Route de nuit - La Pontiac Tempest, héroïne involontaire de Mon cousin Vinny
On a tort de réduire les américaines des 60s à des engins techniquement primitifs, ne comptant que sur leur look pour séduire. La Pontiac Tempest 61 le montre, et son raffinement technique sert l’intrigue du film Mon Cousin Vinny, avec Joe Pesci et Marisa Tomei.
Je n’avais vu qu’une fois Mon Cousin Vinny, et ça remonte à près de 25 ans. Je l’ai revisionné récemment, et la fin n’a pas manqué d’attiser la curiosité du passionné pathologique que je suis. Attention, spoiler ! Les deux antihéros sont innocentés en toute fin du film par la petite copine de Vinny (Joe Pesci), l’avocat improbable qui n’est autre que le cousin d’un des deux jeunes gens accusés d’avoir tué un épicier.
En examinant des traces de pneus (sur la route, bien sûr), la jeune femme (Marisa Tomei), décidément très calée en automobile, parvient à démontrer qu’elles ne peuvent avoir été déposées que par une voiture dotée d’une suspension arrière à roues indépendantes et d’un différentiel à glissement limité.
Or, les deux accusés roulaient en Buick Skylark 64, dotée d’un bon vieil essieu rigide. La voiture qui a maculé le bitume de ses gommes, détermine l’experte, ne peut être qu’une Pontiac Tempest 63, la seule ressemblant à la Buick et dotée des caractéristiques prémentionnées.
J’avoue – ce qui est rare –, je ne connaissais pas la Pontiac Tempest. Donc, je suis allé vérifier si les dires de la dame étaient exacts. Ils l’étaient. Mieux, j’ai découvert une auto nantie de spécificités assez étonnantes. Explications.
A la fin des années 50, les marques du groupes GM bénéficient encore d’une relative indépendance. Bernie Knudsen, patron de Pontiac, refuse de ne proposer qu’une Chevrolet Corvair rebadgée, estimant que la clientèle la refuserait. Il obtient donc de GM d’en dériver une petite familiale de son cru, dont il confie le développement à un ingénieur aussi brillant qu’ambitieux : John Z. Delorean.
Celui-ci tient à donner à cette auto un tempérament sportif, en ligne avec l’image de marque de Pontiac. Aussi décide-t-il d’implanter le moteur à l’avant et de laisser la boîte à l’arrière comme sur la Corvair, qui l’accolait à son moteur, tout en conservant l’essieu arrière indépendant de cette dernière, dans un souci d’économie.
En clair, il conçoit à moindre coût un schéma Transaxle, pour une répartition des masses optimales, synonyme de bon comportement routier. Génial ! Surtout que la Tempest peut se doter d’une transmission automatique, qu’elle sera donc la première à intégrer à cette solution technique, bien avant la Porsche 928 !
Comme Delorean ne peut pas, faute de budget, modifier le plancher de la Chevrolet, non prévu pour laisser passer un arbre de transmission, il faut y ajouter un tube de poussée qui accueille ledit arbre.
Problème, celui-ci devrait comporter de multiples articulations pour relier la transmission au moteur, pas du tout dans le même plan. Irréaliste. La solution trouvée est, là encore, très astucieuse : cet arbre sera souple, donc consistera en une barre de torsion ! Delorean ne s’arrête pas en si bon chemin.
Sous le capot, on trouve une autre rareté, du moins aux USA : un 4-cylindres. Delorean sait les avantages de ce type de moteur en termes de rendement et de poids. Comme GM n’en produit pas, il choisit d’un développer un de la façon la plus économique qui soit : prendre un V8 389 (6,4 l) et lui ôter un banc de cylindres. Ce qui donne le plus gros 4-cylindres de série produit en après-guerre, un 3,2 l. Ce bloc se révèle donc plus imposant que celui de la Porsche 968, un 3,0 l auquel on attribue injustement un record de taille.
Donc, on résume : quand elle sort fin 1960, la Pontiac Tempest reçoit un 4-cylindres 3,2 l, un arbre de transmission flexible (longitudinalement, pas en rotation), une architecture Transaxle et un train arrière indépendant.
En somme, elle profite d’un raffinement technique alors unique dans la production américaine. Pourtant, de l’aveu même de son concepteur, elle ne remplira pas du tout ses objectifs commerciaux. Première cause, son 4-cylindres, certes performant, mais qui cliquète épouvantablement. La clientèle US déteste ça !
Ensuite, les demi-arbres de roue ne sont que des bras oscillants donc ne s’articulent que côté pont. De sorte que si la Tempest profite d’un comportement routier fort équilibré en usage courant, elle peut se montrer très délicate en conduite dynamique, de par les variations de carrossage importantes des roues arrière.
Comme sur la Corvair, qui sera clouée au pilori pour cette même raison par l’avocat Ralph Nader dans son livre Unsafe at any speed. Prometteuse, conçue avec beaucoup d’astuce mais insuffisamment aboutie faute de budget, la Pontiac a donc raté son entrée dans l’histoire. Ce qui ne la rend que plus intéressante ! Elle sera remplacée en 1964 par une Tempest techniquement banale mais dont la version GTO marquera, elle, les esprits…
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