Marcello Mastroianni et l’automobile : « ma che belle macchine »
Il a symbolisé les années dorées du cinéma italien. Mais aussi les belles années de l'automobile transalpine qu'il adorait, et notamment l'une de ses marques : Lancia, à qui il a fait une infidélité en s'offrant une Ferrari.
L’automobile connaît l’une des plus importantes mutations depuis son invention. Elle se transforme comme jamais, mais sans tomber dans une nostalgie complaisante, cette nouvelle rubrique se veut l’occasion de revisiter son passé et d’égayer son présent. Car l’automobile était, et reste toujours, un mythe. Bien au-delà de quelques modèles de légende, dont l'on vous parle souvent ce sont ses grandes et petites histoires que l’on souhaite vous raconter chaque semaine.
Le terme aurait pu être inventé pour lui. Le latin lover, il l’a personnifié durant les années fastes. Celles de l’Italie du temps ou elle disposait d'une industrie cinématographique et d'artistes comme lui, avant la télé et ses animateurs paillette. Marcello Mastroianni a traversé ces trente glorieuses du grand écran transalpin, avec son charme, sa nonchalance, ses amours féminines et automobiles.
Est-ce parce qu’il a débuté en tant que petit dessinateur industriel, faute de pouvoir devenir designer, avant de crever l’écran ? Toujours est-il qu’il a conservé toute sa vie l’amour des belle macchine, celles qu’il se paiera dès la notoriété venue. Une notoriété internationale qui va surgir après 10 ans et une quarantaine de rôles, grâce à son ami Federico Fellini avec qui il va tourner la Dolce Vita. Les deux hommes, que rapprochait, entre autres, la passion de l’auto italienne avaient une marque préférée : Lancia.
Une Triumph TR3 pour les paparazzis
Mais curieusement, le maestro n’a pas voulu que le personnage interprété par Mastroianni, et qui se prénomme d’ailleurs Marcello, roule en Lancia. Il traversera Rome dans une Triumph TR3 qui, pour Fellini, symbolisait mieux l’univers d’oisiveté, de suffisance et de superficialité des people et des papparazis. Ce dernier terme a d’ailleurs son origine dans le film, puisque le photographe qui traque les stars s’appelle Coriolano Paparazzo. Va donc pour la Triumph, jugée beaucoup plus vulgaire que les Lancia adorées par le réalisateur et son interprète principal.
Les deux hommes ne se perdront jamais de vue. Fellini tournera sept films avec celui qu’il considérait comme son double, celui que lui, l’intello renfrogné aux films difficiles aurait aimé être : un beau gosse solaire aimé des hommes qui voulaient lui ressembler, et adulé des femmes qui voulaient être à ses côtés. Ils rouleront tous deux en Lancia, et notamment dans l’une des plus belles : la Flaminia, dont Mastroianni possédera une version convertible de 1960.
Cette auto, il l’appréciera tellement qu’il acceptera même d’en faire la pub, posant à ses côtés sur une affiche indiquant Flaminia, l’Altre amore di Marcello. L’autre amour ? Les autres plutôt, avec qui il a partagé sa vie, ou seulement déclaré sa flamme, comme Silvana Mangano, Catherine Deneuve, Faye Dunaway ou Claudia Cardinale. Cette dernière lui reprochera de tomber amoureux de toutes les actrices qu’il croise.
En est-il autant des autos de sa vie ? Car il fut infidèle à Lancia. Mais qui aurait résisté à la Ferrari 330 GTC de 1966 qu’il a acquis. Le coupé, qu’il ne gardera pas très longtemps a été exposé en 2016 au concours d’élégance de la Villa d’Este au bord du lac de Côme.
Cet amour des belle macchine, Mastroianni le cultivera tout au long de sa vie, jusque dans les personnages qu’il a interprété. C’est ainsi que, dans Ça n’arrive qu’aux autres de Nadine Trintignant, en 1971, le latin lover joue le rôle d’un designer automobile dont le couple qu’il forme avec Catherine Deneuve est en crise. Alors, parfois la nuit, il s’échappe à bord de sa voiture qui n’est autre que l’un des chefs-d’œuvre éphémères (15 000 exemplaires seulement en 8 d’existence) de la Fiat : la 130.
Mais si Mastroianni aimait l’automobile italienne, et toute la symbolique d’élégance, et de frime aussi, qu’elle trimbalait, il refusait d’incarner ce latin lover qu’on lui a si longtemps accolé. Alors, peu à peu, il s’est tourné vers des rôles différents, comme dans Une journée particulière, ou il incarnait un homosexuel aux côtés de Sophia Loren en 1977, ou La grande Bouffe et son suicide collectif et alimentaire. Mais l’automobile le rattrape toujours, et c’est à bord d’une Bugatti type 37 qu’il quitte un moment ses collègues d’orgie. Ils le retrouveront à son volant, le lendemain matin, mort de froid.
Puis l’homme a vieilli. Il a continué à monter sur scène, malade, atteint d’un cancer du pancréas. À Au cours de ses dernières années, au théâtre, celui qui s’est toujours tenu debout, face à la vie et tout en élégance, a joué son rôle assis. Il nous a quittés en 1996 et, au lendemain de son décès, les eaux de la fontaine de Trévi, à Rome, décor de La dolce Vita, se sont arrêtées de couler, en un ultime hommage. Cette année-là, Lancia n’était déjà plus la grande marque qu’il adorait. Cette année, elle va renaître, différemment. Pas sûr que Mastroianni eût craqué en voyant cette drôle de renaissance.
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