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Enquête - Recharge des voitures électriques : comment la France accélère (notamment sur autoroute)

Le mouvement d’électrification du parc automobile est lancé, mais sa réussite reste notamment conditionnée par le déploiement d’un réseau de recharge digne de ce nom, notamment le long des autoroutes. Des défis que les pouvoirs publics comptent relever dans les deux ans qui viennent, mais qui suscitent encore bien des interrogations.

Enquête - Recharge des voitures électriques : comment la France accélère (notamment sur autoroute)

La question n’est plus de savoir si nous viendrons à la mobilité électrique, mais à quel rythme les choses se feront. Et pour le moment, la tendance est plutôt au dynamisme. Plus d’un million de voitures électriques et hybrides rechargeables ont en effet été immatriculées en Europe l’an dernier, dont 195 000 dans l’Hexagone, soit 125 000 de plus que l’année passée.

Les chiffres restent certes faibles dans l’absolu, avec des véhicules électrifiés qui ne représentent encore que 1,2% du parc français (470 000 sur un parc total de 39 millions), mais le mouvement est lancé et va s’accélérer. Les autorités visent ainsi 1 million de véhicules électriques (et hybrides rechargeables) en circulation sur les routes de France à l’horizon 2022, et ce chiffre apparaît tout à fait réaliste.

Dans cette optique, et en vertu d’un accord signé entre l’Etat, des collectivités territoriales et de grandes entreprises (Leclerc, Lidl, Total, Engie, Enedis, Métropole du Grand Paris, Association Française des Sociétés d’autoroutes, etc.), 100 000 bornes électriques devront avoir été déployées dans le pays à la fin 2021.

On en est toutefois encore loin, puisque le pointage publié en février par l’Avere-France indique le chiffre de 31 206 points de charge pour véhicules électriques. « 100 000 bornes déployées d’ici la fin de l’année, c’est un objectif très ambitieux. Ce qui est important, c’est aussi le signal qui est envoyé par l’Etat, et le soutien que celui-ci apporte à un tel projet », souligne l’un des signataires de cet accord.

Il va donc falloir augmenter la cadence pour atteindre les objectifs officiels, d’autant que s’ajoute à cela le problème des trop nombreuses bornes inopérantes. Selon un récent pointage réalisé par l’Association française pour l'itinérance de la recharge électrique des véhicules (Afirev), 58% des utilisateurs de voitures électriques rencontrent régulièrement des bornes hors-service.

 

Sur les 22 000 bornes du réseau Gireve récemment étudiées par l'Afirev, un quart se montre carrément inutilisable, 9 % sont restées indisponibles plus de 7 jours consécutifs, et 26 % des recharges ont échoué.
Sur les 22 000 bornes du réseau Gireve récemment étudiées par l'Afirev, un quart se montre carrément inutilisable, 9 % sont restées indisponibles plus de 7 jours consécutifs, et 26 % des recharges ont échoué.

Pas de quoi inquiéter les acheteurs, qui se montrent donc sensibles à une offre qui s’élargit de plus en plus rapidement, et se laissent convaincre par les aides financières encore généreusement accordées par des pouvoirs publics soucieux de réduire la pollution.

En immeuble, 57% des recharges depuis l’appartement (!)

Au quotidien, les modèles zéro émission séduisent par leur caractère facile à vivre. Silence de fonctionnement, entretien réduit au minimum (pour les 100% électriques, du moins) et, surtout, possibilité de faire le plein à domicile constituent autant d’arguments extrêmement séduisants.

De fait, l’étude Enedis/BVA tout juste publiée sur la question montre que la recharge à domicile est privilégiée par 9 propriétaires de voiture électrique sur 10. Ainsi, 88% des répondants n’utilisent jamais ou en de très rares occasions les bornes de recharge publiques, chiffre en hausse de 18% en un an.

Ce même sondage souligne que 55% des sondés ne rechargent qu’une ou deux fois par semaine, contre 64% en 2019. Avec une moyenne de 44 km parcourus chaque jour, les utilisateurs de voitures électriques roulent pourtant davantage que la moyenne des automobilistes français (29 km tous carburants confondus, soit un écart de 14 km).

Dans la vie de tous les jours, la voiture électrique représente donc une solution quasi-idéale…du moins pour les possesseurs de maisons individuelles, car la recharge en ville est encore parfois bien difficile. A ce titre, l’étude Enedis nous apprend que 57% des possesseurs habitant en immeuble et qui rechargent à domicile se branchent depuis leur appartement (!), solution pour le moins hasardeuse et présentant des risques en matière de sécurité.

En octobre dernier, près d’un tiers des Français se disaient ainsi prêts à sauter le pas de l’électrique pour leur prochain achat automobile. Pour autant, la mobilité dite « propre » ne s’imposera pas tant que la recharge continuera de présenter un caractère aléatoire sur long trajet.

Dans sa deuxième édition publiée fin novembre 2020 le Baromètre de la mobilité EVBox soulignait que 4 français sur 10 attendent que se développent des chargeurs ultra-rapides le long des autoroutes et dans les parkings publics avant de se laisser convaincre. Ionity, acteur important de la mobilité longue distancecompte actuellement 72 stations en France, auxquelles s'en ajoutent 5 en cours de construction.
Dans sa deuxième édition publiée fin novembre 2020 le Baromètre de la mobilité EVBox soulignait que 4 français sur 10 attendent que se développent des chargeurs ultra-rapides le long des autoroutes et dans les parkings publics avant de se laisser convaincre. Ionity, acteur important de la mobilité longue distancecompte actuellement 72 stations en France, auxquelles s'en ajoutent 5 en cours de construction.

Corri-Door pas mort

Or, c’est bien là que le bât blesse encore. L’incroyable épisode de la quasi-cessation d’activité du réseau Corri-Door, annoncée par surprise le 7 février 2020, a laissé des traces dans les esprits. Ce jour-là, Izivia (filiale à 100% d’EDF) annonçait la « mise en indisponibilité » de 189 bornes sur les 217 que comptait alors ce réseau de recharge rapide sur autoroute. La société justifiait cette décision inattendue par des incidents techniques sur certaines bornes, et causait à cette occasion un petit séisme dans le monde de la mobilité électrique. S’en est suivi un bras de fer judiciaire entre Izivia et EVBox (fournisseur des bornes incriminées), dont l’épilogue est attendu vers le mois de juin.

Pour autant, Corri-Door n’est pas mort mais simplement en voie de mutation. Interrogée par Caradisiac, Christelle Vives, Directrice générale d’Izivia, explique que « la promesse de Corri-Door va continuer, mais le réseau va se transformer. De nouvelles bornes vont être mises en place, mais Izivia n’en sera pas le seul opérateur. Le futur réseau sera composite. »

 

D’ici l’été, Izivia opèrera en son nom propre une quarantaine de bornes rapides le long des autoroutes (trente fonctionnent déjà). Et ce n’est pas tout : « en association avec un fonds d’investissement, nous allons installer 60 nouvelles stations qui vont représenter 300 points de charge le long de grands axes et dans de grandes agglomérations», ajoute Christelle Vives, DG de la société.
D’ici l’été, Izivia opèrera en son nom propre une quarantaine de bornes rapides le long des autoroutes (trente fonctionnent déjà). Et ce n’est pas tout : « en association avec un fonds d’investissement, nous allons installer 60 nouvelles stations qui vont représenter 300 points de charge le long de grands axes et dans de grandes agglomérations», ajoute Christelle Vives, DG de la société.

Autoroute : des bornes sur toutes les aires en 2023

Ce déploiement s’inscrit dans le cadre de la volonté gouvernementale d’implanter massivement des bornes à haut débit le long des autoroutes et principales voies rapides de l’Hexagone. En vertu d’un décret publié le 14 février, toutes les aires de services du réseau autoroutier concédé devront être équipées de stations de recharge pour véhicules électriques au 1er janvier 2023.

Concrètement, il s’agira de stations dotées d’au moins 4 points de recharge rapide (le chiffre pourra monter jusqu’à 16 dans les grandes stations). Fortes d’une puissance de 150 kW, celles-ci devront permettre une recharge en moins de 20 minutes. Là encore, il va falloir mettre le turbo. Lors du pointage réalisé en 2020 par l’Association française des sociétés d’autoroutes (ASFA), on dénombrait 307 bornes sont déployées sur 130 aires (sur 440).

Une fois ces bornes installées (avec des subventions représentant 10 à 30% des coûts d’installation), la nouvelle ère de la mobilité pourra réellement s’ouvrir. Une enveloppe de 100 millions d’euros sera consacrée dans les prochains mois par l’Etat à cet ambitieux projet, qui intéressera aussi les nombreux automobilistes européens amenés à voyager en France.

Gare aux taxes

« Il doit être aussi facile de recharger une voiture électrique que de faire le plein d'essence. Disposer d'une infrastructure de recharge suffisante - et pratique - est la voie vers la confiance des consommateurs et l'adoption des voitures électriques », observait récemment Monique Goyens, Directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs, cosignataire d’un appel à l’installation d’un million de bornes sur le Vieux continent à l’horizon 2024. « Les décideurs devraient donc s'attaquer aux problèmes pratiques, tels que l'affichage des tarifs de facturation en prix par kilowattheure et autoriser les méthodes de paiement couramment disponibles. »

La route est encore longue, mais les éléments se mettent progressivement en place. Dans l'intervalle, on peut aussi faire confiance aux pouvoirs publics pour inventer de nouvelles taxations pour l’électricité-carburant. Selon la dernière étude de l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), les taxes sur les carburants rapportent près de 43 milliards par an à l’Etat français (record européen !), et celui-ci ne laissera pas une telle manne s’évanouir au seul prétexte de favoriser la transition écologique.

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