Route de nuit - Duesenberg, le summum automobile des années 30
Malgré son existence éphémère, Duesenberg a marqué l’histoire automobile tant ses créations aux moteurs ultramodernes ont surpassé toute la concurrence et battu des records de vitesse, à plus de 250 km/h…
« It’s a duesy », disait-on antan en anglais. « C’est extraordinaire », en français. Beaucoup ont attribué cette expression à un fabricant de voitures de grand luxe, Duesenberg, dont duesy serait l’abréviation.
Ce n’est pas attesté par les linguistes, mais le simple fait qu’on ait effectué le rapprochement démontre la puissance de l’image de Duesenberg dans l’inconscient collectif anglo-saxon, surtout américain.
Fondée en 1913 à Des Moines par deux immigrants allemands, Frederick et August, la marque se dédie d’abord à la fabrication de voitures de course. Elle remportera quatre fois les 500 miles d’Indianapolis et même le Grand-prix de France, une première pour une voiture américaine. Mais, la compétition, ça n’était déjà pas très rentable, aussi en 1927, Duesenberg est-elle rachetée par Cord, groupe au sein duquel elle jouera le rôle de marque d’exception.
Avec les fonds de Cord, Duesenberg peut concevoir celle qui lui accordera une renommée insensée : la J, qui sort en 1929. Pouvant s’habiller d’une carrosserie usine superbement dessinée par Gordon Buehrig, plus tard auteur de l’Auburn Speedster 851 et de la Cord 812, elle bénéficie d’un moteur fantastique.
Conçu par Duesenberg mais fabriqué par Lycoming, ce 8-cylindres en ligne de 6,9 l bénéficie de 4 soupapes par cylindres actionnées par deux arbres à cames en tête. Oui, dès 1929 !
Développant 265 ch, ce bloc permet à la J de pointer aisément à 180 km/h. De surcroît, les trains roulants (des essieux rigides bien de leur temps) étant finement conçus, la voiture profite de qualités routières de référence à l’époque, de sorte qu’elle cumule les qualités comme rarement : beauté, performances et tenue de route font référence.
Les marques européennes les plus réputées, comme Rolls-Royce, Mercedes-Benz, Hispano-Suiza ou encore Bugatti ne proposent pas de modèle aussi abouti que la J. Heureusement pour elles que cette dernière est hors de prix : le châssis nu vaut l’équivalent de 160 000 €, et une voiture carrossée 350 000 € au minimum !
Plus fort encore, une version à compresseur, la SJ, apparaît en 1932. Cette fois, la puissance culmine à 320 ch, un chiffre monstrueux alors, tout comme les performances : la voiture atteint les 160 km/h en 17 s, malgré sa boîte à trois rapports non synchronisés, et dépassent le 200 km/h en pointe.
Un exemplaire est même carrossé en 1935 pour battre des records de vitesse : la Special, qui parcourt 247,79 km en une heure à Bonneville. Un autre sera habillé en berline en 1933 et surnommé « Twenty Grand », « Vingt Mille » en français, en raison de son prix : 20 000 $, l’équivalent de 400 000 € actuels environ…
Comme si ça ne suffisait pas, une version radicale à châssis court est développée : la SSJ. Un monstre fort de près de 400 ch, dont deux exemplaires seront fabriqués en 1935. L’un échoira à Gary Cooper, l’autre à Clark Gable. Cette voiture, même si elle n’a jamais été chronométrée, était certainement la plus rapide du monde ! On estime qu’elle dépassait aisément le 250 km/h.
Car les stars et les rois (Howard Hughes, Ginger Rogers, Victor-Emmanuel III, Alphonse XIII pour ne citer qu’eux) en tombent amoureux. Même Al Capone aura sa Duesenberg ! Cette marque incarne comme aucune autre le luxe, l’exubérance, la richesse, bref le rêve à cette époque-là.
Malheureusement, les ventes ne suivent pas : sur les 500 J annuelles prévues, seules 300 sont produites en 1929 et 1930 puis péniblement écoulées les années suivantes. Ce à quoi s’ajoutent 32 SJ et 2 SSJ. La crise de 1929, la Grande Dépression, a fait des ravages, qui ont aussi atteint la Bugatti Royale, rivale européenne de la Duesenberg, encore plus chère mais bien moins réussie dynamiquement.
Duesenberg ferme ses portes en 1937, et malgré de quelques tentatives de passionnés, ne renaîtra jamais. Cela dit, sa renommée demeure très forte outre-Atlantique, où on s’arrache à prix d’or les exemplaires subsistants. Une des deux SSJ a même atteint 22 millions de dollars chez Gooding en 2018, devenant la voiture américaine la plus chère jamais vendue aux enchères. L’excellence n’a pas d’âge.
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