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Paris, ville polluée et polluante

Un tiers de voitures en moins en quinze ans, des moteurs toujours plus propres et pourtant, Paris se plaint toujours de mal respirer. De deux choses l'une, soit le parisien est hypocondriaque, soit la mairie de Paris s'est trompée de cible.

Paris, ville polluée et polluante

"Paris polluée, Paris asphyxiée, Paris martyrisée ! Mais Paris libérée, Paris libérée de l'invasion automobile !"

Pardon pour cette parodie du général de Gaulle, ça m'est venu en constatant que la capitale subissait toujours des pics de pollution alors qu'entre l'élection de Bertrand Delanoë en 2001 qui marqua les débuts de la chasse à la voiture, et 2017, la circulation automobile a diminué de 34 % dans la capitale.

Et encore de 6,5 % pour la seule période de janvier à mai 2018 !

 

Le mystère de la pollution parisienne…

Alors, il y a un truc que je ne comprends pas.

En quinze ans, on a vu entrer en vigueur les normes Euro 3, Euro 4, Euro 5 et Euro 6b, les diesels sont censés avoir divisé leurs NOx par 6 et leurs particules par 11. Dans la même période, les moteurs essence ont réduit des deux tiers leurs NOx, et de moitié leurs hydrocarbures imbrûlés et monoxyde de carbone.

Pourtant, et malgré une diminution de plus d'un tiers de la circulation automobile, dès que le vent tombe, qu'il y a trop de soleil, trop de nuages (trop de bouchons, trop de touristes…), la capitale étouffe. C'était encore plus incompréhensible la semaine dernière, avec la circulation particulièrement fluide du début des vacances parisiennes.

 

 Etouffe-t-elle vraiment, la capitale ?

Mardi dernier, alors que les parisiens étaient invités à ne plus jogger et que la mairie implorait le gouvernement de décréter la circulation différenciée, je traversais tout Paris avec ma moto et ma sinusite chronique. Je n'ai rien reniflé de particulier alors que d'ordinaire, le moindre prout de camion dans le casque me colle la barre au front.

A l'arrivée, déjeuner avec un ami vivant une partie de l'année à Saïgon. Et qui trouvait, en cette belle journée ensoleillée, l'air parisien particulièrement pur comparé à celui de la métropole du Sud Vietnam.

Alors bien sûr, les seuils d'alerte franciliens ont été tellement abaissés que l'on parvient tout de même à les atteindre malgré la diminution de la pollution. Mais faut-il s'indigner de cette évolution des règles du jeu ?

Après tout, la recherche d'un air plus propre pour ses administrés et d'une moindre pollution planétaire est un objectif légitime.

 

Ecologie ou idéologie ?

Mais est-ce la santé des habitants et l'avenir de l'humanité qui guident les édiles parisiens ? Ou plus simplement la phobie de la voiture ?

Je pose la question car le combat d'Anne Hidalgo et de son adjoint Christophe Najdovski contre la pollution recèle trop de manquements et de zones d'ombre et souffre d'un mépris frappant des réalités scientifiques.

Paris, ville polluée et polluante

D'abord le chauffage au bois. A Paris, il est utilisé essentiellement comme feu d'agrément en foyer ouvert, de très loin le mode le plus polluant. On sait qu'une soirée au coin de la cheminée émet autant de particules que 3 000 kilomètres en diesel ou 10 000 kilomètres en voiture essence. En hiver en Ile-de-France, pour 4 % des besoins de chauffage, le feu de bois pèse 90 % des émissions de particules fines (PM10) du secteur résidentiel et 23 % du total des émissions de la région, soit autant que le trafic automobile. Une situation qu'AirParif ne cesse de dénoncer.

En 2014, la mairie de Paris et la région Ile-de-France avaient projeté une interdiction de ces feux en foyer ouvert mais Ségolène Royal s'y était opposée en invoquant son refus de l'écologie punitive, la magie de Noël et autres balivernes.

Signalons que celle-ci n'est plus ministre de l'environnement, mais ambassadrice pour les Pôles et donc hors d'état de nuire… Qu'attend-on pour agir contre cette source majeure de pollution ? L'a-t-on seulement évoquée la semaine dernière quand la maire de Paris critiquait l'inaction du gouvernement ?

Paris, ville polluée et polluante

Ensuite les scooters à moteur 2 temps qui, même récents, rejettent jusqu'à 1 000 fois plus d'hydrocarbures (benzène, toluène, aldéhydes…) et 100 fois plus de particules qu'une voiture essence ancienne, mais catalysée, interdite elle de circulation. Malgré sa fin annoncée par la norme Euro 4 entrée en vigueur l'an passé, le 2 temps est toujours au catalogue des constructeurs au prix de quelques adaptations plus ou moins durables.

A Bombay en Inde, les moteurs 2 temps ont été bannis ou, sur les rickshaws, convertis au GPL. Mais à Paris il équipe toujours des milliers de scootéristes, plus l'intégralité des livreurs de pizza et même… les ASVP (agents de surveillance de la voie publique) de la préfecture de police. Une pure incongruité alors que la solution alternative existe : le moteur 4 temps, sans parler du scooter électrique.

Calculer ce que crachent ces dizaines de milliers de moteurs donne le tournis, mais on peut sans risque affirmer que les bouter hors de la ville serait autant voire plus efficace que le bannissement programmé pour 2024 de tous les diesels, même récents.

 

Paris, ville polluée et polluante

Enfin, les terrasses de cafés et restaurants chauffées au gaz. J'ai appris récemment qu'AirParif allait enfin se pencher sur la prolifération de ces milliers de champignons au butane qui permettent de doubler la surface commerciale de ces établissements sans que les clients s'enrhument. Rien qu'à Paris, on dénombre 12 000 de ces terrasses chauffées. Les quantités de NOx et de HC (hydrocarbure) que rejettent ces brûleurs pas toujours bien réglés et entretenus seraient énormes. Sans parler des milliers de tonnes de CO2 qu'émet annuellement ce mode de chauffage absurde car en plein air ou presque. Comment la mairie de Paris peut-elle tolérer cette aberration ? La liberté de fumer en terrasse en hiver ? Les redevances que payent les cafetiers et restaurateurs sur leurs terrasses pèsent-elles si lourd ?

 Je pourrais aussi m'étendre sur l'usage forcené que font les agents d'entretien de la ville de la souffleuse à moteur, un engin certes plus efficace qu'un balai mais présentant un inconvénient majeur en plus de son moteur 2 temps : il remet en suspension des tonnes de poussière. Or, son usage n'est pas interdit pendant les pics de pollution aux particules. Et que dire des bus de la RATP ? Sur les 4 700 en service, 3 600 sont encore propulsés par un diesel carburant au gazole. En novembre, on ne comptait que 800 bus hybrides, 80 électriques et 140 au gaz naturel. Je veux bien admettre qu'un bus dure 20 ans, mais la pollution parisienne ne date pas de la semaine dernière.

 Bref, pour ma part, il y a belle lurette que je ne crois plus que la mairie de Paris lutte contre la pollution mais bel et bien contre l'automobile.

Le combat n'est pas écologique mais idéologique : les transports en commun incarnant le bien, le "vivre ensemble" et la locomotion individuelle représentant le mal, l'accaparement de l'espace public.

 

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