistance, notre petite équipe Enjolras était assaillie alors que nous n’avions pas d’endroit de réception. Des gens nombreux venaient demander des autographes. Ca nous a fait extrêmement plaisir.
Ce soutien populaire vous motive-t-il davantage pour faire votre retour ?
J’aspire à ce retour. J’aimerais déjà être au Tour de Corse parce que j’adore la Corse, j’adore les spéciales et par rapport à Doumé (Savignoni, son copilote). Je me sens profondément attaché à cette terre corse mais j’aimerais aussi faire d’autres rallyes. J’ai notamment un projet en Italie avec une Citroën C4 WRC. C’est en bonne voie mais ça bloque un peu du côté de Citroën, qui hésite. Mais ça pourrait être aussi en 206.
Comment vous est venue cette envie de revenir à la compétition ?
J’ai fait trois courses en Italie l’année dernière, dont un type de Pike’s Peak, en plein centre de l’Italie. C’était magique, sur une route très large, j’ai fini troisième avec une Mitsubishi groupe N sans bride… J’ai aussi fait deux autres rallyes et j’ai gagné en 206 WRC. Les gens qui étaient avec moi veulent aller plus loin et me faire disputer le championnat d’Italie avec une C4.
Pourquoi n’avoir pas tenté un retour plus tôt ?
En 2002, j’ai été poussé à la porte par Mitsubishi. On m’a fait des tas de promesses mais la voiture était complètement dépassée. Elle n’était pas du tout compétitive face à la 206 WRC. J’avais un très bon salaire mais j’aurais préféré être moins bien payé pour avoir une meilleure voiture. J’aurais bien continué mais ma passion avait été émoussée. J’ai mis ça de coté plusieurs années.
Quelles sensations avez-vous ressenti lors du Monte-Carlo, en reprenant le volant ?
Reconduire au volant de la 207, ça m’a dopé. J’étais un peu frustré parce qu’on pouvait être proche de la 3e place. On avait des clous fatigués durant la journée sur neige, les pneus étaient un peu vieux. On avait le bon choix mais pas un excellent choix car les clous n’était pas neufs et la gomme était "cuttée", pas adaptée à une fine couche de neige. Il aurait fallu plus de neige pour que la gomme "cuttée" soit un avantage. J’aurais pu gagner une seconde au kilomètre dans les spéciales neigeuses.
Comment vous êtes-vous retrouvé à faire ce bon choix avant les ES7 et 8 ?
J’ai eu plusieurs aides qui m’ont permis de faire ce choix. J’ai appelé le patron d’un hôtel m’annonçant la neige. A l’assistance, on voulait mettre des pneus « neige » puis on a eu l’info que la neige tombait et qu’elle tenait. Dans la première spéciale, il y a un versant sud qui est rarement enneigé et, après le passage d’un tunnel, on passe sur un flanc nord et là on trouve tout le temps de la neige. Pascal Enjolras s’est posté là : il m’a dit que ça commençait à tenir sur le versant sud. Je me suis dit qu’on aurait au moins 8 ou 9 km de neige et j’ai donc chaussé les « clous ». Je n’ai pas roulé très fort car je savais que j’allais creuser un gros écart. Pour la seule fois du rallye, j’étais tendu par peur de commettre une erreur impardonnable. C’est tout de même fort de s’immiscer au milieu des voitures d’usine. C’est grisant. Etre deuxième à ce moment là, c’était réécrire l’histoire du Monte-Carlo.
N’avez-vous pas été déçu d’avoir ensuite glissé au classement, jusqu’à la 5e place ?
Je m’y attendais. Quand j’étais 2e, je ne me faisais pas d’illusion. Je tire mon chapeau à l’équipe Enjolras car nous n’avions pas les dernières évolutions de la 207 S2000 et nous n’avons eu aucun problème. Ce n’est pas évident de fairre 5e du Monte Carlo avec une voiture privée, sans le soutien officiel et les dernières évolutions. D’autant que nous n’avions un budget que de 50 000 euros, alors qu’il nous aurait fallu 30 000 euros de plus.
Doutiez-vous de votre capacité physique à tenir la distance ?
Pas du tout. Je suis un fou de sport, je fais du vélo à outrance, je me dépense énormément. Tous ces efforts ont payé. A 48 ans, ce n’est pas évident d’avoir encore envie. Je n’ai rencontré aucun problème de dos, de vue… J’étais serein et tranquille dans la voiture, contrairement à l’image que je peux renvoyer parfois. J’étais concentré et à l’attaque. J’ai pris beaucoup de plaisir sur ce rallye.
Après plusieurs années d’absence, comment avez-vous trouvé la voiture que vous aviez entre les mains ?
Je n’imaginais pas que le châssis puisse être aussi performant ! La combinaison châssis-pneus est en tous points exceptionnelle. Ca se voit notamment dans les passages en courbe et l’endurance des freins. Les moteurs sont très décevants puisque la puissance n’est plus là. Mais la tenue de route est exceptionnelle. Peu importe les conditions, on a du grip sans cesse.
Pensez-vous pouvoir reprendre la compétition sans appréhension et en attaquant à la limite ?
J’en suis certain. Je n’ai pas eu la moindre appréhension ce week-end. L’écart a toujours été le même du début à la fin. J’ai fait des temps très réguliers. Je n’ai pas eu la moindre appréhension. Je pense que si j’avais eu une auto officielle, je l’aurais gagné, par rapport à ma stratégie. J’aurais gagné le rallye, j’en suis convaincu. Cette stratégie sur la neige m’aurait permis de terminer devant les autres.
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