Skoda Octavia Combi 1964, la voiture qui en veut à votre vie
Bardée de chromes, cette tchèque des années 60 vous fait battre le cœur comme aucune autre : par son charme craquant d’une part, par la peur qu’elle suscite au premier virage d’autre part. Ou quand rouler à 90 km/h devient une aventure palpitante !

Février 1945. Staline obtient à la conférence de Yalta de s’approprier la majeure partie de l’Europe Centrale, dont la Tchécoslovaquie. Commence pour le pays une nuit communiste, marquée par un arrêt quasi-total de toute forme de liberté, tant individuelle qu’industrielle. C’est bien évidemment une très mauvaise chose pour le groupe Skoda, brusquement nationalisé (la branche auto se nomme officiellement AZNP) et privé de fonds pour développer de nouveaux modèles.

Aussi, le constructeur doit-il passer maître dans l’art d’accommoder les restes, donc produire de nouveaux modèles tout en récupérant, dans un souci d’économie, la base de la Popular 1100 d’avant-guerre, conçue en 1934 par Vladimír Matouš, qui restera directeur technique de Skoda jusqu’en décembre 1959. C’est important pour comprendre la suite. Cette petite propulsion n’est pas mal placée techniquement, sur le papier du moins, avec son châssis à poutre centrale, ses freins hydrauliques et ses quatre roues indépendantes.

Seulement, celles-ci ne sont articulés que côté pont à l’arrière, ce qui induit des modifications de carrossages en fonction de la charge. On connaît bien ce problème chez Mercedes, mais on a les moyens de le gérer par des solutions techniques. Pas Skoda, qui, du reste, doit produire à pas cher dans un pays marqué par la crise de 1929. A la Popular 1100 succède en 1946 la 1101 Tudor (sur la même base), qui devient 1200 en 1952 en recevant une nouvelle carrosserie, pas vilaine d’ailleurs avec ses faux airs de Simca Aronde.

La 1200 prête sa base à la 440 « Spartak », qui apparaît en 1955 dotée de lignes tendues et modernes pour l’époque. Autre avancée, sa boîte à 4 vitesses dont 3 synchronisées. Elle est censée permettre à la marque de tenir jusqu’à l’arrivée d’un nouveau modèle bien plus moderne à moteur arrière et structure monocoque, la 1000 MB de laquelle on extraira la 110 R. En Tchécoslovaquie, les travailleurs bavent sur la jolie 440 (445 en 1,2 l et 450 en cabriolet), mais elle leur est inaccessible.

Non pas tant par son prix (un peu plus de 2 ans de salaire) que les conditions difficiles à remplir pour se l’offrir. Autorisation spéciale du syndicat, acompte de deux tiers du prix total… Mais c’était toujours mieux que les coupons précédemment exigés, qui se traduisaient en un délai de livraison de plusieurs années !
En réalité, la Skoda va surtout bien se vendre à l’Ouest, notamment en Belgique, en RFA et en Finlande. Restylée, la Spartak devient Octavia en mars 1959 à Genève : calandre simplifiée, tableau remaniée, suspension avant à ressorts hélicoïdaux et non plus lames transversales. Sous le capot, on retrouve le 4-cylindres culbuté tourant sur trois paliers dont les origines datent de la Popular.

Proposé en 1,1 l 40 ch, il n’est pas ridicule pour son époque et emmène la voiture à un bon 110 km/h. Produite comme sa devancière à Mlada Boleslav, l'Octavia se décline en berline 2 portes et cabriolet Felicia, dont le 1,1 l est poussé à 55 ch grâce à deux carburateurs. En France, l’Octavia est importée par le réseau Poch, qui se spécialisera dans les voitures de l’Est, notamment les Lada. Une version Super (1,2 l, 45 ch) de la berline apparaît courant 1959, mais la grosse nouveauté est le break Combi, révélé le 11 septembre 1960. Comptant toujours deux portes latérales, il reçoit un hayon arrière bipartite, donnant sur un coffre de 1 050 l maxi.

Ce break s’accompagne d’une version sportive TS de la berline, poussée à 50 ch et surtout homologuée par la FIA, de sorte qu’elle peut participer aux courses de l’Ouest. Capable de 130 km/h, l’Octavia TS remportera trois fois sa classe au rallye de Monte-Carlo, en 1961, 1962 et 1963. Après un léger restylage en 1961 (ajout d'ailerons arrière, calandre modifiée), la berline 2 portes s’arrête en 1964, à l’arrivée (tardive) de la 1000 MB, mais le break poursuivra sa route jusqu’en 1971, recevant une nouvelle calandre en 1968 et les feux arrière horizontaux de la 110 en 1969. l’Octavia de première génération ayant été produite à 365 979 unités.
Pas mal pour une auto techniquement dépassée dès sa naissance, censée ne servir que de bouche-trou, et dont la construction simple et robuste a uniquement été pensée pour les routes et chemins défoncés de Tchécoslovaquie.

Combien ça coûte ?
Une berline Octavia coûte entre 7 000 € en bon état et 15 000 € si elle a été restaurée. On en trouve quelques-unes en Allemagne et en Finlande, en plus, évidemment, de la République Tchèque. En France, même si elle a été importée, elle est plus que rarissime… On suppose que le break est un peu plus cher, étant donné sa plus grande rareté.

Quelle version choisir ?
Celle qui sera dans le meilleur état possible, car la restauration d’une telle auto demandera beaucoup de patience en matière de recherche de pièces. Ensuite, évidemment, la TS sera la plus sympa à conduire, de par sa puissance accrue.

Les versions collector
Toutes, si elles roulent. Là encore, la TS est la plus recherchée, devant le break et la berline.

Que surveiller ?
On l’a dit, d’abord se procurer un exemplaire complet et conforme à l’origine. Ensuite, fort heureusement, la mécanique de cette Skoda est réputée increvable, selon les normes de son époque. Le point faible sera surtout le circuit de refroidissement, dont le mauvais état entrainera une rupture du joint de culasse. L’autre souci sera de savoir régler le moteur, tout le monde n’étant pas au fait des spécificités du carburateur Jikov. Attention, comme bien de modèles de son époque, l’Octavia comporte des points de graissage, notamment du côté de la direction à vis et secteur, accompagnée d’une timonerie assez complexe. Si l’ensemble n’est pas bien lubrifié, la casse guette !
Enfin, et surtout, le châssis peut salement rouiller, comme tout ce qui roulait dans les années 60. Comme il est simple, il se refait assez aisément, mais cela réclame beaucoup de temps et d’argent. Au sujet des pièces détachées, on ne trouve rien en France. Il faudra se rendre, pour en dégotter, en Europe centrale, avec les problèmes linguistiques que cela comporte.

Sur la route
C’est un break Combi de 1964, impeccablement restauré par l’équipe du musée Skoda, que j’ai l’occasion de conduire. Il ne manque pas de charme, le bougre ! Mais sous son air innocent et vintage se cache une bête prête à dévorer sa proie. Vous vous rappelez le film Christine ? Cette Skoda Octavia est en quelque sorte la version tchèque de la Plymouth Fury 58 qui tue quiconque la contrarie.

Elle paraît inoffensive, et même pratique avec sa bonne habitabilité et son coffre spacieux. A l’avant, si on est assis bien en ligne, le siège n’offre aucun maintien latéral, et le volant arrive très près du torse… Naturellement, il n’y a pas de ceinture de sécurité. L’Octavia démarre sans se faire prier, et si l’embrayage, abrupt, demande une accoutumance, la direction se révèle très légère dès qu’on roule. La commande de boîte aussi, mais la commande au volant pâtit de très amples débattements, venant toucher la cuisse quand on a passé la marche arrière. Surprise, la suspension absorbe remarquablement les inégalités, et son se sent rassuré.

A tort. Car bien vite aussi, on constate l’inefficacité redoutable du freinage à quatre tambours, le flou pas du tout artistique du volant et la bonne volonté du moteur. On se retrouve à 100 km/h plus vite qu’avec une 2CV6, mais là, on sent la tchèque prête à sévir. Elle ne roule pas très droit, se montrant sensible au moins flux d’air latéral (pas facile à corriger avec une direction aussi imprécise), ne freine pas de façon plus rectiligne et le moindre choc avant se terminera avec le moyeu du volant enfoncé jusqu’à votre colonne vertébrale.

En clair, on a peur ! Aussi, on aborde la première bretelle de sortie de 4 voies avec circonspection. A raison, car l’Octavia survire à moins de 30 km/h. De retour en ville, même si on n’est pas croyant, on prie pour qu’aucun imprévu ne présente car la voiture est incapable de piler. En réalité, elle se destine aux très mauvaises routes peu fréquentées, celles de la Tchécoslovaquie des années 60, où sa robustesse, sa garde au sol importante et sa suspension confortable feront merveille. Enfin, elle peut se contenter de 8 l/100 km, une bonne valeur en 1964.
L’alternative youngtimer
Skoda Favorit (1989 – 1994)

Présentée en 1987 à la foire de Brno, la Favorit est la première Skoda entièrement nouvelle depuis… 1964. Enfin, entièrement, pas tout à fait : le moteur 1,3 l culbuté (63 ch) remonte à des temps immémoriaux. Mais tout de même, il s’agit d’une traction moderne, à moteur transversal et suspension arrière à essieu de torsion, conçue avec l’aide de Porsche. Pour sa part, la carrosserie est due à Bertone, et quand on examine les dessins préliminaires, on ne peut que constater de nombreuses similitudes avec la Citroën BX. Du Gandini pur sucre !
Très peu chère et fort correctement mise au point, la Favorit est plutôt bien accueillie en France, mais elle aura fort à faire face à la Lada Samara, plus moderne mécaniquement et davantage promue. Déclinéé en break en 1990, la Skoda est améliorée en 1991 puis légèrement restylée en 1993, avant de quitter la scène en 1994, remplacée par la Felicia, qui en est une évolution. Produite à plus d’un million d’unités, la Favorit se trouve dès 2 000 €.
Skoda Octavia (1964), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 221 cm3
- Alimentation : carburateur
- Suspension : bras superposés, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV) roues indépendantes, ressorts transversaux à lames (AR)
- Transmission : boîte 4 manuelle, propulsion
- Puissance : 45 ch à 4 700 tr/min
- Couple : 81 Nm à 3 000 tr/min
- Poids : 920 kg
- Vitesse maxi : 125 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : env. 25 s
> Pour trouver des petites annonces de Skoda, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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