Nicola Materazzi : un homme tranquille à l'origine des plus incroyables italiennes
LES VOITURES DU MONDE - En 1987, la Ferrari F40 bat le record de vitesse en atteignant 325 km / h. Elle est, entre autres, l'oeuvre d'un ingénieur que tout oppose au style de vie des clients de supercars.
Son CV est impressionnant, sans doute le plus incroyable du gotha, plutôt chargé, de l’automobile italienne au rayon ingénieurs. Rien qu’à rappeler quelques autos que Nicola Materazzi a développé, on a le tournis. La Lancia Stratos, les Ferrari 288 GTO et F40, tout comme la Bugatti EB110, c’est lui, du moins en partie.
Avec de telles autos à son actif, on l’imagine flambeur comme elles, mais c’est tout le contraire. Il avait une allure d’universitaire et de chercheur, ce qu’il fût à ses débuts, et n’aimait rien tant que sa bibliothèque bourrée de livres, techniques ou pas, dont certains étaient de sa plume et il se tenait loin de ceux qui achetaient les œuvres qu’il avait conçues.
Loin de Turin et de Maranello
Peut-être ses origines lui ont-elles apporté ce détachement ? Car il est né dans le Cilento, au sud de l’Italie en 1939. Loin, très loin de l’Italie du Nord et de l’opulence, de Milan, Turin ou Modène ou s’inventait la voiture italienne d’après-guerre. Pourtant, les voitures, il en rêvait et rêvait de les concevoir. Son diplôme d’ingénieur en poche, obtenu à Naples, il enseigne quelque temps. Mais il s’ennuie et décide de quitter le pays, du moins cette partie du pays où l’on ne comprend pas son rêve. Direction Turin ou il trouve un poste chez Lancia.
Materazzi est un spécialiste du calcul. Châssis, direction et suspensions passent par ses équations. Il est remarqué et, rapidement, est intégré à l’équipe qui développe la Stratos, aux côtés de Marcello Gandini. La voiture entrera non seulement dans la légende du rallye, mais elle a permis à l’ingénieur de découvrir et parfaire sa connaissance dans l’élément qui commence à agiter tout le cercle du sport auto dans ces années 70 : le turbo.
La suralimentation va devenir sa carte de visite et lui permet d’entrer au ciel, celui de Maranello, chez Ferrari. Le Commendatore, en bon conservateur, est plutôt réticent à l’adoption de ce nouveau gadget, mais il cède, sur les conseils de son équipe, et en se rendant à l’évidence des progrès du moteur Renault en F1. L’ingénieur napolitain intègre la Scuderia, mais le patron lui a fait une promesse : lui permettre de développer, en parallèle, des autos de séries. Et bien lui en a pris.
Ferrari est dans une mauvaise passe, comme ce fut souvent le cas dans le passé, et Fiat, devenu l’un des gros actionnaires, fait pression. Les autos produites ne sont plus à la hauteur, tirées vers le bas par le puissant groupe turinois. Mais plutôt que de faire moins puissant et moins cher, le Cavallino va faire l’inverse : créer des autos plus exclusives et, tant qu’à faire, plus chères. 300 ch ? Pas suffisant. Pour Materazzi, une auto de route peut développer 400 ch. Sans problème. Alors, après la 288 GTO, Enzo Ferrari va lui confier, peu avant sa mort, ce qui sera son chef-d’œuvre : la F40.
La supercar c'est pour le week-end
L’ingénieur n’a pas de famille, sa vie est à Maranello et son enfant, c’est la supercar Ferrari. il va lui consacrer tout son temps : la semaine il travaille sur les autos de série et sur la F1 de la Scuderia, et il consacre ses week-ends à la F40. Trois ans plus tard, en 1987, elle fait ses premiers tours de piste sous les yeux de Ferrari, très malade. La presse se presse sur les bords de la piste, bluffée. Surtout les journalistes de Quattroruote qui souhaitent chronométrer l’engin. Rendez-vous est pris et, quelques semaines plus tard, l’auto est mesurée à 325 km / h. Record du monde.
La F40 est un succès, du moins pour une auto à près d’un million d’euros. En cinq ans, 1 311 exemplaires sortent des ateliers et sont vendus. Ce sera la dernière auto du Commendatore qui meurt l’année suivant sa création. Et la dernière Ferrari de Materazzi. Fiat a pris le contrôle et il ne supporte plus les injonctions, parfois contradictoires, des Turinois. Il se réfugie chez son ami Claudio Castiglioni qui dirige le constructeur de motos Cagiva. Il reviendra à l’automobile une dernière fois pour développer l’éphémère Bugatti EB110, avant de se retirer définitivement dans sa bibliothèque. Il nous a quitté en 2022. Il avait 83 ans.
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