Fin septembre, j'ai eu une Peugeot 208 1,0 l VTI de 68 ch en essai pendant une semaine. Ma conclusion : que cette entrée de gamme du modèle est une excellente citadine à la fois légère et économe mais qui manque cruellement de pêche pour être à l'aise en dehors de la ville et sur les grands axes. 99 g/km de CO2, c'est bien, et même très bien pour une essence et pour la planète, mais 14 s pour effectuer le 0 à 100 km/h annonce des dépassements difficiles sur nationale et des faux plats interminables sur autoroute. Vous me répondrez « d'accord, mais pour ça il y a la 208 GTI de 200 ch qui termine le même exercice en 6,8 s ». Certes, mais en émettant 139 g/km de CO2. Ne peut-on avoir les émissions de la première avec les performances de la seconde ? En somme avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crèmière ? Peugeot dit oui.
Voici la Peugeot 208 HYbrid FE. Vous avez découvert pour la première fois sa silhouette en début d'année au Salon de Genève sous la forme d'une maquette, puis la version terminée en septembre à Francfort. Ses émissions de CO2 ? 49 g/km. Son 0 à 100 km/h ? En 8 s. Comment le constructeur français y est parvenu et qu'est-ce que ça donne une fois au volant ? C'est au Ceram, le célèbre centre de test automobile de Mortefontaine, que nous avons été invités pour la découvrir en chair et en os, et discuter directement avec ses concepteurs.
On ne réalise pas un tel projet en faisant cavalier seul et Peugeot a su s'entourer de Total et de ses multiples filiales parfois inconnues du grand public, comme Atotech, Hutchinson et CCP Composites, pourtant des références dans leur domaine, tout en piochant dans le vivier de Peugeot Sport. Son développement a suivi trois phases successives, permettant de déterminer le profit de chacune pour atteindre l'objectif : amélioration de l'aérodynamisme et réduction du poids, du moteur et de la boîte de vitesses, et hybridation.
Phase 1 : amélioration de l'aérodynamisme et réduction du poids
Avec un SCx de 0,61 et 975 kg sur la balance, la 208 1,0 l VTI 68 ch de série n'a rien d'un parpaing tant au niveau du poids que dans la pénétration dans l'air, bien au contraire, mais tout est améliorable.
Pour preuve, les ouvertures de la calandre ont été réduites de 40 % avec un dessin semblant être le négatif de celui de la GTI, les rétroviseurs latéraux ont été supprimés au profit de caméras retransmettant l'image dans le rétroviseur central et les poignées de porte sont désormais affleurantes. Mais la plus grosse modification concerne l'arrière de la voiture, entièrement redessiné pour prendre en compte le resserrement des voies de 40 mm et qui lui donne des faux airs de nouvelle Peugeot 308. Au chapitre des détails sympathiques, on notera les fines dérives verticales sur les feux arrière et l'extracteur d'air prolongeant le fond entièrement plat. Enfin, les jantes BBS de 19 pouces sur mesure couvertes de volets aérodynamiques en carbone sont chaussées avec des pneus spécialement développés par Michelin dans le plus pur style « Tall & Narrow », en 145/65R19, ce qui contribue à diminuer la résistance au roulement de 20 %. Le Scx final de l'HYbrid FE est désormais de 0,47, soit une amélioration de 23 % de son aérodynamisme.
Question poids, la Peugeot 208 cobaye a été prise sur une chaîne de montage. Pas de châssis tubulaire donc, elle conserve sa structure métallique, mais le reste fait la part belle aux éléments composites : toute la partie arrière d'un seul tenant pèse ainsi 20 kg, le fond plat 8 kg, les panneaux de portière 2 x 3 kg, le capot 5 kg et les ailes 2 x 1 kg. Au final, le poids total de la coque passe de 295 à 227 kg. L'utilisation de polycarbonate pour toutes les surfaces vitrées à l'exception de celle des portières permet de gagner encore 5 kg. Les améliorations ne s'arrêtent pas là et la plus intéressante est sans aucun doute l'intégration dans les trains de type pseudo McPherson d'une lame en fibre de verre montée en position transversale à l'avant comme à l'arrière. Elles remplacent les ressorts de suspension, les triangles inférieurs et les barres anti-roulis pour un gain de poids de 20 kg. Les freins sont hérités de la compétition avec des disques de grand diamètre, 380 mm, mais avec une faible épaisseur, 9,6 mm et de petits étriers à deux pistons, de 44,5 mm à l'avant et de 31,8 mm à l'arrière.
Enfin, le poids contenu, la faible largeur des pneus et l'effet du moteur électrique au freinage permettent à la fois de se passer de la direction assistée et de l'assistance de freinage. Il est cependant à noter que la banquette arrière a été conservée.
Avec désormais un Scx de 0,47 et un poids de 795 kg au terme de la phase 1, notre 208 1,0 l VTI de 68 ch émet maintenant 78 g/km de CO2 et réalise le 0 à 100 km/h en 12 s.
Phase 2 : amélioration du moteur et de la boîte de vitesses
L'EB0, le petit 3 cylindres 1,0 l de la Vti 68 ch, a été profondément revu, le but n'étant pas d'augmenter sa puissance mais de diminuer sa consommation. Le vilebrequin en acier nitruré, les bielles en titane et les pistons en alliage d'aluminium et de cuivre taillés dans la masse sont spécifiques et augmentent la course de 84 à 93 mm. Associé à une augmentation de l'alésage de 71 à 75 mm, cela porte la cylindrée de 999 à 1 233 cm3 et le taux de compression de 11:1 à 16:1. Pour digérer ce dernier, tout le haut moteur a été revu, avec une culasse en aluminium taillée dans la masse refroidie par eau sur toute la longueur, l'adoption de l'injection directe, des soupapes au diamètre augmenté et des conduits d'échappement redessinés.
Il est de notoriété commune que les frottements absorbent 1/5e de la puissance totale du moteur. Mais l'application d'un revêtement spécifique sur le vilebrequin, les pistons et leur axe, les segments et les linguets ont permis de les réduire de 40 %, avec un travail similaire fait dans la boîte de vitesses qui est désormais pilotée.
Total, le partenaire du projet, a évidemment fourni le Sans Plomb 95 utilisé dans la HYbrid FE, mais c'est celui que l'on trouve à la pompe, avec un additif Excellium que l'on peut aussi acheter dans le commerce. Par contre, le pétrolier français a développé une huile spécifique de grade 0W12 ultra fluide.
Avec toujours 68 ch et même si le couple maxi a augmenté de 95 Nm à 3 000 tr/min à 120 Nm à 2 750 tr/min, le 0 à 100 km/h reste inchangé par rapport à la phase 1, à 12 s, mais la combustion encore mieux maîtrisée et la réduction des frottements après cette phase 2 baissent les émissions de CO2 de 78 à 67 g/km.
Phase 3 : hybridation
Peugeot fait déjà des hybrides avec les 3008 et 508 HYbrid4 et autre RXH, mais Peugeot Sport aussi. Oui, vous ne rêvez pas, le moteur électrique et la batterie proviennent réellement de la 908 HYbrid4. En passant de la fameuse voiture de course d'endurance à la petite citadine, le premier, positionné après la boîte de vitesses et pesant seulement 7 kg, a tout de même été un peu dégonflé, de 90 à 30 kW en boost et de 120 à 100 kW en régénération, mais cela représente tout de même un gain de 40 ch et 30 Nm. Il permet aussi de se passer de démarreur et assure à lui seul la marche arrière.
Avec la puissance du moteur électrique venant s'ajouter à celle du thermique après la phase 3, la Peugeot 208 HYbrid FE n'a au final besoin que de 8 s pour effectuer le 0 à 100 km/h, soit 4 s de moins par rapport à la phase 2, et son assistance fait chuter les émissions de CO2 de 67 à 46 g/km, dépassant l'objectif.
Pesant 25 kg, la batterie quant à elle a une capacité de 0,56 kWh et vient prendre place à côté du réservoir d'essence ramené à 20 litres, sous la banquette arrière. Le freinage est entièrement du ressort du moteur électrique jusqu'à ce que la vitesse passe sous les 20 km/h, ce qui lui autorise une récupération se chiffrant à 25 %.
Rencontrer et discuter avec des ingénieurs de Peugeot, de Peugeot Sport et de Total et ses filiales, avec un scintillement passionné dans les yeux, est évidemment fascinant, mais se glisser au volant du fruit de nombreux mois de leur dur labeur est encore mieux et ça tombe bien, puisque ça fait partie du programme. Avec deux prototypes dont les tout premiers roulages ne datent que de septembre, pas question cependant d'aller chercher les limites du châssis, l'essai est sans surprise limité à une trop courte boucle permettant seulement de tester accélération et freinage mais je saurai m'en contenter.
L'intérieur est proche d'une version de série, et ce qui saute avant tout aux yeux sont les sièges baquets Recaro et la console centrale réalisée en résine et fibre de lin. Au pied de cette dernière se trouvent deux mollettes à la fonction facile à deviner : la première est une classique commande de boîte automatique et la seconde sélectionne le mode ZEV pour rester 100% électrique, Eco pour préserver la consommation et enfin Fun pour améliorer les performances. Le premier étant tout ce qu'il y a de plus classique, je commence par un premier tour en mode Eco. Soyons raisonnable.
Dès les premiers tours de roues, les plaquettes se promenant dans les étriers du freinage issu de la compétition couvrent aisément le sifflement caractéristique du moteur électrique qui se chargera d'emmener à lui seul la 208 jusqu'en quatrième à 80 km/h avec une pression modeste sur l'accélérateur. Une fois la batterie vidée, le moteur fortement préparé s'ébroue. Ou entre en éruption, en donnant un violent à-coup pour bien montrer qu'il fait maintenant partie de la chaîne de traction. Jamais un 3 cylindres de 1,2 l de citadine n'a paru aussi viril, mais de mémoire aucun d'entre eux ne s'exprime non plus à travers une ligne d'échappement sans aucune forme de silencieux. Le bout de la ligne droite arrive vite, il est temps de ralentir. La pédale de frein se montre très sensible tant que la décélération est assurée seulement par le moteur électrique, avant d'être relayée par le classique freinage hydraulique dépourvu d'assistance, rendant le feeling soudainement plus spongieux. La direction non assistée mais démultipliée replace la 208 dans la ligne droite et un seul freinage a permis à la batterie de se recharger suffisamment pour que le moteur thermique fasse taire son grondement. Mais mes tympans n'ont pas le temps de cicatriser que le trois pattes s'énerve une nouvelle fois pour finir de nous ramener au point de départ.
Cette fois-ci, passons au mode Fun. Ne s'agissant plus du premier rendez-vous, il paraît maintenant plus convenable d'effectuer un rapprochement intime de la pédale de droite et de la moquette. Le moteur électrique se charge tout de même courageusement de lancer la 208 sur les premiers mètres avant d'être rejoint très vite dans son effort par son homologue thermique. Celui-ci n'avait déjà pas fait une entrée en scène très subtile en mode Eco, mais en mode Fun (le bien nommé) cela s'apparente à une perquisition au bélier par le GIGN au petit matin dans l'appartement d'un terroriste présumé. Cette arrivée fracassante est cependant plus impressionnante que l'accélération qui en résulte : je n'ai pas un dragster dans les mains mais la poussée est maintenant indubitablement plus proche de la GTI que de la 1,0 l VTI.
Verra-t-on bientôt une Peugeot 208 HYbrid FE dans les concessions ? Le constructeur français ne fait pas de mystère et répond par la négative. Il s'agit définitivement d'un démonstrateur technique, d'une vitrine technologique. Tel quel, le coût des pièces soit faites sur mesure soit dérivées des plus hauts niveaux de la compétition, rend évidemment le prix de ces deux prototypes totalement inaccessible (même si ils auraient désormais droit à un bonus de 4 000 €), mais la marque au lion assure tout de même que 80 % du projet pourrait être mis en production. Et ce sont ces 80 % qu'on retrouvera disséminés dans les modèles de demain et d'après-demain...
Twitter : @PierreDdeG
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