Route de nuit - Grands pilotes et héros de guerre
Le mois de mai marque le grand retour des voitures de course dans les rues de Monaco. C'est l'occasion pour nous de revenir sur l'incroyable parcours de William Grover-Williams, vainqueur du premier GP couru en principauté, et qui deviendra par la suite un héros de la résistance.
C’était il y a un siècle. Une époque où les pilotes automobiles risquaient leur vie à chaque seconde de course. Une époque où les voitures surpuissantes reposaient sur des roues étroites et ne disposaient que de freins à la puissance famélique. Une époque de titans, une époque où les champions étaient plus que des champions : des héros.
Alors que s’ouvre ce week-end la 13ème édition du GP de Monaco historique, durant laquelle la marque Bugatti sera particulièrement mise à l’honneur, revenons ensemble sur le premier vainqueur de la course en Principauté, le 14 avril 1929.
Le pilote William Charles Frederick Grover-Williams s’impose au volant d’une Bugatti Type 35 B, surclassant ainsi le grand favori, l’allemand Rudy Caracciola, au volant d’une redoutable Mercedes SSK de 7,1 l de cylindrée.
Né à Montrouge (92) en 1903 d’une mère française et d’un père britannique, Grover-Williams montre très jeune son intérêt pour les sports mécaniques. Dès l’adolescence dans la région de Monte-Carlo, où sa famille s’installe quand éclate la première guerre mondiale, il s’inscrit en mentant sur son âge à des compétitions sur deux et quatre roues, obtenant des résultats encourageants à l’insu de ses parents.
Après Monaco en 1929, d’autres victoires suivent dans les années 30, période durant laquelle il devient en parallèle une personnalité en vue, vivant entre Paris, La Baule et la Côte d’Azur. La « jet-set » avant l’heure, en quelque sorte.
Mais en 1940, Grover-Williams rejoint l’Angleterre. A la fin du mois de mai 1942, c’est en tant que membre du SOE (Special Operations Executives), les forces spéciales, qu’il est parachuté en France.
Infiltré derrière les lignes ennemies, il multiplie les actes de sabotage pour faciliter le travail de la Résistance. Il crée ainsi le réseau Chestnut (châtaigne), qui compte notamment deux de ses amis pilotes, les français Robert Benoist (qui pilotait des avions pendant la première guerre mondiale, avant d’embrasser une brillante carrière de coureur automobile) et Jean-Pierre Wimille (l’un des plus grands pilotes français ; il avait notamment remporté les 24 Heures du Mans 1937, associé à Robert Benoist). Parmi leurs faits d’armes, un sabotage des usines Citroën à Paris et d’autres actes menés en région parisienne.
Le 2 août 1943, Grover-Williams est arrêté par les Allemands. Interpellé à son tour deux jours plus tard, Robert Benoist parvient à sauter en marche de la voiture qui l’emmène et s’échappe pour l’Angleterre (il reviendra deux fois en France).
Grover-Williams est quant à lui envoyé à Berlin où il subit interrogatoires et torture. Benoist, lui, continue de mener de nombreuses actions clandestines en France - il crée d’abord le réseau Clergyman dans la région de Nantes, et plus tard retrouve Jean-Pierre Wimille pour des opérations dans la région de Dourdan - mais est arrêté à Paris le 18 juin 1944. Il est torturé, puis est envoyé à Buchenwald où il est pendu le 11 septembre. Transféré au camp de Sachsenhausen, Grover-Williams meurt en mars 1945.
Seul Wimille survit au conflit. Il reprend la compétition automobile, mais se tue au volant d’une Simca Gordini durant les essais précédant le GP de Buenos Aires 1949.
Grover-Williams sera décoré de la Croix de guerre. Son nom et celui de Benoist - qu’un magazine britannique qualifiera de « bravest of the braves » - figurent au mémorial de Brookwood (Surrey, G-B), ainsi qu’à celui de Valençay, dans l’Indre (photo), qui honore les 104 agents du SOE morts pour la France. De véritables héros, donc.
*Pour en savoir plus sur l’épopée de ces pilotes-résistants, plongez-vous dans la lecture de l’ouvrage (en anglais) de Joe Saward, The Grand Prix Saboteurs.
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