Passages à niveaux : un rapport, et après ?
L’accident qui a coûté lundi 15 juillet la vie à une jeune femme et trois enfants nous rappelle les énormes dangers que continuent de représenter les 15 405 passages à niveaux répertoriés en France. Un rapport parlementaire rendu au printemps dernier souligne ainsi que « 10 à 20% des passages à niveaux sont considérés comme particulièrement dangereux ».
Comme l’écrasante majorité des accidents, celui survenu lundi matin sur un passage à niveau de la commune d’Avenay-Val-d’Or (Marne), et dans lequel une assistante maternelle qui conduisait sa propre fille de 11 ans et deux enfants en bas âge dont elle avait la charge, n’aurait jamais dû arriver. Parce que la jeune femme dont la voiture a été percutée par un TER aimait profondément son métier et n’avait semble-t-il pas de tendances suicidaires, parce que les barrières (qui avaient été révisées il y a quelques mois) fonctionnaient bien le matin du drame d’après les témoignages d’automobilistes recueillis par les autorités, parce que le signal sonore avertissant de l’arrivée du train a bien été entendu par des ouvriers travaillant à proximité, et parce que le signal lumineux fonctionnait encore à l’arrivée des secours. De plus, le passage à niveau théâtre du drame n’était pas considéré comme « sensible » dans par la SNCF.
Une enquête pour homicide involontaire contre X devra déterminer les causes d’un accident qui, comme précisé plus haut, n’aurait jamais dû arriver… et est pourtant arrivé. Comme celui de Millas (Pyrénées-Orientales) en décembre 2017 - 6 collégiens tués et 18 blessés - et comme d’autres auparavant.
Alors on s’indigne, à l’image de Jehanne Collard, avocate des victimes de la route, qui dès lundi après-midi réagissait avec un communiqué de presse réclamant une vérification généralisée : « A priori, le métier d'assistante maternelle de la conductrice suggère prudence et responsabilité. Il est donc temps de faire un audit généralisé des passages à niveaux de la SNCF afin de savoir si ceux-ci sont correctement signalés et visibles depuis la route, ainsi que d'en vérifier le bon fonctionnement. »
On s’indigne, donc, parce qu’on veut combattre cette fatalité à laquelle on laisse encore trop de place. Un rapport parlementaire rendu au printemps et conduit par la députée des Pyrénées-Orientales Laurence Gayte pointe ainsi du doigt ces 10 à 20% de passages à niveaux dangereux, soit tout de même 1 500 à 3 000 ouvrages disséminés sur le territoire !
Ces passages à niveaux qui, pour certains, ne sont même pas délimités par des barrières s’abaissant à l’approche d’un train, mais par une simple « Croix de Saint André » avertissant d’un danger. Mais aussi ces passages à niveaux qui, bien que dotés de barrières et d’alertes sonores en bon état de fonctionnement, voient encore des automobilistes s’engager alors que les barrières s’abaissent et que les signaux sonores retentissent. « Les accidents sur les passages à niveau ont très majoritairement une cause routière et non pas ferroviaire : environ 98% sont dus à un comportement inadapté d’un véhicule ou d’un piéton », précise le rapport.
Trois grands facteurs d’accident sont identifiés : l’inattention, l’impossibilité de dégager son véhicule (ou se dégager soi-même en cas de chute) alors qu’un convoi approche du passage à niveau, ou bien encore tout simplement l’inconscience avec ces véhicules qui accélèrent ou passent en chicane : « En 2017, pour 38 radars de vitesse installés sur les passages à niveau, il a été constaté 71 972 infractions et pour 80 radars de franchissement de passages à niveau, il a été constaté 27 468 infractions », d'après le rapport.
Celui-ci identifie de nombreuses pistes d’amélioration, qui vont d’un système de type « boîte noire » pour évaluer le fonctionnement du système de sécurité (feux et barrières) en cas d’accident à l’installation de radars de franchissement et de contrôle de la vitesse sur les passages à niveaux les plus sensibles. Egalement évoquées, l’allocation de budgets de sécurisation plus importants et la mise en place d’une gouvernance départementale qui contrôle mieux la sécurisation des ouvrages, ou bien encore des « études de faisabilité » pour des systèmes de détection d’obstacles automatiques permettant de ralentir ou freiner un train.
Bref, il y a du grain à moudre pour les autorités qui, par la voix du délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe, précisent malgré tout qu’on ne compte « que » 35 à 40 morts par an sur les passages à niveaux, soit moins de 1% des victimes de la route. Dans ces conditions, on imagine mal les pouvoirs publics investir les dizaines de milliards d’euros que nécessiterait une sécurisation optimale des passages à niveaux que compte l’hexagone.
Bref, la meilleure des préventions reste celle de l’automobiliste lui-même, appelé à la plus grande vigilance à chaque fois qu’il franchit une voie ferrée. Et s'il se retrouve coincé entre les barrières avec une voiture en état de fonctionnement, une seule solution : accélérer et enfoncer lesdites barrières. Elles sont justement prévues pour ça.
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