Malgré ses honnêtes résultats, Renault est-il tiré d’affaire ?
Michel Holtz , mis à jour
Avec des résultats en hausse, une augmentation des marges, et le retour des dividendes aux actionnaires, le Losange va mieux. Est-il pour autant sauvé ? Rien n’est moins sûr, au risque de tempérer quelque peu l’enthousiasme de Luca De Meo
Il a, au fond de lui un optimisme très latin. Dans une interview qu’il a livré aux Échos, Luca De Meo, le patron de Renault se veut plus que rassurant : il est enthousiaste. Pour lui, Renault est « devenu une machine à faire du cash ». Bien sûr, les affaires du losange vont en s’améliorant. Pour autant, peut-on parler, comme son patron n’hésite pas à le faire « de l’un des redressements les plus rapides de l’histoire de l’automobile » ? Pas si sûr.
Certes, les affaires vont mieux, et la situation est moins grave que si elle était pire. Le chiffre d’affaires a augmenté l’année dernière, et la marge opérationnelle aussi. Pour autant, le profit opérationnel de 2,6 milliards d’euros dégagé l’an passé est un miroir déformant. Le bénéfice net est négatif, à – 338 millions d’euros, et il pourrait être plus bas encore, puisque les pertes essuyées en Russie par l’abandon d’Avtovaz sont lissées sur plusieurs exercices, tout comme le remboursement de la dette de 5 milliards d’euros contractée auprès de l’État français, qui n’est pas finie d’être réglée et qui devrait l’être à la fin de cette année seulement.
"On gagne plus d'argent avec 2 millions de voitures vendues qu"avec 3 millions".
Bien sûr, on connaît la recette appliquée par Renault et qui lui a permis de sortir la tête de l’eau. De Meo applique la méthode utilisée par tous ses concurrents généralistes occidentaux : vendre moins pour gagner plus. Et il affirme « gagner plus d’argent en vendant 2 millions de véhicules que lorsqu’il en fabriquer 3,5 millions ». Pour y parvenir, les autos du losange doivent monter en qualité. Ce qui est le cas aujourd’hui de la Megane E-Tech et de l’Austral, et qui devrait aussi être le régime du nouvel Espace, puisqu’il ne s’agit que d’une version break de l’Austral. Mais qu’en sera-t-il des futurs modèles ?
De Meo a exposé un plan produit plus que conséquent puisqu’il prévoit 25 nouveaux produits d’ici quatre ans. Et rien que cette année, le Kangoo électrique, l’Espace et la nouvelle Clio sont dans les tuyaux. Pourra-t-il maintenir ce surplus de qualité avec la Clio 6e du nom ? La « premiumisation » de la citadine risque de faire grimper l’addition, déjà conséquente, et de lui faire dépasser allègrement les 20 000 euros. Quant aux tarifs de la R5 électrique à découvrir l’an prochain, elle devrait elle aussi très largement dépasser ce seuil.
La politique du plus cher avec des volumes moindres risque de se heurter aux limites du pouvoir d’achat des automobilistes et la guerre des prix semble déjà initiée par Tesla, la marque que les constructeurs concurrents observent plus que jamais. Une guerre tarifaire que De Meo élude, et s’adressant, sans le dire, à Elon Musk, il explique que « baisser brutalement les prix détruit la valeur des voitures qui sont chez les clients ». Mais elle permet aussi d’en conquérir d’autres, qui risquent d’être séduits par une Tesla.
L'avance des Chinois est ratrappable
Un problème tarifaire qui se pose également avec l’arrivée des marques chinoises. Et là encore, le patron de Renault se veut rassurant. "Il a fallu 10 ans aux Chinois pour développer leur technologie en matière de voitures électriques et il faut laisser le même délai aux occidentaux", estime De Meo qui aimerait bien que l’Europe mette en place un moratoire sur la fin du thermique pour lui permettre de rattrapper ce retard. Pour autant, pendant ce temps, les constructeurs chinois ne vont pas s’arrêter en chemin et attendre que les marques de chez nous les rattrapent.
Quant à la hausse spectaculaire des ventes de ces mêmes Chinois sur le vieux continent, le patron de Renault se veut tout aussi zen. Pour lui, il est normal que la hausse de leurs immatriculations soit exponentielle, « puisqu’ils partent de rien ». Reste à savoir qui va l’emporter, entre l’optimisme latin et le pragmatisme chinois.
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