Prise en mains - Polestar 1 : t’as le look Volvo ! [Exclusif]
L’industrie automobile suédoise s’est simplifiée après la faillite sanglante de Saab en 2012. D’un côté, à Göteborg, Volvo donnait la chair de poule à Mercedes-Benz sous le giron fortuné du Chinois Geely. De l’autre, à Ängelholm, Koenigsegg battait tranquillement des records de vitesse avec ses créations ultra-puissantes. Une troisième marque est apparue en 2017 pour combler une partie de ce fossé : Polestar. Volvo et Geely se sont associés pour transformer cette petite opération obsédée par la course en marque de luxe spécialisée dans les véhicules électriques, sorte de Tesla du pays du Père Noël. Son logo nous rappelle étrangement celui de Citroën, et ses dirigeants nomment ses modèles comme ceux de Renault l’ont fait pendant des décennies. Nous avons pris en main sa première voiture, la 1, en Suède pour découvrir ce que cette marque peut apporter au marché automobile dans les années à venir.
Vos yeux ne vous trompent pas : ce grand coupé aux proportions délicieuses ressemble bel et bien à une Volvo. Il est d’ailleurs né avec le logo de la marque sur sa calandre. C’était une des vedettes du salon de Francfort de 2013, un exercice de style nommé Concept Coupé censé signaler la direction stylistique que Volvo comptait prendre pour renouveler sa gamme et son image. La berline s’inspire largement de ce concept, mais l’idée n’était pas d’en faire une deux-portes de série pour rendre hommage à la P1800 - comme celle que nous avions pu essayer lors de notre road trip en Suède - et aux coupés signés Bertone. Le concept aurait dû couler des jours paisibles dans le musée Volvo.
Son avenir s’est éclairci quand Polestar, un constructeur de voitures de courses qui ensorcelait quelques modèles Volvo a temps perdu, est devenue une marque à part entière en 2017. Volvo n’aurait pas pu financièrement justifier le développement d’un gros coupé, pas plus que Renault aurait réellement pu hacher les portes arrière de la Talisman, mais Polestar a réussi à le faire en ciblant une clientèle dont le portefeuille est bien plus épais. Avec un prix fixé à 155 000 €, la Polestar 1 s’invite à la table de l’Audi R8 et des versions confortablement équipées de la Porsche 911, parmi beaucoup autres.
La Polestar 1 s'invite à la table
de l'Audi R8 et de la Porsche 911
Ce que Volvo a dévoilé à Francfort en 2013 est donc quasiment la même chose que ce que Polestar fabrique dans son usine à Chengdu, en Chine. Si vous souhaitez jouer au jeu des sept différences, voici quelques solutions : le pare-chocs avant a été redessiné, la calandre a un relief diffèrent, et la poupe a évoluée dans une direction plus esthétiquement pure. Les lignes discrètes sont restées figées. Fort heureusement, Polestar s’est retenu d’ajouter un aileron arrière qui pourrait servir de banc sur les Champs Elysées, ou des fausses prises d’air devenus monnaie courante chez les constructeurs de luxe. C’est un design subtil et minimaliste ; le grand tourisme à la sauce scandinave.
La carrosserie repose sur une version raccourcie de la plateforme Scalable Product Architecture (SPA) développée par Volvo. De nombreux éléments en fibre de carbone tentent de compenser le poids de la batterie du système hybride, mais la Polestar 1 pèse malgré tout 2350 kilos. Lourd, vous nous dites ? C’est précisément 90 kilos de moins qu’un Bentley Bentayga équipé du majestueux moteur W12.
Les portes font partie des éléments en carbone, donc elles sont plus légères que leur taille laisse penser. Une fois a bord, c’est du déjà-vu. Le volant trois branches, la tablette tactile verticale sur la console centrale, l’instrumentation 100% numérique, et la grande majorité des boutons et commodos arrivent directement du stock de pièces Volvo. Polestar a rajouté des ceintures de sécurité jaunes et un levier de vitesse en cristal Orrefors, mais on a quand même l’impression inflexible d’être dans une Volvo, ce qui risque de froisser quelques acheteurs. Après tout, la 1 coûte environ trois fois plus chère qu’une S90.
Un coffre plus petit
que celui d'une
Renault Twingo
Nous ouvrons la malle et là, surprise ! La 1 est une des rares voitures dont le coffre est aussi inutile que fascinant. Sa capacité est de 143 litres, donc plus petit que celui d’une Renault Twingo, et légèrement en dessous de celui d’une Lamborghini Aventador S. Pourtant, à 458 cm de long et 193 cm de large, ce coupé n’est pas petit, mais la batterie en forme de T monopolise l’espace entre les sièges avant et derrière les sièges arrière. Nous avons pu rentrer une petite valise, une sacoche, et… c’est à peu près tout. Pour se racheter, Polestar a remplacé le fond du coffre par un panneau transparent qui laisse admirer le câblage du système hybride. C’est un peu comme se balader dans un schéma électrique à taille humaine. Une légende imprimée sur le panneau permet de comprendre quel fil sert à quoi.
Si j’avais une hybride …
Polestar veut se spécialiser dans les véhicules électriques, comme la 2, mais sa première voiture est une exception à la règle : c’est une hybride rechargeable. Le système est bâti autour d’un quatre cylindres de 2,0 litres de cylindrée équipé d’un turbo et d’un compresseur. On trouve aussi un alterno-demarreur integré (ISG) sous le long capot, ainsi que deux moteurs électriques sur l’essieu arrière. La batterie lithium-ion qui les alimente à une capacité de 34 kWh, donc elle est relativement grosse. Nissan équipe sa Leaf électrique la plus basique d’une batterie de 40 kWh, et la BMW i3 120 Ah repose sur 42,2 kWh.
Cette batterie transforme justement la 1 en voiture électrique pendant 124 kilomètres, en supposant que le conducteur a le pied droit léger. Sans moteur thermique, le coupé est silencieux et souple à conduire ; c’est un régal en ville. Il est possible de ralentir sans toucher la pédale de frein grâce au freinage régénératif, mais il faut d’abord glisser le levier de vitesse en mode B, et ne pas oublier de le faire après chaque démarrage. Les moteurs utilisent inévitablement plus d’électricité qu’ils génèrent.
Comptez environ une heure pour charger une batterie complètement vide a 80% en utilisant un chargeur de 50 kilowatts. Avec un plein d’essence et une batterie pleine, la 1 offre presque 900 kilomètres d’autonomie, ce qui représente à peu près la distance entre Paris et Toulon.
Le mode électrique se nomme Pure dans le langage Polestarien. Il y en a quatre autres : Individual, qui permet de configurer une conduite à la carte tel un Subway, ainsi qu’All-Wheel Drive, Hybrid, et Power. Ces trois derniers réveillent discrètement le moteur thermique pour rassembler toute la cavalerie.
609 chevaux mais pas tous
de la même écurie
Polestar nous met gracieusement 609 chevaux sous le pied droit, mais ils ne vivent pas tous dans la même écurie. En accélérant, on sent d’abord le couple important des moteurs électriques, puis le compresseur se met en route, et le turbo prend enfin le relai. 609 est un chiffre impressionnant quand on parle d’un moteur ou d’un système hybride, et 1000 Nm de couple est une figure digne d’un très gros V8, mais dans ce cas ça ne correspond pas à une accélération foudroyante comme dans une Audi RS7, par exemple. Le 0 à 100 km/h prend 4,2 s. Même pressée, la 1 avance d’une manière linéaire digne d’un coupé quatre places de grand tourisme. Elle n’essaye pas de faire croire à ses passagers qu’elle rêve de gagner les 24 Heures du Mans, mais a quand même la bonté de signaler la présence de radars.
Cette configuration a aussi un effet fascinant sur la tenue de route. Le train avant n’est pas tout à fait à l’aise avec les 300 chevaux qu’il reçoit du moteur thermique via une boite automatique à huit vitesses, donc il vaut mieux bien tenir le volant en accélérant pour contrer l’effet de couple sur les roues. Mais, pendant ce temps, les moteurs électriques expédient un couple instantané vers les roues arrière, et il n’y a aucune connexion mécanique entre les deux essieux. Le conducteur entend donc simultanément le train avant protester « Qu’est-ce qu’il se passe ? Je n’ai rien pigé ! » et le train arrière répondre « T’inquiète pas, on fonce ! » Pendant quelques brèves secondes, la 1 donne l’impression d’être deux voitures différentes sous une seule carrosserie. Étonnant ? Oui. Marrant ? Pardi !
Et après, il y a le bruit. Polestar n’a pas osé dépasser les frontières de la discrétion scandinave donc, même à fond, la 1 est relativement silencieuse. En tendant l’oreille, on entend le bourdonnement d’un petit moteur survitaminé auquel s’ajoute le vrombissement des moteurs électriques. Il ne faut pas plus de 100 mètres pour se rendre compte que c’est une expérience de conduite unique.
un poids qui rivalise sans complexe
avec certains pickups américains
Malgré un poids qui rivalise sans complexe avec certains pickups américains, la 1 est assez agile et même plutôt à l’aise sur les routes qui serpentent à travers les forêts suédoises. La suspension réglable signée Öhlins est ferme, nous n’avons jamais eu l’impression de diriger un drakkar, mais pas au point de nuire au confort, même avec des jantes de 21 pouces. C’est sur ces routes sinueuses que les moteurs électriques jouent un tour de magie : la vectorisation de couple. Le système hybride freine légèrement la roue arrière intérieure pour permettre à la 1 de pivoter autour d’un virage avec une efficacité surprenante. Dommage que la direction ne soit pas assez communicative, même en mode Power.
La technologie Pilot Assist, qui vient aussi de Volvo, est un mariage entre un système d’aide au maintien dans la voie et d’un régulateur adaptif. Elle garde la 1 dans sa voie sans initier un match de Pong. Les passagers avant voyagent en silence dans un grand confort, sur des sièges moelleux avec un bon soutien latéral. Il est donc possible de faire des centaines de kilomètres en une journée sans devoir chercher comment dire « kiné » en suédois une fois arrivé à destination. Les places arrière ? Oubliez-les, sauf si c’est pour y mettre des enfants en bas âge ou des valises qui ne rentrent pas dans le coffre.
Sur la place des grandes GT
Résumer la Polestar 1
comme un gros coupé Volvo
serait cruellement injuste
Résumer la Polestar 1 comme un gros coupé Volvo serait cruellement injuste, même si elle y ressemble sous certains angles. Le système hybride lui donne une personnalité forte et bien à elle. C’est aussi un modèle rare : la marque prévoit une production de 1.500 exemplaires étalée sur trois ans. Mais, est-ce qu’une expérience de conduite unique et une exclusivité assurée justifient un prix de 155 000 € ?
Il y a énormément de voitures disponibles à ce prix, et certaines sont beaucoup plus rapides et bien plus racées. Il y a aussi des avions, un Cessna 182 d’occasion vous coûtera moins cher, et des chalets dans un coin paisible des Alpes. Il vous restera même assez d’argent pour acquérir un Dacia Duster 4x4.
La Polestar 1 n’est donc pas un achat rationnel, mais nous ne doutons pas qu’elle séduira sa clientèle. Elle est rapide sans s’en vanter, rare sans le crier, et sacrement bien équipée car tout est de série : l’unique option est une peinture mate. Silencieusement puissante, c’est une vraie GT capable de se transformer en voiture électrique en un clin d’œil. Pour un premier effort, c’est une belle réussite.
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