80 km/h : quel bilan après deux ans d'expérimentation ? Que faire maintenant ?
Voilà déjà deux ans que l’abaissement de la vitesse maximale à 80 km/h sur les routes françaises est en place. Présentée sous forme d’expérimentation, la mesure arrive aujourd’hui à l’heure du bilan. Un bilan tronqué par les crises successives affrontées par l’exécutif qui pose la question du futur des 80 km/h. Alors, stop ou encore ?
Deux ans se sont écoulés depuis la mise en place de cette mesure, présentée comme une expérimentation par le Gouvernement. Le confinement, les destructions de radars et les grèves dans les transports compliquent bien évidemment la tâche lorsqu’il s’agit d’en dresser un bilan objectif.
Depuis le 1er juillet 2018 la vitesse maximale autorisée a été abaissée de 10 km/h sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central (400 000 kilomètres, soit 40 % du réseau routier). Une mesure qui pour rappel a déclenché l’ire de nombreux Français et a concentré les rancœurs envers le gouvernement pour déboucher sur la crise des « Gilets Jaunes ».
Le Premier ministre, Édouard Philippe, nous avait alors promis de sauver "300 à 400 vies par an" grâce à cette mesure, avec comme date butoir pour en dresser le bilan le 1er juillet 2020. Nous y voici donc. Matignon indique aujourd’hui à l'AFP que "le Premier ministre s'exprimera lorsqu'il disposera des travaux de conclusion des deux années d'expérimentation".
Confiés par la Sécurité routière au Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), ces résultats sont toujours en cours d’étude selon l’AFP. Une interprétation des chiffres compliquée par la brutale chute de la mortalité routière liée au confinement (-39,6 % en mars, -55,8 % en avril, -15,6 % en mai). Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, opposée à une limitation générale à 80 km/h, balance entre "pragmatisme et bon sens". "Le pragmatisme voudrait qu'on prolonge l'expérimentation, alors que le bon sens pousse à dire que la mesure n'a pas marché puisque nous n'avons pas eu l'économie des 400 ou 450 vies promises par an", développe-t-il.
Pour Anne Lavaud, déléguée générale de la Prévention routière, le seul bilan "qui a fait preuve de son efficacité est celui du deuxième semestre 2018 ". Une période pendant laquelle 127 vies ont été épargnées en France métropolitaine, hors agglomération et hors autoroute, par rapport à la moyenne des deuxièmes semestres de 2013 à 2017. Le plus positif pour le gouvernement en somme. Les ficelles ne sont jamais assez grosses…
Pour Anne Lavaud, tout bilan après cette date "n'a aucun sens car tous les paramètres du dispositif" ont ensuite changé.
Fin décembre 2019, la loi d'orientation des mobilités (LOM), a rendu possible le retour aux 90 km/h sur certains tronçons, et sous certaines conditions : "mais beaucoup de Français pensaient dès l'été 2019 qu'on pouvait de nouveau rouler à 90 km/h" selon Anne Lavaud. Les Français sont-ils donc un peu bêtes au point de ne pas savoir lire les panneaux ? Merci Mme Lavaud pour votre constat, les Français apprécieront.
"Il est évident qu'on n'a pas bénéficié des meilleures conditions pour prouver, si besoin était, que baisser la vitesse maximale équivalait à faire baisser le nombre de morts", affirme quant à elle Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, qui "n'imagine pas un seul instant que l'éventuel nouveau gouvernement revienne sur les 80 km/h".
Du côté du Comité Indépendant d’Évaluation des 80 km/h, le discours est tout autre puisque celui-ci demande simplement la fin de l’expérimentation : « Au lendemain de la crise sanitaire sans précédent et du long confinement du pays au printemps 2020, faisant suite à l’impact des mouvements sociaux de l’année précédente sur la mobilité, certaines sources proches du dossier émettent l’idée d’un report de la fin de l’expérimentation, censé tenir compte de cette période inédite au cours de laquelle les déplacements routiers ont été fortement réduits et l’accidentalité évidemment impactée. Considérant que l’expérimentation des 80 km/h a abouti, avec des variations statistiquement trop incertaines et non significatives, à un résultat non probant et sans rapport avec le but visé de 400 morts épargnées par an, mais qu’elle a coûté à la population – notamment hors des agglomérations – des millions d’heures perdues représentant chaque année près de 3 milliards d’euros et un ralentissement de la vie du pays, le Comité indépendant d’évaluation des 80 km/h (CIE) demande en ce mercredi 1er juillet 2020 au Gouvernement de mettre fin à l’expérimentation de la mesure au 1er juillet 2020. »
Fin de l’expérimentation, prolongement de celle-ci ou même mise en place définitive des 80 km/h, le débat n’a pas fini d’enflammer l’espace public.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération