Quand les voitures font des bulles
Emblématiques des années 80 même si elles ont été créées longtemps avant, les lunettes arrière en forme de bulle ont pratiquement déserté la production moderne. Signe d’une époque où l’on a plus envie de se protéger que de laisser entrer la lumière…
C’est l’euphorie. Après les horreurs de la seconde guerre mondiale, l’envie de vivre est plus forte que jamais, surtout en Europe, particulièrement affectée. On a foi en l’avenir, forcément plus beau que les années récemment écoulées, atroces. Les progrès technologiques vont alors bon train, qui concernent bien évidemment l’automobile, sous tous ses aspects. Y compris un élément dont on parle peu : le vitrage.
Si dès 1934 apparait la Chrysler Imperial Airflow CW pour Curved Winshield, soit pare-brise courbé, un accessoire qu’elle inaugure alors, il faut attendre le début des années 50 pour voir arriver de grands éléments à surface complexe produits industriellement. La première application en série de cette avancée se voit sur la Chevrolet Corvette qui, dès 1953, arbore un immense pare-brise panoramique. Il fera école.
Cette année-là apparaît une autre voiture, moins connue mais dont l’influence se fera sentir : la Studebaker Champion. Celle-ci se pare d’une lunette panoramique d’une seule pièce, contre trois par exemple sur la Talbot-Lago T26 GSL, elle aussi lancée en 1953. Conséquence : elle est moins grande.
Néanmoins, la Studebaker arbore presque une bulle, et la Citroën DS, inspirée de l'américaine, s’en approche encore un peu plus en 1955. Mais il ne s’agit encore que de vitrages fixes, même si ce type de lunette prend une autre dimension sur une deuxième Studebaker, la novatrice Avanti en juin 1962.
Au même moment, une petite voiture de sport française adopte une lunette similaire, mais qui ajoute une fonction décisive : la René-Bonnet Djet. En effet, celle-ci rend la bulle ouvrante, pour libérer l’accès au moteur central qu’elle inaugure en production de série, et au coffre. Double innovation !
En 1963, la Maserati Mistral adopte une lunette courbée et ouvrante, mais est-elle assez vaste pour mériter l’appellation de bulle ? Le doute n’est en tout cas pas permis pour un modèle apparu en 1966, peu connu mais très respecté pour ses avancées : la Jensen Interceptor.
En plus d’être la première auto de série à adopter une transmission intégrale sans visée tout-terrain ainsi qu'un antibloqueur de freins dans sa version FF, elle se pare d’une immense lunette arrière ouvrante en forme de bulle. La carrosserie est dessinée en Italie, chez Touring par un certain Federico Formenti, et elle ne passe pas inaperçue dans le milieu du design.
En 1970, la Citroën SM, due à Robert Opron, se pare, elle aussi d’une bulle ouvrante, mais moins spectaculaire que celle de la GT anglaise. Il en va de même en 1974 au Japon pour la Nissan Cherry F-II Coupé et en 1975 en Allemagne pour la Porsche 924, dessinée, elle, par Harm Lagaay.
Toutefois, il ne s’agit encore que de modèles relativement exclusifs, n’ayant pas de visée généraliste. C’est Renault qui va adapter cet élément de design à la très grande série. D’abord sur la Fuego de 1980, qui reste un coupé, ensuite, et surtout, sur la R11 de 1983.
La R11 est la première à adapter cette lunette sur une carrosserie à 5 portes. S’adressant au plus grand nombre, elle connaitra un grand succès, supplantant la R9 dont elle dérive : la bulle s’envole. Commercialement.
Révélée fin 1983 et commercialisée en 1984, la R25 renforcera la mode de la bulle, qui a pour avantage de conférer à cette grande routière un peu de l’élégance d’une classique berline à trois volume (donc coffre séparé) et la praticité du hayon cher à Renault. Rober Opron, qui dirigeait tant bien que mal le design de la Régie, s’est rappelé la SM, alors que son patron, Bernard Hanon, était un grand amateur de la Jensen Interceptor.
En 1985, la Peugeot 309 adopte, elle aussi, une lunette en bulle, associée à un demi-corps comme la R25. Ces quatre modèles français représenteront quelques millions de ventes, grâce à quoi la lunette en bulle sera perçue comme un symbole des années 80.
Aux USA, les Ford EXP et Chevrolet Corvette C4, équipées elles aussi d’une bulle arrière ouvrante, ne feront que renforcer cette impression, tout comme la Mazda RX-7 II au Japon, pour ne citer qu’elle.
Toutefois, dans les années 90, les autos généralistes vont progressivement abandonner la bulle (à l’exception de la Ford Mondeo), qui se réserve alors aux coupés (Mazda MX-3 et Chevrolet Corvette C5, notamment).
Elle effectuera un timide retour au début du 3e millénaire sur les Renault Laguna II (de façon très discrète), Vel Satis et Seat Toledo III. On préfère désormais des épais montants, rassurants et moins chers à produire que de grandes surfaces vitrées à la géométrie compliquée.
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